Au meilleur des Voiles !

© Rolex / Carlo Borlenghi

Comme dans un scénario bien ficelé, les Voiles de Saint-Tropez déroulent crescendo la trame d’une semaine toute en beauté et en spectacle nautique. Le vent n’a cessé en effet de monter depuis le début des joutes lundi dernier, sous un soleil toujours aussi généreux, avec au crédit de cette troisième journée, une mer clapoteuse à souhait pour donner reliefs et contrastes aux somptueuses images du jour. En tournant franchement à l’est ce matin, le vent a permis à la direction de course d’envoyer toute la flotte des voiliers de tradition vers les Issambres, tandis que les Modernes s’envolaient pour un grand triangle d’une quinzaines de milles vers la Nioulargue, avec retour en baie. Wallys et J CLass choisissaient d’enchaîner petit parcours de type banane, immédiatement suivi d’un joli côtier dont l’arrivée était jugée, le fait n’est pas coutume, à hauteur du Portalet. L’occasion une nouvelle fois de sublimer un plan d’eau magique par un mélange unique de voiles Modernes et de traditions, sous la belle lumière automnale d’un décor de carte postale.

Vitesse, vitesse

Conçus pour la vitesse, voici certes quelques décennies, les 12 m J Ikra et Sovereign adorent retrouver à Saint-Tropez un peu de l’ambiance si particulière des grands défis sportifs d’antan. Ils étaient une nouvelle fois les plus prompts à se jeter sur la ligne de départ de leur catégorie des grands Marconi, imités en cela par un autre « sportif » de renom, le Maxi Il Moro de Venezia I. Lys, le San Germani lancé en 1955 et confié à l’expertise de Philippe Monnet, n’entend pas jouer les faire-valoir. Son handicap plutôt favorable lui permet de tutoyer ce soir les meilleurs. Dans le même registre, le groupe des Aurique A est peut -être le plus cohérent en termes de performance. Les « Sprinters » d’hier, Oriole, Nan , Eva, Bonafide, Tigris… tous largement centenaires, n’ont rien perdu de leur vélocité. Ils s’accommodent avec bonheur de toutes les conditions météo, et de tous les parcours, pour offrir des régates à couteaux tirés, d’où émergent depuis lundi le nouveau venu Chinook, le beau New York 40 signé Herreshoff, empêcheur de gagner en rond par excellence.

Velsheda-Hanuman…. Balle au centre…

La bagarre fait rage chez les Class J qui débutait cette troisième journée de régate avec la volonté affirmée de rompre le status-quo né des premiers classements. C’est Velsheda qui vire en tête ce soir, à mi-parcours de cette 15ème édition des Voiles de Saint-Tropez, grâce à sa deuxième victoire de manche, sur les 4 disputées. Une victoire à l’arrachée, par deux petites encablures au terme d’un parcours de 20 milles théoriques sur un Hanuman revigoré par les 14 nœuds de vent bien établi sur le parcours. Hanuman, Le ClassJ signé Richard Dijstra se replace de spectaculaire manière en devançant Lionheart, pourtant triomphateur hier. On retiendra la somptueuse arrivée sous le Portalet de Velsheda et Hanuman lancés bord à bord à pleine vitesse sous spi de capelage.

J One décante la situation chez les Wally

14 nœuds de vent d’est sud est devant la plage de Pampelonne ; il n’en fallait pas moins pour que la direction de course des wally propose deux courses au menu du jour, un parcours banane, immédiatement suivi d’un petit côtier en direction de Saint-Tropez et du Portalet. Si Magic Carpet s’est affirmé aujourd’hui dans un vent soutenu, en temps réel sur les deux manches proposées face à son adversaire direct, son quasi sister-ship Hamilton (Wally Cento), ce sont bien J One et Open Season qui viennent, en temps compensé, tirer les marrons du feu. Open Season, le 94 pieds, s’impose ce matin dans un vent medium allant forcissant, tandis que J One, son dauphin, lui vole la vedette lors de la seconde manche du jour, pour terminer juste derrière Magic Carpet décidément très à l’aise dans le vent forcissant. Deux fois cinquième aujourd’hui, Hamilton s’est aussi vu à deux reprises devancé par Magic Carpet.

Arragon en son élément

Le Marten 72 sur plan Reichel Pugh Aragon, au Néerlandais Verder van Nieuwland, a fait cavalier seul en tête des IRC A, terminant bien détaché sous le Portalet. Le Proto My Song à l’italien Pier Luigi Loro Piana, victorieux hier s’est incliné. Les « frenchies » embarqués sur Wallyno, Seb Audigane, Frank-Yves Escoffier, Louis Heckly et consort, tirent une nouvelle fois leur épingle du jeu et demeurent en embuscade au général provisoire.
Du vent bien établi, en force comme en direction, un plan d’eau prompt à bouillonner sous les étraves, un soleil complice… et des régatiers comblés c’est à Saint-Tropez, et nulle part ailleurs.

