La guerre d’usure

2016, FIGARO, JUSTINE METTRAUX, SOLITAIRE BOMPARD LE FIGARO, TEAMWORK, VOILE

© Alexis Courcoux

Ils sont unanimes : si ça continue, il va falloir que ça cesse. Mille milles, vent de travers sur le même bord, à tutoyer les coups de vents dans une mer mal rangée, ça use. Le matériel tout d’abord, mais aussi les marins qui n’ont qu’une hâte, d’arriver à Douarnenez. Parfois, on est tellement bien en mer qu’on n’a pas forcément envie que ça s’arrête. Quand le bateau glisse sous spi, qu’on enchaîne couchers et levers de soleil, que la mer est plate et que les dauphins jouent avec l’étrave pendant que les haut-parleurs du bord crachent une sublime improvisation de saxophone autour de La Mer de Trenet.

Là, il n’y aura pas de place pour les regrets, pour des envies de musarder encore un peu. Ils en ont ras la casquette, n’ont plus grand-chose de sec, vivent dans l’angoisse de casser et ne savent plus ce que c’est qu’un univers horizontal. Les nouvelles des éclopés n’ont rien fait pour ragaillardir le moral des solitaires en transhumance vers la pointe de la Bretagne et nombre d’entre eux sont passés du mode régate, couteau entre les dents au convoyage rapide avec volonté de préserver le matériel.

Un podium très convoité

Cette situation atypique ne fait pas que des malheureux. En tête Charlie Dalin (Skipper Macif 2015), s’il encaisse comme les autres, se satisfaisait d’une situation météorologique qui ne laisse aucune place aux mistoufles. Savoir qu’on ne prend pas le risque d’une redistribution des cartes à l’approche de l’arrivée, c’est un gage de sérénité, même si l’on a connu des situations plus confortables. Derrière la chasse s’organise : Yoann Richomme (Skipper Macif 2014) et Xavier Macaire (Chemins d’Océans) sont à la lutte pour la deuxième place de l’étape et peut-être du classement général de l’épreuve. Nicolas Lunven (Generali) est maintenant à plus de dix milles des deux dauphins de Charlie et ne possédait sur eux qu’un peu plus d’une heure d’avance. Cinq minutes seulement séparent Yoann de Xavier et le classement final pourrait se jouer à coups de secondes pour ce podium.

L’école du grand large

Dans ces conditions à la fois monotones et particulièrement éprouvantes, certains font contre mauvaise fortune, bon cœur. Sébastien Simon (Bretagne CMB Performance) avouait combien cette étape l’avait fait progresser dans des domaines où il n’était pas forcément le plus à l’aise. Là, il a fallu bricoler, faire appel au système D, veiller à l’usure du matériel, acquérir une sorte de routine disciplinée pour ne pas griller toutes ses cartouches. Outre les marins victimes d’avaries majeures, presque tous ont dû recoudre des voiles, faire une réparation de fortune de l’étai creux pour l’un, surveiller le jeu grandissant dans le système de barre pour l’autre… autant de signes qui montrent que les bateaux fatiguent à force d’endurer ces conditions de mer et de vent. En quelque sorte, les solitaires de la Douarnenez Horta Solo viennent de découvrir ce que peuvent être les grandes courses océaniques ou les chevauchées dans les mers du sud comme le Vendée Globe, quand des jours durant, il faut être sur le qui-vive. Sauf que « sur un Figaro, même si c’est plus petit, ça reste autrement plus confortable qu’à bord d’un IMOCA…» Foi de Charlie Dalin qui se souvient encore d’une certaine Transat Jacques Vabre aux côtés de Yann Elies.

Classement à 17h :

  1. 1 Charlie Dalin (Skipper Macif 2015) à 139 milles de l’arrivée
  2. 2 Yoann Richomme (Skipper Macif 2014) à 16 milles
  3. 3 Xavier Macaire (Chemins d’Océans) à 18 milles
  4. 4 Anthony Marchand (Ovimpex – Secours Populaire) à 24 milles
  5. 5 Sébastien Simon (Bretagne CMB Performance) à 25 milles

Ils ont dit :

Corentin Douguet (Sofinther – Un Maillot pour la Vie) :

« Nous allons tous arriver avec une jambe plus courte que l’autre, les mains défoncées et quelques boutons sur les fesses.
En ce qui me concerne, après avoir décroché du paquet de tête, je m’efforce de ménager le bateau pour rallier l’arrivée. On a « perdu » un troisième copain ce matin, après Gildas et Martin hier suite à des avaries de gréement, Arnaud à cassé sa têtière de Grand Voile et va finir au ralenti. Je n’irai pas jusqu’à nous comparer à des soldats qui montent à l’assaut et qui voient les autres tomber autour d’eux, mais il y a un peu de ça lorsque
des compagnons d’aventure restent sur le bas côté.
Demain chez les Penn Sardine on vous racontera tout ça, ou presque, parce que comme toujours une bonne partie de ce qui s’est dit ou fait en mer y restera. Les marins sont comme ça ».

Sébastien Simon (Bretagne CMB Performance) :

« Cette étape se fait longue, usante. Même si le résultat n’est pas là, j’aurais appris énormément pendant cette étape. La débrouille, l’esprit marin, rester humble, le bricolage, je connais tout ça maintenant, je crois. J’ai encore eu des problèmes de pilote jusqu’à hier soir. Finalement les choses commencent à rentrer dans l’ordre. En fait ce n’est plus vraiment une course, c’est à celui qui gérera le mieux les emmerdes… Je ne m’en sors pas trop mal. J’ai les mains défoncées. J’ai aussi bricolé pour pouvoir à nouveau hisser mon génois. La manoeuvre est très délicate mais ça fonctionne. »

Yoann Richomme (Skipper Macif 2014) :

« Tout va bien à bord, mais je l’ai joué prudent cette nuit. Nous avions 4-5m de creux, les vagues se cassaient sur le bateau, qui ne s’est pas privé pour faire quelques ‘airtime’. Avec 35 nœuds établis, et des pointes à 40/43 en milieu de nuit, c’était assez tendu. Je suis vraiment déçu pour Martin Le Pape, qui est victime d’une avarie de gréement. C’est un coup dur.
On va avoir quelques moments de repos aujourd’hui, pour préparer notre dernière nuit en mer, qui s’annonce aussi musclée que celle d’hier ! »

Source

Douarnenez Courses

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