Du bon usage des paraboles

© Jean-Marie Liot / DPPI

Visiblement, l’entrée dans l’océan Indien n’a rien d’une sinécure. Des vents instables, une mer croisée, des incertitudes météorologiques, le menu des dernières heures s’est révélé particulièrement indigeste pour les solitaires au large de la pointe de l’Afrique. En revanche, les poursuivants semblent retrouver quelques couleurs.

« Les derniers seront les premiers. Pain blanc après pain noir… » Les solitaires en route sur les traces de l’Indien ont tout leur temps pour digérer diverses métaphores concernant leur position au sein de la course, de même que la manière de le vivre. Tous ont l’occasion de vérifier la fragilité d’une situation qui peut basculer en quelques heures. Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) qui, hier encore, pouvait sembler décroché du trio infernal Armel Le Cléac’h (Banque Populaire), Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec 3), François Gabart (MACIF), ne pointe plus qu’à 77,8 milles de la tête de course, à moins de vingt milles du podium. Et pourtant, le navigateur suisse n’était qu’à moitié satisfait du comportement de sa machine, exprimant son sentiment de ne pas réussir à aller très vite. Comme quoi, vérité d’ici peut valoir mensonge ailleurs. Pour tous les solitaires engagés dans l’Indien ou bien en passe de l’être, il s’agit de trouver le moyen d’aller au plus vite, au plus court vers la porte de Crozet, avant de se faire happer par les calmes de l’anticyclone qui se constitue dans le nord de cette nouvelle marque de parcours.

Géométrie appliquée

Un navigateur manie l’art consommé de la parabole. Bertrand de Broc (Votre Nom autour du Monde avec EDM Projets), en contournant l’anticyclone de Sainte-Hélène par l’ouest, a renoué avec la pureté de certaines figures géométriques, décrivant une courbe harmonieuse vers les quarantièmes. Mais surtout, le navigateur aux 4000 sponsors déboule à plus de 15 nœuds de moyenne. Après avoir croqué Tanguy de Lamotte (Initiatives-cœur), nul doute qu’il aimerait bien accrocher à son tableau de chasse l’Akena Vérandas d’Arnaud Boissières. Mais avec un bateau de même génération et l’expérience d’un tour du monde sous la quille, il n’est pas dit que la brebis vendéenne se fasse croquer sans résistance par le loup cornouaillais. Pour Javier Sanso (Acciona 100% EcoPowered) comme Alessandro Di Benedetto (Team Plastique), une navigation toute en méandres témoigne de leur volonté de couper au plus court sans pour autant se faire piéger par Sainte-Hélène, toujours aussi pugnace.

Des bateaux et des hommes

Dans ces mers chaotiques, ces vents variables et violents, les bateaux souffrent. Les navigateurs parlent des masses d’eau qui submergent littéralement le pont du bateau, des étraves qui plongent dans la vague précédente quant le voilier part au surf, des craquements sinistres quand les quelques tonnes de carbone s’écrasent à l’arrière d’une vague trop abrupte. Face à cette situation, les solitaires se divisent en deux camps. Les pragmatiques froids analysent avec lucidité les contraintes que subit leur outil de travail, se reposent sur les calculs de résistance des matériaux des bureaux d’études. D’autres ont une relation plus charnelle avec leur monture et n’hésitent pas à cajoler leur bichon, lui parler, lui donner des petits noms ; ils endurent avec lui quand la mer le malmène. Dans un cas comme dans l’autre, il faut une part de fatalisme, faire confiance à son bateau, s’habituer au vacarme, aux mouvements désordonnés et finir par considérer que ce qui était, hier encore, insoutenable est parfaitement tolérable aujourd’hui. Chacun voit midi à sa porte.

Classement au 04/12 – 16h00

  1. Armel Le Cléac’h
    (Banque Populaire)
    à 17475.9 milles de l’arrivée
  2. Jean Pierre Dick
    (Virbac-Paprec 3)
    à 53.0 milles du leader
  3. François Gabart
    (MACIF)
    à 61.0 milles du leader
  4. Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat)
    à 77.8 milles du leader
  5. Alex Thomson
    (Hugo Boss)
    à 207.1 milles du leader

Ils ont dit

François Gabart (FRA, MACIF)

Le jour où ils ont déplacé la porte, j’ai tout de suite regardé et je savais que ce serait chaud. Je ne vais pas trop traîner sur le chemin car, plus on va arriver tard là-bas, plus on aura du vent faible. Il y a beaucoup de vent et ça a été un peu sport ce matin. Mais je ne me plains pas, j’ai pas mal dormi cette nuit. Hier, ça a été super dur car le vent était très instable. Je suis passé au près, au portant donc j’en ai bien bavé et ça m’a pas mal fatigué. Mais en général, ce sont plutôt des conditions sympas.

Alessandro Di Benedetto (ITA, Team Plastique)

C’est un plaisir fou de naviguer sur ce bateau. Je peux courir sur le pont et rester debout. Et puis il va beaucoup plus vite que le 6,50m. C’est fantastique. C’est une course magnifique, je n’ai pas de mot pour le dire. Pour le moment, je suis à 12-13 nœuds parfois 14. Le vent est très variable. Je suis au portant avec grand voile, un ris et grand gennaker. Je vais me préparer à empanner d’ici deux heures pour descendre dans le sud-est pour un long bord d’environ 500 milles. Il y a une basse pression qui arrive : je vais essayer de l’exploiter.

On ne peut pas s’arrêter mais on passe à coté de choses incroyables, des îles, des animaux qu’on ne peut voir que dans certains endroits. C’est fantastique de pouvoir les observer de près dans la réalité.

Tanguy De Lamotte (FRA, Initiatives-cœur)

Je fais du tourisme ! Je suis en train de passer à côté d’une île qui s’appelle « Inaccessible Island ». Je suis au plus proche. C’est dans l’archipel de Tristan da Cunha. J’ai fait plein de photos, c’est très joli. Je suis passé à coté d’une nappe d’oiseau, c’était vraiment incroyable. J’ai pris la barre hier soir, mais pas très longtemps, quinze minutes environ. Les conditions sont sympas donc je vais peut-être la reprendre un peu. En plus ça repose un peu le pilote (ndlr : le pilote automatique).

Bernard Stamm (SUI, Cheminées Poujoulat)

Il y a des manœuvres. Ce n’est pas facile. Il faut que ça se stabilise car c’est un peu le rodéo des mers. Le cheval a plutôt tendance à enfourner. Le bateau prend de la vitesse et s’écrase dans la vague après. Il y a beaucoup d’eau qui passe par-dessus le bateau. Ce n’est pas facile. Je ne sais pas trop quelle voile mettre. Il faut essayer pas mal de choses. Si la mer me laissait aller comme je voulais, j’irai plus vite. Je ne sais pas la raison exacte qui fait que je suis revenu (ndlr : sur le trio de tête). J’ai peut être profité des vents.

Les albatros viennent vraiment près. C’est sympa. Mais c’est vrai que quand tu fais un boulot de titan pour aller vite et que tu vois un albatros qui fonce à coté de toi sans battre des ailes, c’est énervant (rires).

Source

Liliane Fretté Communication

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