Excès de passion

La Passion des régatiers s’extériorise avec parfois un brin de virulence lors des phases de départ ; le 12 m Ikra et Belle de Rio, le yawl bermudien, s’accrochaient à quelques minutes du départ, sans conséquence pour le voilier « fondateur » de la Nioulargue, mais avec un bris de mât pour Belle de Rio, et une belle frayeur pour son propriétaire Luc van Antwerpen. Journée noire aussi pour Eileen, le plan Anker de 1938, qui explosait sa tête de mât lui aussi dans les instands précédents le départ…

La journée Jean Laurain devient journée Dick Jayson/Jean Laurain

Le jeudi, c’est la journée des Défis. Skippers et yachtsmen se challengent à volonté, entre voiliers de même classe ou non, avec ou sans enjeu, sur un parcours unique mouillé par la direction de course. C’est la quintessence de l’esprit des Voiles qui est ainsi célébrée au coeur de la semaine Tropézienne. Sur une inspiration de Patrice de Colmont, son appellation traditionnelle de « Journée Jean Laurain » sera désormais associée au nom de Dick Jayson décédé cette année. Dick était en 1981 à la barre de Pride, challenger de Jean Rédélé et son 12 mJI Ikra dans ce qui allait devenir la régate fondatrice de la Nioulargue, puis des Voiles de Saint-Tropez. Une demi-coque de Pride sera offerte à cette occasion.
Les Centenaires ont rendez vous demain…

Troisième édition du Gstaad Yacht Club Centenary Trophy.

Demain, journée des défis, devrait servir de cadre à la troisième édition du Trophée des Centenaires du Yacht Club de Gstaad. Les yachts classiques centenaires seront invités demain dans le golfe à disputer une course poursuite, les départs étant donnés en fonction du handicap de chaque bateau spécialement étudié pour ce Centenary Trophy, le plus lent voilier partant en premier. Des conditions musclées sont attendues demain et George Korehl, directeur de course des Voiles s’attend à devoir « dessiner » un parcours en baie.

Trophée des centenaires, liste des voiliers engagés :

  • Bona Fide – 1899 Sibbick
  • Kelpie 1903 Mylne
  • Lulu – 1897 Rabot
  • Marigold 1892 Nicholson
  • Mariska 1908 – Fife
  • Nan of Fife – 1896 Fife
  • Oriole – 1905 Fife
  • Partridge – 1885 Beavor Wegg
  • Shenandoah of Sark – 1902 Ferris
  • Sif – 1894 – Hansen
  • Veronique – 1907 Luke
  • Windover – 1904 – Luke

Défilé des équipages ;

C’est un moment très représentatif des Voiles de Saint-Tropez. Le défilé des équipages transforme traditionnellement le jeudi soir les quais du petit port en annexe de Rio de Janeiro. Une douzaine d’équipages se griment en effet à volonté et défilent depuis le Village des Voiles jusqu’au Portalet, distillant une bonne humeur, un grain de folie communicative au public et autres équipages. Un moment plein de surprise, tant l’imagination des marins s’est, notamment ces dernières années, montrée sans limites. Les voiliers Imagine, Stelle, Ikra, Lelantina, Good job guys, Java Bleue, Gagarin, Pondoro, No limit font partie des joyeux trublions de la soirée…

Ils ont dit :

Bill Jayson

Bill Jayson, fils de Dick décédé cette année, et « père fondateur » de la Nioulargue, est à Saint -Tropez. Il remettra à André Beaufils et à la Société Nautique de Saint-Tropez un Trophée permanent, une demi coque du voilier paternel Pride. Entretien :
« Mon père avait envoyé Pride pour participer à la première Swan World Cup organisée à Porto Cervo. Une équipe Américaine participait à la Sardinia Cup, et mon père obtint que Pride soit retenue pour servir de support à cette équipe. Les responsables de Swan s’occupèrent d’envoyer le bateau, mais le voyage retour n’était pas pris en compte. Il a concouru, et a décidé de garder le bateau en Méditerranée. Il a sillonné la Méditerranée en 1980, et laissé le bateau à Sain-Tropez. Il est revenu en 1981, et s’est lié avec de nombreux tropéziens, Jean Laurain notamment. Ils régataient ensemble, jusqu’à la fameuse histoire du Club 55. Je n’étais pas présent en 1981. Une fois la Nioulargue lancée, je suis venu très souvent pour participer jusqu’à la tragique édition de 1995. On allait gagner cette régate quand tout fut annulé. Il a continué de revenir chaque année, s’étant lié avec Patrice de Colmont. La régate s’est développeé à son grand plaisir. Il échangeait beaucoup avec Patrice, sur les grandes régates, sur leurs contacts réciproques dans le milieu des propriétaires. Patrice venait chez mon père en Floride.
Ce qui était génial avec mon père, c’est sa capacité à faire des amis. Où qu’il aille, il se faisait des mais, sans se forcer. les gens gravitaient autour d lui naturellement. Il était très drôle, mais très sérieux sur l’eau. Un « Family Man » ! Après l’université de Harvard, il avait rejoint les US Marines. Peut-être le nom de Pride (fierté), avai- il quelque chose à voir avec son passage chez les Marines… » Semper Fi.

