Une première étape à haut risque

© Alexis Courcoux

Plusieurs épisodes de calmes et un stock de transitions à négocier… Cette première étape de 451 milles en direction de l’Espagne sera conditionnée par une météo à rebondissements. Un scénario compliqué à souhait pour un déroulé à haut risque. Départ dimanche à 12h50 en baie de Paimpol.

Paimpol – Gijón n’est pas l’affiche d’une finale d’un quelconque championnat d’Europe, mais bel et bien le menu de cette première étape de la 43e édition de La Solitaire du Figaro – Eric Bompard Cachemire. Le déroulé du parcours : 192 milles d’un côtier très technique puis 259 milles océaniques dans le Golfe de Gascogne. Temps de course prévu : entre trois et quatre jours.

Initialement, ce premier acte devait emmener les 37 figaristes vers l’île de Jersey dans les Anglo-Normandes, mais le Directeur de Course Gilles Chiorri a décidé d’envoyer directement la flotte vers la sortie de la Manche. « L’étape fait finalement 451 milles au lieu des 512 prévus car nous allons subir des conditions très faibles à J+1 (Lundi) en mer d’Iroise et à J+2 (Mardi) dans le Golfe de Gascogne ».

Un parcours sélectif

Paimpol – Le Four : 93 milles pour sortir de la Manche

Après un parcours côtier de 8 milles en baie de Paimpol dimanche après-midi, le tracé de cette première étape emmène les 37 solitaires le long des côtes bretonnes. Hormis quelques points de passages obligatoires dès le départ afin de parer les dangers des myriades d’îlots et de rochers aux alentours de Paimpol, la longue navigation vers le Chenal du Four est ensuite libre. Entre Les Sept Iles, l’Ile de Batz et le long des Abers, les plus expérimentés n’hésiteront pas à aller flirter avec les cailloux.

Le Four – Les Birvideaux : 99 milles dans le courant et les îles

Avec ou contre le courant ? Cette simple question sera dans tous les esprits. Véritable premier passage à niveau de cette édition 2012, le Four peut s’avérer bouillant. Si la flotte se présentait courant contraire, et si le vent faisait défaut, les mouillages seraient de sortie. Un bon timing est donc indispensable pour passer le Four et accéder le plus rapidement possible à l’autre difficulté de ce tronçon, le Raz de Sein, 30 milles plus loin, là où le courant peut atteindre plus de 6 nœuds. Après La Plate (Pointe du Raz), les concurrents longeront la côte sud de la Bretagne vers la Pointe de Penmarc’h et l’avant-dernier point de passage obligatoire, la Spineg. L’archipel des Glénan, l’île de Groix et les Birvideaux (Grand Prix GMF) seront les derniers amers des marins avant le virage à 90° vers Gijón.

Les Birvideaux – Gijón: 259 milles

C’est LA partie océanique de cette première étape et certainement pas la plus facile. Une longue diagonale de 260 milles à travers le Golfe de Gascogne qui ne sera pas de tout repos. Un anticyclone barre la route vers les côtes cantabriques. Fraîcheur et lucidité seront les clés pour négocier au mieux une des dernières grandes difficultés de ce parcours avant l’atterrissage toujours délicat sur les côtes Espagnoles.

Une météo compliquée à souhait

« Ce n’est même pas la peine de regarder les routages en ce moment » nous dit Vincent Biarnès (Prati’ Bûches) « J’en ai fait tourner trois et j’ai refermé mon ordi » confirme Yoann Richomme (DLBC). Les confidences des marins à 24 heures du coup d’envoi de la première étape en disent long sur la complexité du déroulé météo entre Paimpol et Gijón. Cyrille Duchesne de Météo Consult nous en dévoile les grandes lignes : « Le départ sera lancé sous l’influence d’une perturbation qui circule au niveau des îles britanniques : temps couvert, de la pluie et un vent de secteur ouest qui peut s’avérer temporairement musclé au passage du front (35 nœuds en rafale). Après la bascule à l’ouest-nord-ouest, le vent va progressivement s’essouffler avec l’arrivée d’un axe anticyclonique par l’ouest. La première nuit en mer dans les cailloux, aux parages de la pointe de la Bretagne, pourrait donc se faire dans des vents très faibles et variables, le tout dans le brouillard et les courants. Lundi après-midi, dans leur descente vers la Bretagne Sud, les marins retrouvent un flux de secteur ouest-sud-ouest modéré (10/15 nœuds), sous un ciel toujours couvert, brumeux et un temps pluvieux. Une fois le virage des Birvideaux négocié, cap au sud. Ils n’auront ensuite pas d’autre choix que de traverser une dorsale qui leur barre la route dans le golfe de Gascogne. Une partie de la journée de mardi pourrait donc se jouer dans la pétole avant le retour d’un flux d’est-nord-est consécutif au décalage de l’anticyclone vers le nord puis le nord-est. L’atterrissage à Gijón pourrait ensuite se dérouler sous les orages. Pour l’instant, mais il faut tenir compte d’un certain nombre d’incertitudes, les routages donnent les premières arrivées en Espagne jeudi matin…. »

Ils ont dit

Jean-Pierre Nicol (Bernard Controls) : « Une étape coupe gorge »

