La Solitaire ou l’école de l’abnégation

© Alexis Courcoux

La première étape de La Solitaire du Figaro aura été un parfait résumé de ce qu’est cette épreuve qui ne ressemble à aucune autre. Moins de 24 heures après le départ, certains favoris pensaient avoir perdu leur Solitaire à cause d’options non-payantes, ils se sont malgré tout accrochés pour refaire une grande partie de leur retard. Les voilà de nouveau dans le match !

C’est peu de dire que parmi les 35 marins inscrits participant à La Solitaire du Figaro 2020, certains sont passés par tous les états psychologiques, et notamment par le très très bas dès le premier matin de course. En cause, une option initiale qui leur a fait perdre énormément de terrain, au point de croire leur Solitaire terminée après avoir à peine commencé.

C’est notamment le cas de ceux qui avaient choisi une route au plus près des côtes Nord de la Bretagne, espérant récupérer un flux de sud-ouest, qui n’est pas arrivé. Benoît Mariette (Génération Senioriales) faisait partie de ceux-là. Lorsqu’il a reçu le classement de 9h lundi matin (les marins en reçoivent deux par jour, à 9h et 21h), le moral en a pris un sérieux coup : « Là, c’est la douche froide, j’avais 22 milles de retard, c’était énorme si près du départ. Je crois que je n’ai jamais été aussi mal psychologiquement. Tu es tellement mal dans ces cas-là, que tu vas jusqu’à faire le point sur ta vie, tu te demandes pourquoi tu t’es endetté pour acheter un bateau, pourquoi tu fais tout ça. »

Martin Le Pape, initialement dans le bon paquet et finalement distancé pour avoir hésité entre deux options, confirme : « Quand j’entends Fondation Stargardt, 25 milles de retard, il se passe un max de mauvaises choses dans ma tête. Dans un premier temps, tu te dis que La Solitaire est bâchée, que c’est cher payé et injuste pour un coup qui n’était pas non plus délirant, tu as envie de pleurer. Je me suis dit que je n’étais pas fait pour ça, que j’allais faire un bilan de compétences chez Pôle Emploi et changer de boulot. »

Même du haut de ses 18 participations et de ses trois victoires, Yann Eliès (Quéguiner Matériaux-Leucémie Espoir), parti sur une option nord d’entrée avant de se recentrer et de perdre beaucoup, est lui aussi tombé dans ces abymes psychologiques : « Je me suis dit que c’était reparti comme en 2019 à me prendre des bâches, j’étais un peu au fond du trou. »

Comment dès lors ne pas se laisser gagner par le désespoir ? « Je me suis dit : soit je baisse les bras, mais ça risque d’être très long, soit je fais comme si je naviguais en tête, c’est ce que j’ai fait », répond Martin Le Pape. « Dans des cas comme ça, je pense à ceux qui m’accompagnent sur le projet, à mes partenaires, je me dis que je n’ai pas le droit d’être mauvais, ça me donne vachement d’énergie », ajoute Pierre Leboucher (Guyot Environnement), qui faisait partie des sudistes. Eric Péron (French Touch), qui a poussé cette option le plus à fond, s’est quant à lui fié à son expérience : « Quand tu vois que tu as 14 milles de retard, ça fait mal, mais j’étais serein, je savais que ce n’était pas fini, et que, quoi qu’il arrive, il restait trois étapes. Il faut arriver à garder son sang-froid. »

Le fait d’avoir d’autres compagnons de galère joue aussi un rôle important : « J’étais avec les deux Pierre(Quiroga et Leboucher) et avec Gildas (Mahé), c’était super important, parce que ça permet de s’étalonner en vitesse, confirme Benoît Mariette. Quand tu es tout seul, tu vas moins bien voir les moments où tu as des creux de vitesse. » Au passage du Fastnet, l’espoir est peu à peu revenu, comme le confirme Pierre Leboucher : « J’ai lancé un routage avec les gars devant moi, je n’arrivais qu’une demi-heure derrière eux, donc je n’ai rien lâché. C’est pour ça que la voile est vraiment un sport génial, jusqu’au bout, il peut se passer plein de choses, et finalement, on se retrouve tous ensemble à la fin. »

Effectivement, revenus de l’enfer, la plupart de ces marins sont finalement arrivés en Baie de Saint-Brieuc dans la même demi-heure que le vainqueur, Xavier Macaire. « Match nul, c’est comme s’il n’y avait pas eu d’étape », résume Martin Le Pape, tandis que Yann Eliès conclut : « J’ai senti le vent du boulet passer pas très loin, c’est un peu inespéré, mais c’est la preuve qu’il ne faut jamais rien lâcher et être opportuniste. »

Jury : pénalités pour Tanguy Le Turquais et Frédéric Duthil

Le jury de La Solitaire du Figaro s’est réuni ce vendredi à 16h à Saint-Quay-Portrieux pour recevoir deux skippers, Frédéric Duthil (Technique Voile-Cabinet Bourhis Generali) et Tanguy Le Turquais (Groupe Quéguiner-Innoveo), contre lesquels le comité de course avait réclamé pour avoir passé la dernière marque, la cardinale Les Noirs, du mauvais côté. Le jury a fait preuve de clémence, ne leur infligeant chacun que 5 minutes de pénalité. « Le jury a considéré qu’il n’y avait aucun gain, ils n’étaient plus tout à fait lucides après trois jours de course. », explique Georges Priol, le président du jury. En conséquence, Tanguy Le Turquais et Frédéric Duthil, initialement 8e et 10e, rétrogradent aux 13e et 14e places de cette première étape.

Le Trophée Suzuki de la Combativité pour Corentin Douguet

C’est Corentin Douguet qui s’est vu remettre ce vendredi soir lors de la remise des prix officielle de la première étape de La Solitaire du Figaro le Trophée Suzuki de la Combativité. Touché au dos avant le départ, le skipper de NF Habitat, longtemps deuxième, s’est accroché pour finalement terminer huitième, à 19 minutes et 9 secondes du vainqueur, Xavier Macaire.

Source

Rivacom

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