Circonspection ou le mors aux dents

© Hamish Hooper/CAMPER ETNZ

Les concurrents naviguent dans les conditions qui ont créé le mythe de cette course autour du monde en équipage. La fureur des mers du Sud. Les 40èmes Rugissants. Ils ne vont pas pouvoir filtrer tout de suite avec les 50èmes Hurlants à cause des portes de glaces imposées par la direction de course pour prévenir toute rencontre malheureuse avec des growlers ou autres glaces dérivantes. La flotte est encore groupée sous le 47ème Sud, à l’exception d’Adu Dhabi Ocean Racing qui reste sur une route nettement plus nord que ses adversaires sur le 43.5 Sud.

L’heure est à la concentration extrême sur la sécurité des hommes et des montures. En effet, les concurrents savourent leurs dernières heures au portant rapide avant d’entrer dans le gros de la dépression qui promet 3 à 4 jours particulièrement rock’n roll.

Team Sanya est le premier à déplorer une avarie matériel importante avec la perte d’un de ses safrans. Mais certains ont le sourire aux lèvres et le mors aux dents alors que d’autres, comme Franck Cammas restent un peu plus circonspects.

Sur Camper, le vétérans de la course, Stu Bannatyme piaffe d’impatience : « Les meilleures navigations du monde se font au portant dans les mers du sud, » affirme le co-skipper de CAMPER, actuellement 2ème derrière les Français.

Au portant dans 30 à 35 nœuds de vent de sud-ouest il y a du plaisir avec des longs surfs à 25 nœuds ; du stress, donc les marins commencent à réduire la toile ; et de l’appréhension, à mesure qu’ils sortent les combinaisons sèches et qu’ils matossent pour le long bord de tribord amure à venir.

Mais ils savent aussi que cela ne fait que commencer. La brise dans laquelle la flotte évolue est liée à une grosse dépression. Et comme cette dépression se déplace lentement, les Volvo Open 70 vont la surfer par le nord pendant les prochains jours. Comme elle vient du Grand Sud, elle leur réserve des vents très forts, très violents et très froids et une mer très formée.

« On va avoir 40 à 45 nœuds pendant plusieurs jours », explique Franck Cammas, le skipper français lors d’une vacation avec son PC parisien. « C’est surtout la mer qui va être très forte avec 10 mètres de creux. Ce sont des conditions qu’on a imaginées quand on a construit le bateau et quand on s’est entrainés. On va même en avoir plus que prévu : il y pas mal de stress en attendant d’y être.

« Je ne sais pas si on va pouvoir prendre du plaisir à barrer, à jouer dans les vagues, ou si on sera dans un mode survie, à se tenir à la barre et à essayer de tenir debout. »

Plaisir ou inquiétude ? Jono Swain hésite aussi. Le barreur-régleur du Mar Mostro de PUMA est sud-africain, c’est sa cinquième Volvo Ocean Race.

« On sait qu’on va naviguer derrière ce front et que le vent va monter. On va devoir adopter un mode plus conservatif pour ne rien casser. La ligne est mince entre pousser trop fort ou reculer.

« Il y a du soulagement et de l’appréhension, parce qu’on sait que les cinq prochains jours vont être très ventés, mais qu’on veut arriver entiers et en bonne forme au Cap Horn pour la dernière partie avant le Brésil. »

Les hommes de Sanya, eux, cherchent à échapper à la dépression. Ils ont cassé un de leurs deux safrans autour de 07h UTC ce matin, passant de la première à la cinquième place en quelques heures.

« Un ‘bang’ puissant a retenti à l’arrière du bateau, à un mètre seulement de là où j’étais assis, écrit Andrès Soriano, le MCM de team Sanya. L’eau s’est déversée dans le compartiment arrière. Dans un premier temps, je ne savais pas d’où cela venait, puis j’ai regardé avec ma lampe frontale. Ce que j’ai vu m’a déchiré les tripes. La mèche de safran s’est cisaillée juste sous le niveau du pont. En voyant ce qu’il en restait, j’ai deviné qu’il n’y avait plus de safran. Une énorme quantité d’eau s’est immédiatement engouffrée dans le compartiment arrière, où j’étais. »

« Pour le moment, le plan est d’aller le plus au nord possible pour s’extraire de la brise qui rentre, » poursuit l’équipier média.
« Tout le monde va bien à bord. Physiquement, nous sommes tous en bonne santé et nous avons même faim … Mais mentalement, c’est très dur … Comme toujours, nous continuerons de nous battre.

L’équipage évalue actuellement les options possibles pour gérer au mieux et au plus sûr cette avarie et ses conséquences. Pour l’instant, on sait que l’équipage a réussi à colmater le trou à l’aide d’une plaque de carbone et dispose d’un safran de secours.

Positions le 22 mars 2012 à 13h UTC :

  1. Groupama sailing team à 5424,8 milles d’Itajaí
  2. CAMPER with Emirates Team New Zealand à 3,9 milles du leader
  3. PUMA Ocean Racing powered by BERG à 25,9 milles du leader
  4. Team Telefónica à 50,7 milles du leader
  5. Team Sanya à 130,0 milles du leader
  6. Abu Dhabi Ocean Racing à 289,70 milles du leader

Classement général provisoire après 9 manches : 4 étapes océaniques et 5 In-Port.

  1. Telefonica (Iker Martinez) : 1+30+6+29+2+27+6+20+1 = 122 points
  2. Groupama 4 (Franck Cammas) : 2+20+2+18+5+24+2+30+4 = 107 points
  3. Camper (Chris Nicholson) : 4+25+5+24+4+18+3+15+6 = 104 points
  4. Puma (Ken Read) : 5+0+4+19+3+17+5+25+5 = 83 points
  5. Abu Dhabi (Ian Walker) : 6+0+3+10+6+14+4+10+2 = 55 points
  6. Sanya (Mike Sanderson) : 3+0+1+5+2+5+1+5+3 = 25 points

Source

Anne Massot

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