Drôles d’endroits pour une rencontre
Au point Nemo ou à Hobart, les skippers de l’ARKEA ULTIM CHALLENGE – Brest sont parfois amenés à faire d’impromptues rencontres.
Là-bas, dans cet ailleurs où même la faune marine peine à trouver des ressources pour y vivre, l’AIS a sonné. La nuit dernière, à bord du Maxi Edmond de Rothschild, Charles Caudrelier n’a pas dû en croire ses oreilles. Oui, il y avait bel et bien un autre bateau que le sien au point Nemo. Le skipper raconte : « En pleine nuit, c’est l’improbable : mon alarme AIS, qui fonctionne par ondes VHF, sonne : il y a un bateau ! Un bateau en course. C’est une alarme de collision : nos routes se croisent et il ne passe pas loin de moi ». Par un pur hasard, se trouve là un concurrent de l’Ocean Globe Race, course autour du monde fondée sur le modèle de la légendaire Whitbread, et courue à l’ancienne, avec le strict minimum en termes d’outillage électronique de navigation.
L’histoire ne dit pas (encore) si Charles Caudrelier est parvenu à échanger avec l’équipage du Swan 53 Sterna, qui bat pavillon sud-africain et progressait à 8 nœuds dans la dépression tandis que le Maxi Edmond de Rothschild fonçait à 35 nœuds en direction du cap Horn. Parti le 14 janvier d’Auckland, point de départ de la 3e étape, le Swan 53 devrait rallier Punte del Este entre le 9 et le 18 février, dit le site officiel. Où sera Charles Caudrelier lorsque cet équipage touchera terre ? Peut-être pas loin de Brest : les routages actuels le donnent au cap Horn dans la nuit du 4 au 5 février. Si les prévisions se confirment, un autre record sur la route du tour du monde en solitaire pourrait alors tomber.
« L’arrêt au stand fait partie de la stratégie »
À Hobart, la surprise a été moins grande pour Thomas Coville : rendez-vous était pris avec son équipe pour opérer une escale technique afin de réparer ce qui doit l’être à bord de Sodebo Ultim 3. Il n’en reste pas moins que retrouver ses proches équipiers dans un port de Tasmanie, cela peut secouer. « On est complètement à l’autre bout du monde, dit le skipper dans une vidéo poignante, et là, voir arriver l’équipe avec qui je travaille toute l’année, l’émotion était énorme ». « En sécurité, ce n’était plus viable, reprendra plus tard Thomas Coville. Le balcon avant était désolidarisé de la coque et faisait que le filet avant n’était pas « navigable ». C’est vraiment ce qui m’a fait prendre la décision de m’arrêter. Au-delà de la performance, de la réparation des foils que j’avais réussi à faire, cette notion de sécurité est trop importante pour la mettre de côté. Il y a plein de sports mécaniques où l’arrêt au stand fait partie de la stratégie (…) On sait maintenant que cela va se jouer sur la fiabilité ».
Le jeu se muscle
Pour que Sodebo Ultim 3 reparte courir la seconde moitié du tour du monde, il faudra que les travaux soient finis à bord de l’ULTIM, mais aussi que s’ouvre une fenêtre météo propice à un retour sur l’eau en sécurité relative. Et ce n’est pas gagné : une dépression déferle sur la Tasmanie, bientôt suivie d’une seconde. Pour fuir ces mers agitées, protéger son bateau et avancer autant que possible, Armel Le Cléac’h remonte le long de la côte Est de l’Australie ; en cette fin d’après-midi, le Maxi Banque Populaire XI naviguait un peu en-dessous de la latitude de Canberra. Il pourrait être à une des extrémités de la Nouvelle-Zélande ce vendredi après-midi, et il bénéficierait de vents soutenus pour courir jusqu’au cap Horn par la suite.
Assis sur plus de 3000 milles d’avance, Charles Caudrelier n’a pas pour autant la partie facile. Les conditions se sont dégradées sur sa zone. Des vents de sud-ouest génèrent des grains, de l’instabilité et sèment la pagaille sur l’eau. La météo promise au franchissement du cap Horn, dans la nuit du 4 au 5 février, n’a pas de quoi faire naître un enthousiasme extatique : la porte de sortie des mers du sud se mérite.
Dans l’océan Indien, Anthony Marchand a encore buté ce jour dans une dorsale à l’avant d’une petite dépression, mais un vent d’ouest à nord-ouest vient sur zone, qui permettrait à Actual Ultim 3 de cavaler jusqu’à la Tasmanie. Éric Péron doit la jouer fine ce jour pour échapper à des zones de hautes pressions. Ce sera le cas encore les jours prochains, jusqu’à la survenue d’une dépression qui va croiser sa route en début de semaine prochaine, et qu’il devra contourner pour avancer.