Au chant du coq

  • © Alexis Courcoux
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Le coq chantait à l’aube naissante au passage de la bouée Le Videcoq en face de Granville, par une brise de Sud-Ouest d’une dizaine de nœuds en phase d’écroulement. Et la flotte menée par Alexis Loison bénéficiait encore du flot de la marée montante. Mais la renverse vers 9h00 devrait provoquer quelques chamboulements dans le classement. Certes toujours sous grand spinnaker en direction de l’île d’Aurigny, les 46 Figaro Bénéteau 3 peuvent espérer ne pas être trop perturbés par les courants puissants du raz Blanchard, mais déjà ils sont en retard par rapport aux routages d’origine, ce qui risque fort de les enferrer dans une bulle sans vent au milieu de la Manche…

Ça ne se déroule pas toujours comme prévu sur les fichiers météo. Une nouvelle fois, les routages sont devenus obsolètes dans leur timing pour cause de retard à l’allumage. Parce que la brise de Sud-Ouest s’est lentement écroulée avant la nuit devant les Héaux de Bréhat, provoquant une scission de la flotte en deux camps : les raseurs de cailloux emmenés par Adrien Hardy (Sans nature, pas de futur) et Pierre Leboucher (Guyot Environnement) et les gars du large aux côtés de Corentin Douguet (NF Habitat) et Clément Commagnac (Grain de sable). Avec la marée descendante, c’était près de trois nœuds de courant contraire à affronter, or avec moins de cinq nœuds de vent, difficile de progresser vers le but. Ce pit-stop à l’entrée de la baie de Saint Brieuc entraînait alors une compression de la flotte à l’avantage des retardataires qui purent ainsi, comme les deux Klaxoon, recoller au peloton.

Les douze coups de minuit

Et ce ne fut que vers minuit que le vent daigna se lever en même temps que le ciel se dégageait, éclairé par une lune quasi pleine. Les partisans du bord à terre purent alors piquer vers Granville, toujours sous spinnaker, mais avec une pression suffisante pour se libérer des rochers patinés de Bréhat : Gildas Mahé (Breizh Cola-Equi’Thé) et Benjamin Schwartz (Action contre la faim) furent les mieux placés pour glisser vers la bouée Le Videcoq en accélérant progressivement jusqu’à huit nœuds et plus, poussés par un courant de marée montante de plus en plus favorable. De fait, une nuée de lucioles vertes, rouges et blanches déferlait sous le plateau des Minquiers vers 3h30, puis vers Granville pour contourner la première marque de ce parcours de 460 milles. Et le classement à l’empannage révélait une nouvelle hiérarchie avec Alexis Loison (Région Normandie) comme meneur de meute, et les écarts commençaient à être conséquents à l’issue de cette première nuit de mer, alors que la brise dégraissait…

Toujours sous grand spinnaker, mais cette fois bâbord amures cap au Nord, le petit train se formait pour éviter les dangers de l’archipel de Chausey en remontant le long des côtes du Cotentin, partant pour laisser Jersey sur la gauche et la pointe d’Agon à la dextre. C’est par là-bas, après le lever du jour, que les choses vont se complexifier : le vent devrait s’étioler petit à petit et la marée se renverser avec un jusant défavorable à partir de 9h00. Alors comment atteindre cette île d’Aurigny avec tous ses facteurs contraires ? Et n’est-ce pas là que les écarts vont réellement se creuser et les échappées se créer ? Car s’il faut mouiller par trente mètres de fond voire plus, aux abords du raz Blanchard, cela va se compter en heures de décalage quand il faudra négocier (par l’Est ou par le Sud ?) le Dispositif de Séparation du Trafic des Casquets… Cette troisième étape de La Solitaire URGO Le Figaro ne débute pas sur les chapeaux de roue, mais laisse entendre que les schémas habituels vont une nouvelle fois être ébranlés.

Gildas Mahé – Breizh Cola Équi’Thé

 » Ça n’a pas été facile comme passage là avec la renverse de courant et un vent très mou donc il y a deux groupes : l’un collé à la terre et un groupe au large. Fallait miser, choisir son côté et c’était intéressant, en tous cas c’était un beau panorama encore. On était à toucher les cailloux, c’était un petit peu chaud quand même, fallait faire gaffe, on sait que les talonnages sur ces bateaux font mal. Moi j’ai pris une trajectoire un peu différente de celle du paquet de leaders, globalement proche des cailloux mais un petit peu décalée. Le vent de sud-ouest qu’on attendait est rentrée un peu après minuit, a priori la plupart des fichiers donnaient plus de vent à terre qu’au large mais, en attendant, en allant chercher le vent, ça faisait quand même un bon écart à la route, on verra ce que ça donne au bout mais pour l’instant ça n’a pas l’air mal pour aller à Granville. On a la marée favorable, ça y est, depuis pas si longtemps, surtout pour les bateaux dessous, c’est ce qui me fait dire qu’on n’a peut-être pas tant d’avance que ça parce que les bateaux dessous profitent de la renverse d’abord sur le plateau des Minquiers, on verra ce que ça donne, ça va dépendre un peu des oscillations de vent. D’ici environ deux heures, on passe la bouée de Videcoq, je suis à 14 milles et demi et je marche à 8 nœuds. La météo annonce du sud-ouest donc normalement on est sous spi jusqu’au contournement d’Aurigny donc après il va falloir faire des choix parce que l’empannage fait passer dans Chausey donc il faudra bien gérer les choses, faire de bons choix de trajectoires.Là c’est magnifique, supers conditions, 13-14 nœuds de vent, pas de mer en plus donc c’est vraiment très agréable. En plus, il n’y a pas trop d’algues, il faut surveiller mais ça va, ce n’est pas la catastrophe. »

