Itajaí
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Jean-Luc Nélias, nouveau navigateur de MAPFRE raconte la vie à bord du bateau espagnol et la situation météo compliquée à laquelle fait face la flotte de la Volvo Ocean Race.
Ca va pas trop mal à bord de MAPFRE. On se tire la bourre avec Dongfeng Race Team, Team Alvimedica et Team Brunel et là on est bord à bord avec Team Alvimedica. Il est à 2 milles de nous. On les voit tous. On a 20 nœuds de vent, grand beau temps, ciel bleu mer belle, un peu de houle. Le bateau est un peu plus respirable.
La première nuit a été assez sympa car nous étions au près dans pas trop de vent, tout le monde à vue. Ca tactiquait, ça croisait. C’était assez intéressant. Le lendemain c’était toujours sympa mais les deux jours suivants ont été plus agités avec le bateau assez chahuté, de l’humidité et l’inconfort qui va avec. Bref, un concentré de Volvo !
Dans les grandes lignes, c’est comme lorsque j’étais avec Groupama. Il faut matosser les voiles à la con, tu ne dors pas beaucoup, c’est agité. Ca sent un peu des pieds. Pas beaucoup de changement.
A bord, ça se passe au naturel pour l’équipage.
C’est un peu polyglotte donc il y a toujours des petits problèmes de compréhension entre le français, l’espagnol et l’anglais. Mais tout le monde y met du sien et l’ambiance est plutôt amicale et souriante. Ca se passe plutôt bien mais il n’y a pas eu non plus beaucoup de tension car c’est encore que le début de cette étape.Avec Iker, on discute. On voit les plus et les moins de l’option et après on décide ensemble mais c’est lui qui décide surtout au final. Jusqu’à présent, on a toujours été d’accord. Si je sens un truc, je vais le pousser et pour le moment, il me suit sur le dossier.
Est-ce qu’il ressemble à Franck Cammas ? Ah ben non, il n’y a personne qui ressemble à Franck. Mais en moyenne, chacun est unique non ?La suite, on ne sait pas trop. Il n’y a aucune évidence. Les modèles changent à chaque fois pas dans les grandes lignes mais dans les détails. Il y a des choix supers importants pour le futur, c’est même plutôt l’heure des paris où il faut essayer d’avoir une vision très lointaine et essayer de s’en sortir le moins mal possible. Tout le monde va y laisser des plumes. A bord de MAPFRE, ça nous semble très compliqué.
Notre stratégie : On tatonne un peu, on n’y va pas à fond de tous les côtés, on fait la fine bouche, on bricole avec nos trois camarades d’à côté. Ca nous permet de nous régler, de voir comment ils naviguent, d’apprendre à leurs côtés.
Pour la suite, on s’attend à pas de vent, à des systèmes de transition, à des trous d’air, à des bateaux qui s’échappent puis qui se font rattraper. Ca va être assez laborieux.Il y a un groupe de 3 – 4 bateaux qui semblent ne pas vouloir prendre trop de risques mais plutôt progresser plus rapidement vers une route plus directe et pas trop longue. Abu Dhabi a l’air de vouloir revenir avec nous alors que Team Vestas va peut être essayer de faire quelque chose de très différent de nous tous.
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Jean-Luc Nélias est l’un des marins français les plus expérimentés. A 52 ans, il est vainqueur en titre de la Volvo Ocean Race. Il a en effet occupé le rôle de navigateur à bord du Groupama de Franck Cammas sur l’édition 2011-12.
D’abord consultant météo à terre pour l’équipage MAPFRE, il se retrouve navigateur du bateau espagnol pour cette deuxième étape suite au départ de Nicolas Lunven. Il nous livre son point de vue sur l’étape et nous parle de son nouveau rôle à bord de MAPFRE.
Au sujet de l’étape :
C’est une étape compliquée car on connaît moins ce parcours que le précédent. Avec le Vendée Globe, La Barcelona World Race ou la Transat Jacques Vabre, on est un peu dans notre jardin en Atlantique.
Là, c’est un peu étrange, la route est inhabituelle. Il y a beaucoup d’incertitudes. Et puis, c’est une zone où les fichiers météo fonctionnent moins bien que par chez nous. Il y a beaucoup de demandes pour la météo en Atlantique en raison du fort trafic maritime. Il y a beaucoup de clients.
Là, c’est un peu un no man’s land donc les données météo sont moins précises. Je n’ai jamais été dans ces zones puisque la dernière fois, nous nous étions arrêtés aux Maldives.
Pour cette étape, il y a plusieurs sections. D’abord, nous allons sortir des mers du Sud au départ de Cape Town, quitter les 40èmes. Puis on aura une zone de transition avant les alizés de l’hémisphère sud avec des dépressions tropicales où les alizés peuvent dégénérer.
Ensuite, on aura deux Pots au Noir à traverser juste avant les Maldives. Ensuite on aura du Nord Est jusqu’au détroit d’Ormuz ! C’est un peu l’aventure !
