Des heures, des heurts et des heurs

© Alexis Courcoux

Après trois étapes d’anthologie, la cinquantième édition de La Solitaire URGO Le Figaro fait une courte pause en baie de Morlaix avant le départ de l’ultime manche vers Dieppe samedi à 16h00. Et suite à l’incroyable tour de la Manche qui a vu un trio s’envoler avec plusieurs heures d’écart sur les favoris, le classement général est totalement chamboulé ! Podium au cumulé, premier « bizuth », meilleur étranger, les trois scores phares de la course changent de décor…

C’est une étape qui a fait mal, très mal. Une régate que rarement La Solitaire a connue. Une échappée à trois qui réalise le « strike » au scratch. Un brassage hiérarchique qui met définitivement sur la touche des marins au palmarès flatteur. Une remontada spectaculaire qui rouvre le jeu final. Un coup de pied dans la fourmilière des certitudes. Bref, à la lecture du classement général, il n’y a plus logiquement (mais y a-t-il encore une logique ?) que sept prétendants aux lauriers dieppois ! A contrario pour le podium cumulé, tous les scénarios sont probables car ce quatrième chapitre et sa double traversée de la Manche peuvent encore créer des surprises.

Les relégués du tréfonds

Pour certains, le match est plié : au-delà de dix heures de débours, on voit mal ce qui permettrait de remonter au sommet ! Or ils sont une trentaine (sur 47 partants, à Nantes comme à Roscoff) dans ce cas de figure avec quelques têtes de série comme Jérémie Béyou (Charal, 21ème), Loïck Peyron (Action Enfance, 24ème), Alain Gautier (Merci pour ces 30 ans !, 30ème), Thomas Ruyant (Advens-Fondation de la mer, 40ème) ou Gildas Morvan (Niji, 47ème)… Mais ce n’est pas la joie non plus pour certains cadors du circuit tels Armel Le Cléac’h (Banque Populaire, 11ème à 4h41’45’’ du leader), Morgan Lagravière (Voile d’engagement, 12ème à 6h05’03’’), Yann Éliès (St Michel, 15ème à 7h50’09’’) ou Xavier Macaire (Groupe SNEF, 16ème à 8h11’09’’) !

Avec de tels retards, difficile d’imaginer ne serait-ce qu’une marche sur le podium final. Alors tout le monde (ou presque) tente de se motiver en déclarant que cette ultime régate peut permettre de briller au moins une fois ! Certes ce parcours de 500 milles entre la baie de Morlaix et Dieppe, via Portsall, Wolf Rock et Owers (Sud Angleterre), et Saint-Marcouf (près d’Utah Beach), peut encore provoquer des écarts, mais certainement pas une dizaine d’heures de débours comme lors de cette troisième manche…

Car les prévisions météorologiques à deux jours du coup de canon final laissent présager une course de petits chevaux : du portant rapide pour aller à la pointe Bretagne, du travers véloce pour traverser la Manche, du louvoyage actif pour rallier l’île de Wight, un ralentissement général sous la presqu’île du Cotentin et un sprint portatif jusqu’à l’arrivée. Pas de quoi renverser un classement général, juste de quoi affiner le score final… À moins que !

Jouer la montre

Alors que le Figaro Bénéteau 2 nous avait habitués à des ajustements minutaires, cette cinquantième édition de La Solitaire URGO Le Figaro table plutôt sur des heures : une première manche où le delta entre le premier et le 10ème atteint déjà 51 minutes, une deuxième étape où le même référent cumule à 2h40’ et un troisième chapitre où ce comparatif grimpe à 8h43’ ! Du jamais vu. Or ce ne sera probablement pas le cas pour ce final Bretagne-Normandie : le scénario météo n’apparaît pas favorable à un tel dénouement même si les retardataires des côtes anglaises, vont certainement compter les décimales s’ils se font rattraper par une jolie zone de calmes…

Car il ne va pas falloir traîner en route et les quelques solitaires meurtris dans leur fierté par l’accumulation de déculottées, auront suffisamment la rage pour terminer en beauté : ils deviendront dangereux alors que les leaders au général, comme au classement « bizuth » ou Vivi des étrangers, joueront la montre. Malheureusement, les schémas habituels n’ont plus cours : contrôler un adversaire est un tel casse-tête avec une telle répartition des places que l’objet de chacun va plutôt se focaliser sur la « beauté du geste », la « navigation propre », la satisfaction de « l’œuvre accomplie ». Bref faire au mieux sans se prendre la tête sur le résultat final… À l’exception peut-être de Yoann Richomme (HelloWork-Groupe Télégramme) qui aura à cœur de sauver sa place de leader au classement général.

