Il a fallu être patient pour entendre Yoann Richomme, tout frais vainqueur de The Transat CIC. À 110 milles des côtes new-yorkaise, pas facile d’établir la connexion avec le large. Au moment où il apparaît à l’écran, le skipper de l’IMOCA PAPREC ARKÉA lance : « on est en direct au milieu de nulle part dans une bande de brume mais je viens de gagner une des plus fameuses transatlantiques », savoure-t-il avant de se prêter au jeu des questions-réponses.

Tu viens de remporter la 15e édition de The Transat CIC. Qu’est-ce que tu ressens quelques minutes après avoir coupé la ligne ?
C’est une transatlantique de dingue, elle est historique, elle a un peu dessiné l’histoire de la course au large avec Eric Tabarly. J’avais à cœur d’y participer et je ne rêvais même pas de la gagner ! On a eu une transatlantique très intense avec l’une des flottes les plus compétitives que l’on a pu voir sur cette épreuve. Je ressens beaucoup de fierté à l’idée d’avoir passé la ligne en tête et d’arriver demain dans la baie de New York. Il y a beaucoup de symboles pour moi d’autant que j’ai vécu ici pendant quelques années pendant mon adolescence. C’est top d’y revenir par la mer. Je suis très fier de ce résultat pour mon équipe et ceux qui m’entourent. Remporter deux transatlantiques consécutives en IMOCA, c’est génial et ça démontre tout leur travail.

“Avec Boris, on avait les bateaux les plus adaptés”

Tu as maîtrisé la course de bout en bout… Tu t’es senti en confiance ?
J’ai toujours un peu de mal à me mettre dans le bon rythme après le départ. Il y a eu des choses plus ou moins compliquées, des questionnements qui ne se voient pas sur les choix de voiles… C’est très énergivore de naviguer dans ces contrées assez extrêmes d’autant qu’il faisait froid. Tu réfléchis à deux fois avant d’effectuer un changement de voile. Je n’étais pas en totale sérénité. J’ai beaucoup cogité mais au final, j’ai été plutôt efficace. Il fallait limiter la dépense d’énergie, ne pas faire trop d’erreurs et faire de belles trajectoires. Et je suis fier de celles que j’ai faites, notamment l’aile de mouette dans la dépression pas loin de Terre-Neuve. J’ai bien exécuté certaines choses. Au final, je m’attribue une bonne note.

Tu as longtemps été à la lutte avec Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance) notamment. As-tu l’impression d’avoir couru plusieurs étapes de Solitaire du Figaro – Paprec consécutives ?
Oui, deux, voire trois même ! On s’est bien tiré la bourre avec Charlie pendant la montée au nord le long de l’Irlande, ça va me servir de référence. Il y a eu ensuite le contournement de la dépression, puis la fin de la course avec Boris (Herrmann) qui est revenu fort. C’était intense et dur psychologiquement. On a vu les différences de vitesse dans la mer au portant. Je pense qu’avec Boris, on avait les bateaux les plus adaptés. On a sûrement eu tous nos déboires, ce qui a rendu la navigation délicate dans 30-35 nœuds. Hier matin, j’ai fait un départ à l’abattée dans un grain. Le bateau est parti en survitesse, il a dû rester 30 minutes sur la tranche. Je ne me suis pas réveillé malgré les alarmes tellement j’étais fatigué. Et quand je me suis réveillé, le bateau était couché sur le flanc et j’ai dû le redresser.

“Profiter de New York et de mon équipe”

Comment abordes-tu les dernières heures de navigation avant d’arriver à New York ?
Je suis bien cramé, je n’arrête pas de manger. Je vais aller doucement au début et attendre Boris (Herrmann) pour convoyer à deux jusqu’à New York. Il n’y a pas beaucoup de vent devant, je ne sais pas si on va devoir avancer à la voile ou au moteur. C’est compliqué de donner une heure d’arrivée, ça va prendre pas mal de temps. J’espère qu’on va être accueilli par du soleil !

Tu as tiré pas mal de bords pour éviter la zone de protection des cétacés (ZPC). Comment ça s’est passé niveau stratégie ?
La zone nous a un peu gêné mais j’ai fait comme si c’était une terre. On a dû la longer un peu. C’était une contrainte mais elle n’a pas été très gênante, surtout qu’elle était relativement nord. On a pu faire globalement ce qu’on voulait faire. Le scénario s’est bien déroulé.

Quel est ton programme pour les prochaines semaines ?
Je vais essayer de profiter de New York et de mon équipe. On va aussi partir une semaine à Yellowstone avec ma compagne. C’est l’un des parcs les plus beaux et les plus anciens. Ensuite, je reviendrai à New York dix jours avant le départ de la course retour pour passer du temps avec mon équipe. Je veux profiter au maximum des Etats-Unis et recharger les batteries avant le retour.

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