« C’est une étape coupe gorge, elle risque d’être violente. On risque de se prendre une bonne claque. Ça va partir dans la pétole. Après 48 heures de côtier, à jouer dans les cailloux, il y en aura dans tous les sens. J’avais disputé La Solitaire en 2008 lorsqu’il n’y avait que 3 étapes et Nicolas Troussel l’avait emporté haut la main suite à sa victoire dans la première étape. Personne n’avait ensuite réussi à revenir. »

Sam Goodchild (Artemis 23) : « Peu de sommeil les premières 24 heures »

« La principale difficulté sera la navigation avec le courant, dans les cailloux, tout ça avec peu de vent autour de la pointe de la Bretagne. Si on est à contre-courant dans le chenal du Four ou le raz de Sein, ça risque d’être compliqué. Ce sera très difficile de dormir dans les premières 24 heures. La deuxième grosse difficulté sera dans le golfe de Gascogne où nous allons devoir traverser une dorsale sans vent. Passer à l’est ou à l’ouest… Il y aura certainement des occasions pour créer de gros écarts mais aussi de perdre beaucoup. Comment je me sens à 24 heures du départ ? C’est un mélange. Parfois je suis bien, confiant et parfois je doute, je suis un peu nerveux. Mais en règle générale, je me sens beaucoup plus à l’aise que l’année dernière. Je sais ce qui m’attend, je sais ce qu’est La Solitaire, mais à la seconde où je franchirai la ligne de départ, je me sentirai beaucoup, beaucoup mieux. »

Yoann Richomme (DLBC) : « Il faudra probablement préparer les mouillages »

« J’ai lancé trois routages et puis j’ai refermé l’ordinateur parce que j’ai vu que c’était plus qu’instable et que les modèles ne sont pas d’accord. Le vent va mollir peu de temps après le départ, au niveau de Bréhat. On va passer les premières 36 heures à essayer de trouver du vent et à lutter contre le courant en Bretagne Nord. Il faudra probablement préparer les mouillages… Ensuite, il y a des transitions partout en descendant, une avant Belle-Ile et une dans le golfe de Gascogne. Plus l’arrivée sur l’Espagne avec du vent très faible et instable. Ça risque de faire de gros écarts. Personnellement je pense que ça peut se jouer sur cette étape-là. Du coup, on essaye de ne pas partir avec des plans trop détaillés dans sa tête, juste une image générale et on affinera sur l’eau…Ce sera à l’instinct et à l’opportunisme. On n’arrivera pas avant mercredi midi et j’espère pas après jeudi midi… À ce stade ce n’est pas une fourchette pour l’ETA, c’est un râteau ! »

Adrien Hardy (Agir Recouvrement) : « être régulier »

« Cette étape, on peut la diviser en deux parties : du départ jusqu’au Birvideaux puis une traversée du golfe de Gascogne. Ce sera deux façons de naviguer complètement différentes, la première dans les cailloux, les courants, avec des vents variables. Moi, je suis assez à l’aise dans les cailloux …donc j’espère arriver bien placé aux Birvideaux. C’est une étape potentiellement dangereuse avec des écarts possibles à l’arrivée. Le fait qu’il y en ait que trois cette année ne change pas grand-chose, il faudra être régulier et ne pas prendre de risques sur la première. C’est ce que je vise cette année : être régulier »

Vincent Biarnès (Prati’Buches) : « beaucoup de pièges dans cette étape »

« On va naviguer dans des vents très faibles et du courant en Bretagne Nord jusqu’à la pointe du Raz. On part avec la marée descendante, on aura la renverse autour de Perros-Guirec, chez moi. Ce sera très technique. Je connais bien le coin, j’ai souvent fait cette portion de parcours face au courant. Beaucoup de bateaux peuvent talonner. Il faudra être concentré. Ensuite, dans la traversée du golfe de Gascogne, le premier qui va s’extraire de l’anticyclone aura des chances de creuser l’écart et d’arriver en tête à Gijón. Il y a beaucoup de pièges dans cette étape ! Il y a du jeu, ça va être ouvert. Petit temps et du courant, on peut s’attendre à des surprises. Il faudra peut-être sortir les mouillages. En fait, le routage ne sert quasiment à rien, on part sans plan préétabli. Il faudra voir ça sur l’eau en direct live avec les nuages, le courant et avec un peu de feeling. Mais ça fait du bien de retrouver ces conditions-là où finalement, ce n’est pas que l’informatique qui donne la route. »

Sébastien Picault (Kickers) : « Je me demande où et quand on pourra dormir »

« J’espère secrètement que plusieurs chemins pourront mener à Gijón. Ce sera peut-être le cas après les Birvideaux. Il faudra être lucide à cette marque-là. Il aura fallu dormir un peu afin de faire les bons choix pour la traversée du golfe de Gascogne. Ce sera une traversée de dorsale, donc ce ne sera pas du tout droit, tout seul, tranquille… Ce sera payant pour ceux qui parviendront à garder de l’énergie pour cette deuxième partie du parcours mais pour cela, il faut pas mal d’expérience. Il faut réussir à dormir au bon moment dans ce petit tour de Bretagne. Les gars qui ont fait dix Solitaire savent ce que c’est, ils savent où l’on peut prendre les vingt minutes de sommeil qui font la différence. J’essaie d’étudier ça mais, je n’ai pas encore trouvé l’endroit idéal pour me reposer…Je suis un petit peu inquiet… je me demande où on pourra dormir. »

Source

RivaCom

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