Pour conclure avec panache, certains vont donc se permettre des trajectoires que la raison n’aurait jamais imaginées, mais il n’y a qu’après le phare de Wolf Rock (au large de la pointe anglaise) qu’il y aura la possibilité de sortir du rang… Ce qui risque de se terminer dans le mur des doutes : a-t-on déjà vu un facteur livrer le courrier à l’heure en empruntant des chemins détournés qui font plus que le tour de la chapelle ? C’est donc une étape « homéopathique » qui s’annonce, avec « El dominator » focalisé sur un minimum de perte, une ligue de poursuivants concentrés sur l’horloge et une armada de déçus capables de partir en quenouille ou de revenir du diable vauvert !

En bref – Devant le Jury

Le jury sans appel s’est réuni ce jeudi pour délibérer sur plusieurs cas concernant l’Irlandais Tom Dolan (mise en route du moteur pour se déséchouer : 1h de temps additionnel), Michel Desjoyeaux (plomb du mouillage lourd cassé : 5’), Loïck Peyron (empiétement du DST des Casquets : 30’), Thomas Ruyant, Corentin Douguet et Yoann Richomme (perte du mouillage léger : 15’). Les jugements ont modifié légèrement le classement général à l’issue de trois manches.

Réparations en cours

Sept concurrents ont sorti leur monotype de l’eau suite à des touchettes plus ou moins violentes avec les cailloux d’Aurigny : Tanguy Le Turquais suite à son échouement, l’Irlandais Tom Dolan, le Britannique Alan Roberts, Damien Cloarec, Thomas Ruyant, Pierre Quiroga et Éric Delamare. Et Gildas Morvan, qui avait abîmé son Figaro Bénéteau 3 lors de la première étape, a pu réparer pour prendre le départ de cette ultime manche.

Comme à Nantes

Ils seront donc 47 solitaires au départ de cette quatrième étape entre Roscoff et Dieppe, suite au retour de Cassandre Blandin (abandon suite à l’abordage d’un cargo lors de la première étape) et de Gildas Morvan (abandons pour la deuxième et la troisième étape).

Classement général après trois manches après jury

  1. Yoann Richomme (HelloWork-Groupe Télégramme) en 10j 06h 13’ 34’’
  2. Gildas Mahé (Breizh Cola-Equi’Thé) à 1h11’14’’
  3. Alexis Loison (Région Normandie) à 2h07’12’’
  4. Anthony Marchand (Groupe Royer-Secours Populaire) à 2h21’32’’
  5. Corentin Douguet (NF Habitat) à 2h35’18’’
  6. Adrien Hardy (Sans nature, pas de futur) à 2h48’05’’
  7. Benjamin Schwartz (Action contre la faim) à 2h57’56’’*
  8. Pierre Leboucher (Guyot Environnement) à 3h33’43’’
  9. Tom Laperche (Bretagne CMB Espoir) à 3h49’19’’*
  10. Éric Péron (French Touch) à 3h56’53’’

    *Bizuth

Verbatims

Armel Le Cléac’h (Banque Populaire) :

« Il reste une dernière étape compliquée, on a vu qu’à chaque étape, il y avait son lot de surprises, donc je vais essayer de finir sur une bonne note. Et on va essayer de revenir au général, parce qu’au final, je ne m’en sors pas si mal, je suis 11e, donc vu l’étape que je viens de faire, ce serait déjà pas mal de finir dans le Top 10. »

Benjamin Schwartz (Action contre la faim) :

« J’ai environ 50 minutes d’avance sur Tom (Laperche) au classement bizuth, donc je vais évidemment regarder derrière moi. On verra la stratégie en fonction de la météo de l’étape, j’aurais aimé que ce soit une étape chevaux de bois où tout le monde se suit autour de la Manche, parce qu’il y aurait moins à perdre. C’est plus facile dans ces conditions de contrôler et de sécuriser sa petite avance, mais ça ne va a priori pas être le cas, il devrait encore y avoir beaucoup de jeu. Et mon avance est toute relative au regard des écarts qui se font et se défont d’étape en étape. Si je pouvais garder cette place de premier bizuth à Dieppe et rester dans le Top 10 au général, ça serait super. »

Corentin Douguet (NF Habitat) :

« Si on m’avait dit il y a trois semaines que je serais quatrième (avant jury) à un poil du podium, j’aurais signé des deux mains. Depuis le début de l’épreuve, je suis placé : pour l’instant, mon plus mauvais classement au général, c’est sixième, c’est la preuve que je suis tout le temps là, alors que d’autres font de sacrés coups de yoyo. Forcément, quand tu es à cette place à ce moment de la course, tu as des envies de podium. Pour ce qui est de Yoann (Richomme), il a quand même de l’avance, donc, aller chercher le titre, ça va être compliqué. Maintenant, au vu ce qui s’est passé sur les trois premières étapes, là où les autres années tu avais l’impression qu’une telle avance aurait été monstrueuse, là, elle devient presque ridicule… »

Source

Rivacom

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