Armel Le Cléac’h, l’envie et le sang-froid

© Alexis Courcoux

Doué, déterminé, affûté. Tel est Armel Le Cléac’h, le skipper de Banque Populaire XI, un des plus beaux palmarès de la course au large avec entre autres trois Solitaires du Figaro, deux Transats AG2R, trois podiums dont une victoire dans le Vendée Globe. A moins de deux mois de l’ARKEA ULTIM CHALLENGE – Brest, son dernier succès sur la Transat Jacques Vabre vient à point nommé. Car tout n’est pas toujours allé tout seul pour ce talent précoce, qui puise à 46 ans dans ses grandes victoires autant que dans l’adversité de ses années multicoques, une intacte soif de vaincre.

C’est donc en lauréat de la Transat Jacques Vabre – Normandie Le Havre qu’Armel Le Cléac’h se présentera sur la ligne de départ le 7 janvier prochain. L’histoire retiendra que c’est la première victoire d’Armel sur la Route du Café, une course qui manquait bizarrement à son palmarès. Son histoire à lui dit autre chose : entre Le Havre et Fort de France, Armel a remporté sa première grande course en multicoque, tout simplement. Naviguer sur plusieurs coques n’est pas la matière première d’Armel Le Cléac’h. L’impressionnant CV de celui qui tire ses premiers bords à Saint-Pol-de-Léon s’est bâti sur la régate au contact, en dériveur puis en Figaro où il se montre précoce. « Sur l’eau, il assumait ses choix, ne suivait pas les plus vieux. Tu ne le voyais pas toujours passer et à la fin il gagnait souvent » raconte Jérémie Beyou, un autre dur à cuire de la baie de Morlaix, comme Nicolas Troussel qu’Armel retrouve souvent l’été en croisière du côté de la Cornouaille ou en Irlande, chacun sur le bateau familial. Des années Figaro vécues ensemble, c’est Armel qui émerge le premier. En 2000, il décroche la sélection d’une filière de formation jeune et termine deuxième pour sa première participation en s’accrochant aux meilleurs pour ne pas les lâcher, ce qui lui vaut le surnom de Chacal. L’animal n’attend que 3 ans pour inscrire son nom au palmarès de la prestigieuse Solitaire du Figaro dans ces années où la feuille de match compte tous les grands noms de la voile. C’est d’ailleurs une légende, Alain Gautier, qu’il bat en 2003 de…13 secondes à l’arrivée à Cherbourg, plus petit écart de la course encore à ce jour. Implacable, Armel Le Cléac’h est à l’image de son physique longiligne, taillé pour la performance. « L’image de machine qu’il dégage n’est pas le vrai Armel, dit pourtant Sébastien Josse avec lequel il vient de remporter la Route du Café. « Armel est un type chaleureux, heureux et très agréable à vivre en mer ».

Du Figaro au multicoque en passant par le Vendée Globe
Aux années Figaro, support sur lequel il reviendra se ressourcer plusieurs fois pour rentrer dans le club très fermé des triples vainqueurs, succède en 2005 l’ORMA mais l’expérience tourne court : il chavire dans la dantesque Route du Café 2005 en compagnie de Damian Foxall, une « expérience douloureuse » se souvient Armel, suffisamment pour tourner la page du multicoque. Le skipper rebondit en IMOCA. Acquise dans la douleur, sa deuxième place au Vendée Globe 2008 est effacée par la performance de Michel Desjoyeaux qui l’emporte au terme d’une remontée fantastique. La deuxième campagne avec Banque Populaire est un projet gagnant mais Armel termine encore deuxième, derrière François Gabart : « C’était une grande déception mais j’ai compris dans ce mano a mano avec François qu’à un moment donné, il faut savoir faire le break … » dit le skipper qui capitalise sur chaque expérience, bonne ou mauvaise.
La troisième tentative sera la bonne et il faudra toute la maîtrise et le sang-froid qu’on lui connait pour endiguer les assauts d’Alex Thomson. « Armel n’est pas un excité. Ce n’est pas quelqu’un qui s’enflamme, même dans l’adversité et la difficulté » dit de lui Ronan Lucas, le team manager de Banque Populaire. Ce qui ne veut pas dire non plus que l’animal est incapable d’émotion. Interviewé sur son bateau juste après avoir coupé la ligne aux Sables d’Olonne en 2016, il dit simplement « Je n’ai rien lâché, pas un mètre », avant d’être submergé par les larmes.

Cette victoire dans le Vendée Globe est le meilleur accessit pour de nouveaux défis. Les multicoques ont progressé, ils ont beaucoup grandi en dix ans et Armel se sent prêt à repartir sur plusieurs coques. Il signe de beaux records à la barre de Banque Populaire VII (Méditerranée et Route de la Découverte) mais doit passer la main à Loïck Peyron sur la Route du Rhum – Destination Guadeloupe 2014 suite à une blessure accidentelle. Dans l’édition 2018, à la barre du nouvel ULTIM Banque Populaire IX, il chavire après la rupture d’un bras de liaison. Il manque de laisser la vie dans l’accident mais remonte en selle avec Banque Populaire XI, plus structuré, moins volage, plus marin, destiné au tour du monde dont il rêve. La Route du Rhum – Destination Guadeloupe se refuse à lui une nouvelle fois en 2022 suite au bris de la dérive centrale du trimaran. Autant dire que la victoire sans bavure dans la Transat Jacques Vabre cette année a valeur de délivrance autant que de déclic pour le grand défi qui s’annonce.

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OC Sport Pen Duick

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