Tanguy Le Turquais – Groupe Quéguiner Kayak

« Est-ce qu’on peut appeler ça une nuit ? Avec une lune qui nous a éclairé comme un soleil je sais pas, mais c’est super agréable. Ça a bien joué au passage de Bréhat. Je ne m’en suis pas trop mal sorti. Les gars qui étaient restés à la côte s’en sont un peu mieux sortis que moi mais ils ne sont pas trop loin. Je ne vais pas être trop mal placé. Pour l’instant c’est pas trop mal. Je me suis un peu retrouvé là malgré moi, le vent nous a un peu placés comme il pouvait c’était vraiment aléatoire en début de soirée. Très vite, j’ai voulu faire de l’Est, c’est ce qui m’a permis d’être devant le petit paquet qui est devant moi. Je me retrouve sur une route intermédiaire, même si j’aurais préféré être en dessous comme Alexis (Loison). Mais je pense que ça va fonctionner comme ça aussi. Il y a beaucoup d’algues, surtout quand on est contre le courant. J’ai fait une bonne dizaine de marches arrières. Mais c’est pour tout le monde pareil. Donc ce n’est pas très grave. C’est assez tranquille, pour l’instant, mais le vent bouge beaucoup. Je suis en mode compas sur la route, il y a pas mal de régulation de voile à faire parce qu’il y a beaucoup de changement de direction de vent. Mais j’en profite aussi pour faire beaucoup de siestes. J’ai dormi presque 1/2h depuis le début du bord c’est quand même pas mal, car je pense que le prochain, on ne pourra pas dormir beaucoup. »

Alexis Loison – Région Normandie

« J’ai fait le choix d’une route très au large, l’idée c’était d’être sûr de ne pas rester bloqué à Bréhat parce que ce n’est pas évident avec le vent, il y avait beaucoup de courant donc j’ai essayé de ne pas trop lutter contre le courant mais de m’en servir et, surtout, ça permettait, en arrivant par le large, de prendre la renverse avant les autres bateaux aux Minquiers, parce que là ça fait une demie-heure que le courant est avec nous. Et c’est aux Minquiers que ça renverse en premier donc ça ne s’est plutôt pas trop mal passé mais il y a les bateaux de terre que je vois maintenant et je ne sais pas trop qui va croiser devant. « Route dessous, route devant », je connais cette théorie mais le vent bouge beaucoup, en tous cas, dans mon paquet, ça s’est bien passé. Il faut monter vers le nord pour Aurigny et il y a pas mal de choix de routes : est-ce qu’il faut longer le Cotentin, est-ce qu’il faut aller dans l’ouest, est-ce qu’il faut passer au travers des Ecréous ? Je n’ai pas encore fait mon choix parce que je pense que la route dépend beaucoup du timing de notre arrivée à Videcoq et là notamment, on a pris pas mal de retard sur les prévisions de ce matin donc je me laisse encore la possibilité d’étudier différentes routes. J’ai usé quelques cirés près du Cotentin, c’est toujours plaisant de naviguer là, il se passe plein de trucs, c’est sympa de passer dans le coin. Dans la stratégie, le courant sera souvent à mettre en haut de la pile parce que, déjà avec 50 de coefficient, c’est lui qui décide de la route, alors à 83, c’est encore plus important car le courant modifie même le vent. On va essayer de se recaler par rapport aux routages météo maintenant, grâce au baromètre notamment qui nous permet de deviner comment se déplace son action et puis on a des cartes isobariques qui ne sont pas toujours de bonnes qualités mais ça permet de voir si la dorsale bouge, ce genre de choses. Malheureusement, ça ne marchait pas sur la première étape, ça m’aurait pourtant bien servi ! Mais bon, comme on charge différents fichiers avant le départ, on essaie de voir qui est le plus juste, ça nous permet de nous recaler sur le fichier le plus en phase avec la réalité. »

Passage à la bouée Le Videcoq

  1. Alexis Loison (Région Normandie) à 5h 22’
  2. Gildas Mahé (Breizh Cola-Equi’Thé) à 5h 29’
  3. Michel Desjoyeaux (Lumibird) à 5h 31’
  4. Anthony Marchand (Groupe >Royer-Secours Populaire) à 5h 32
  5. Eric Péron (French Touch) à 5h32’ 30’’

Classement de 5h00

  1. Gildas Mahé (Breizh Cola Equi’Thé) à 365mn de l’arrivée
  2. Alexis Loison (Région Normandie) à 0,0 mn du leader
  3. Michel Desjoyeaux (Lumibird) à 0,3mn
  4. Adrien Hardy (Sans nature, pas de futur !) à 0,3 mn
  5. Pierre Leboucher (Guyot environnement) à 0,4mn
  6. Anthony Marchand (Groupe Royer – Secours Populaire) à 0,8 mn
  7. Benjamin Swhartz (Action contre la faim) à 1,0mn
  8. Eric Peron (French Touch) à 1,0mn
  9. Tanguy Le Turquais (Queguiner Kayak) à 1,1mn
  10. Pierre Quieroga (Skipper Macif 2019) à 1,1mn
    ..
    12. Tom Laperche (Bretagne CMB Espoir à 1,3mn (bizuth)

Source

Rivacom

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