Un peu d’histoire pour ce quarantième Spi !

© Didier Ravon

Il se nomme Gilles Le Baud et a lancé à 25 ans le chantier Kelt Marine. C’est aussi un sacré marin. Il a en effet remporté moins d’un an plus tôt la Course de l’Aurore en solitaire qui va devenir la Solitaire du Figaro. Sur tous les fronts, le jeune chef d’entreprise fait aussi partie du bureau de la SNT (Société Nautique de La Trinité) présidée par André Facque, dont le fils Philippe qui a disputé la Whiten bread (course autour du monde) est déjà aussi un grand navigateur océanique. La SNT décide de proposer des entraînements d’hiver en baie de Quiberon. Le succès est immédiat et plus d’une trentaine de bateaux viennent régater un week-end sur deux. Car à cette époque, il faut savoir que tout se passe ou presque au Havre et à La Rochelle, avec la Semaine internationale éponyme qui n’attire pas que le gratin de la voile légère.

Lors du week-end de Pâques, la Semaine Internationale de Marseille en Méditerranée est aussi un rassemblement incontournable, et le maire Gaston Deferre fait lui même la promotion de la course en skippant son bateau Palynodie. La SNT et Gilles Le Baud vont alors proposer au quotidien Ouest France de s’associer au lancement d’une épreuve disputée également durant le week-end Pascal. Roger Lavialle, directeur général est très vite séduit par l’idée et donne son feu vert après moins d’une heure de rendez-vous.

L’épreuve initialement baptisée « Spi d’Or Ouest France » en clin d’œil au fameux « Bol d’Or » sur le lac Léman est lancée, mais va très vite se nommer le Spi Ouest France et le « Spi » pour les habitués. Elle se dispute donc sur quatre jours en baie de Quiberon, avec pour objectif de devenir un rendez-vous incontournable de la régate habitable en atlantique. Nous sommes en 1979. Les Rochelais qui gagnent tout chez eux décident de « monter » en Bretagne pour cette première et aussi confirmer leur suprématie. Les Morbihannais ne voient pas les choses ainsi, et veulent le prouver. L’on compte une cinquantaine de concurrents. Les monotypes sont encore très rares, mais les séduisants J 24 construits aux États-Unis commencent à écumer la baie, notamment issus du port voisin du Crouesty. Quant aux voiliers jaugés en IOR (International Offshore Rule), prototypes de régate, ils sont aussi attractifs à l’époque que les bateaux de la Route du Rhum qui viennent de courir leur première édition quelques mois auparavant. Ces halfs ou ¾ tonners affûtés avec leurs étranges bosses de jauge et ce gréement élancé aussi fin qu’un spaghetti, font rêver les jeunes régatiers. Ce sont de vraies bêtes de course.

Britanny Drizzle (crachin breton ; ndlr) dessiné par un jeune colosse Jean Berret a été construit en bois et lamellé-collé par Bernard Fournier Le Ray, son frère et sa sœur dans le jardin de ses parents. C’est une œuvre d’art ! Il termine quatrième dans sa classe juste derrière Kelt La Concorde vainqueur de la course de l’Aurore, justement avec Gilles Le Baud. L’élégant Britanny Drizzle blanc et rouge, remarquablement construit et entretenu va disputer – excusez du peu – 36 éditions du Spi sur 39, en gagner beaucoup et finir quasiment systématiquement sur le podium ! Un record ! Il y a aussi La Délirante, un plan Mauric superbement mené par Pascal Ponroy, qui dans son « jardin » met tout le monde d’accord et devient le premier vainqueur du Spi en classe V. Œsophage Boogie, un ¾ dessiné par Berret et son immense jupe se classe second en classe IV. Un peu plus tard, le sublime Arlikone, un plan Joubert-Nivelt mené par les frères Alain et Bernard Pointet, va aussi devenir l’une des terreurs du plan d’eau. La majorité des « mangeurs d’écoute » qui viennent s’essayer à ce rendez-vous sportif en baie de Quiberon naviguent surtout à bord de croiseurs de série certes bien préparés mais pas conçus pour régater – Sangria, Aquila, Écume de Mer, First 30, Kelt 8 m, Gib’Sea 30, Super Cha, Aphrodite 101, Farr 727, Symphonie… – et voient de près les prototypes armés par les « champions de la baie » mais surtout au port. Sur l’eau, il n’y a pas photo tant ces protos barrés par des champions sont impressionnants !

De plus, les « bananes » – ces parcours entre deux bouées dans l’axe du vent – n’existent pas encore. Il y a bien de temps à autre un « triangle olympique » avec ses deux bords de largue et l’empannage, mais surtout des parcours côtiers et une grande course de nuit de près de 100 milles allant virer des bouées comme SN1 devant Saint-Nazaire, les Grands Cardinaux, le phare des Birvideaux… L’on fait la « nav » à l’estime et la Gonio voire au Decca pour les mieux équipés, et par vent de Nord-Est on souffre du froid et par vent de Sud-Ouest, ça mouille et l’on veille la rotation au noroît. Sous l’unique tente sur le port de La Trinité-Sur-Mer, une soupe chaude et du café sont servis quelque soit l’heure à l’arrivée des concurrents, et ceux-ci sont conviés à un méchoui dans la salle communale Saint-Joseph. Première radio de France, RTL qui sent que cette course a un bel avenir, décide de couvrir ce premier « Spi » dépêchant une camionnette et ses animateurs qui sillonnent le port et animent en direct la course. Le Spi est bien né. Vive le Spi !

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Didier Ravon

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