Au sujet de son rôle de navigateur de MAPFRE :
J’avais travaillé avec Nico (Lunven) à sa demande. L’idée était de partager mon expérience avec lui pendant tout le tour du monde. L’équipe n’a finalement pas fonctionné comme prévu.
A un moment, j’ai eu un coup de fil pour me proposer d’embarquer pour l’étape 2. J’ai répondu que je voulais bien venir au Cap pour discuter. D’un commun accord, nous avons décidé que je serai le navigateur pour cette deuxième étape.
Mais je déciderai, avec l’équipe, une fois à Abu Dhabi si je poursuis ou pas dans ce rôle, s’il y a un avenir à cette collaboration.
La Volvo, c’est un engagement important. J’en parle en connaissance de cause. Je mesure ce que cela représente. On verra si je suis capable de faire une nouvelle Volvo Ocean Race. Le collectif, c’est un peu le paroxysme de la Volvo Ocean Race.
Ce sont des étapes de 25 jours où tu dois arriver à vivre ensemble tout en gérant l’aspect compétition et classement. Le tout, en huit clos ! Ce n’est pas comme une équipe de foot qui joue un match et qui rejoue le mercredi après avoir débriefé avec le coach, le président du club, le staff, … Là, il n’y a pas de médiateur.
La situation sur MAPFRE a été compliquée mais ça s’est déjà vu sur la Volvo Ocean Race. Il faut parfois faire des choix radicaux pour faire un pas en avant. Forcément, pour moi c’est particulier car je connais bien Mich et Nico. Mais mon engagement s’est fait en accord avec Nico.Je vais tout simplement essayer de faire mon boulot avec MAPFRE. J’ai une grosse expérience. Je pense que je peux leur apporter quelque chose. J’imagine que c’est pour cela qu’ils m’ont fait venir.
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A la veille du coup d’envoi de la deuxième étape entre Le Cap et Abu Dhabi, le chef de quart de Team Brunel, Laurent Pagès, nous livre une analyse détaillée de l’étape 2 et nous explique l’état d’esprit qui anime Bouwe Bekking et ses hommes.
Au sujet de la configuration de l’étape :
Ce n’est pas l’étape la plus excitante à mon goût. Toute la deuxième partie, après l’équateur, dans le nord de l’Indien est assez aléatoire avec des zones de grains difficiles à anticiper. A un moment, il va falloir faire du nord, point ! On aura des grains, du vent fort puis plus rien… C’est ce que l’on a vécu lors de la dernière édition.
Nous avions 100 milles d’avance avant d’arriver dans le pot au noir. Nous nous sommes retrouvés encalminés. Du coup, on a vu les autres passer à droite et à gauche… Ca peut se reproduire.
Mais c’est sûr que les douze premiers jours de course seront intéressants.
Avant de faire de l’est, on va devoir faire du sud pour contourner des zones sans vent ou pour aller chercher les flux d’ouest. Et puis il y aura aussi les courants contraires à négocier. Après, dès que l’on fera du nord, on sera dans l’alizé au reaching. Les bateaux iront vite.
J’imagine qu’il y aura différentes façons de naviguer pour aborder les 36 premières heures de course avec du décalage en latéral. Mais j’ai le sentiment que pour l’arrivée à Abu Dhabi, toute cette première partie jusqu’à la zone de convergence intertropicale, soit la partie la plus intéressante sur le plan stratégique, ne comptera pas !
On peut très bien envisager de se retrouver tous à l’entrée du détroit d’Ormuz dans une zone sans vent.
Au sujet des qualités nécessaires pour bien gérer cette étape :
Il va y avoir plein d’événements, de passages à niveau. Des moments où l’on sera devant, d’autres derrière. Il va falloir rester zen jusqu’au bout.
Il ne faudra pas prendre feu dans des situations un peu délicates. Il faudra accepter des situations que l’on ne maitrise pas.
L’état d’esprit du team :
Attention, mon analyse de l’étape ne veut pas dire que l’on n’est pas motivé ! Nous sommes sereins, sans aucun sentiment de supériorité. L’état d’esprit du groupe est excellent. C’est un groupe qui vit très bien ensemble. Nous sommes concentrés. Nous avons confiance dans notre potentiel.
Nous savons que nous sommes performants pour jouer la victoire à chaque étape. Nous avons bien l’intention de tout faire pour gagner. On se sent bien. Nous avons programmé un dernier briefing demain pour reparler stratégie. Mais nous avons déjà une bonne vision de l’étape.
Les apports de la première étape :
Nous avons bien debriefé. Au final, en regardant objectivement les choses, si on devait se retrouver dans les mêmes situations, on ferait les mêmes choix car notre approche était construite et réfléchie. C’était structuré.
Là, ce n’est pas le même profil d’étape sur le plan stratégique.
L’étape 1 nous a donné des références complémentaires pour faire avancer le bateau. Nous avons ajusté des choses à la marge. Nous sommes dans la continuité de notre projet, de la façon dont on veut travailler à bord. On essaye toujours de progresser mais l’état des lieux est très encourageant. Il y a eu beaucoup de phases de contact sur la première étape et on s’en est bien sorti quasiment à chaque fois.