Franck-Yves Escoffier, Wallyno

« C’est ma première participation aux Voiles. Je découvre avec étonnement. Je navigue sur le « petit » Wallyno, un voilier très puissant, et je prends du plaisir sur l’eau. Je n’ai guère le loisir d’observer les voiliers classiques, mais je suis sensible à cette voile traditionnelle, car j’ai, plus jeune, eu l’occasion de naviguer sur des gréements anciens. »

Alain Gièse, 15 m JI Hispania

Longtemps équipier, puis Boat captain de Tuiga, le somptueux 15 m JI du Yacht Club de Monaco, Alain Gièse a rejoint l’un des trois autres 15 m encore en activité, Hispania, construit en 1909 pour le roi d’Espagne Alphonse XIII. Absent des Voiles pour cause d’avaries, le 15 mJI se refait une santé aux chantiers de Gilbert Pasqui à Villefranche ; « Notre ambition et celle de la fondation Isla Ibusitana qui possède Hispania est modeste » explique Gièse. « Nous voulons progresser au sein de la flotte des 15 m. Nous avons beaucoup à apprendre des autres voiliers, afin de nous améliorer sur le plan technique. Nous allons réunir une équipe solide, de marins qui auront plaisir à naviguer, afin, au fil des régates, de nous rapprocher des meilleurs. La seconde édition en juillet prochain de la Puerto Sherry Classic Week sera l’occasion, nous l’espérons, de réunir tous les 15 mJ mais aussi d’autres voiliers classiques de même acabit. »

Un jour, un bateau…

Sylvia le retour, depuis sa première participation en 2008
Au sein de la flotte des voiliers de tradition, la goélette Sylvia vient mêler sa longue silhouette au groupe des « Grand tradition à Saint-Tropez. Ce grand Ketch dessiné et conçu par Charles Nicholson en 1925 fait désormais partie du club très fermé des « Big Racers ». Reconnaissable au gréement de ketch bermudien, sa longueur hors-tout est de 43,48 m, pour une longueur au pont de 36,88m. Sa coque est à bordage de teck sur squelette d’acier doux et il porte 600 m2 de voile au près, son grand mât culminant à plus de 40 mètres… Le voilier fut lancé à Gosport en Angleterre en 1925. Il fut profondément restauré en 1993.

Le saviez vous?

Dick Jayson

Richard Neilan Jayson est décédé paisiblement le 22 avril dernier à Fort Lauderdale en Floride à l’âge de 90 ans. Né en 1922 à New York City, Dick était, un certain 29 septembre 1981 à l’origine de la création de la Nioulargue, “aïeule” des Voies de Saint-Tropez. A bord de son Swan 44 Pride, il relevait l’amical défi lancé par Ikra, le 12 m J de Jean Laurain, entre la Tour du Portalet et le Club 55. Une histoire, d’hommes, d’amitié et de marins qui allaient lancer la légende des Voiles.
Richard Jayson fondait en 1949 Color Film Corporation. Sportif émérite, Dick excellait en ski mais surtout en mer, remportant notamment la Newport Bermuda race en 1976, la Swan World Cup en 81…

Trois générations de Frers

German Frers Junior est aux Voiles, à bord du cotre Bermudien Sonny dessiné par son père en 1935 ; Le nom, et le prénom German Frers occupent, dans le monde des architectes navals, une place légendaire. Trois générations de Frers ont signé des milliers de designs. German Frers père et fils traversent les décennies avec une inépuisable créativité. Le nom Frers évoque des yachts d’exception, de 10 à 50 mètres, expression de la grâce et de la performance. Un talent transmis du père au fils, responsables du lancement de plus de 10 000 bateaux, du dinghie aux grands quillards, powerboats et superyachts.
German Frers Père, a débuté sa carrière à l’âge de 15 ans, quand il dessina et construisit pour son propre usage en 1928 un bateau de course de 10 mètres, le premier du genre construit en Argentine. Il part alors pour New York et travaille chez Sparksman&Stephens durant trois années, pour apprendre son métier. Il dessine déjà plusieurs bateaux à succès. Il rentre en Argentine et rejoint le cabinet de design créé par son père. 1 200 plans vont sortir des carnet du cabinet, des petits day boas, aux mega yachts et voiliers de la coupe de l’America, pour le défi Il Moro de Venezia notamment avec German Frers Fils en digne successeur de son père.

Source

Denis van den Brink

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