Une troisième étape à risques

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© Alexis Courcoux

Révélé au briefing de 17 heures par le directeur Gilles Chiorri, le parcours de cette troisième étape de La Solitaire Bompard Le Figaro 2016 fera contourner la Bretagne par l’extérieur avant de descendre vers La Rochelle via la bouée BXA au large de la Gironde. Du vent soutenu au près en début de parcours, un passage viril à Ouessant et une belle dorsale* à négocier en Atlantique… Tel est le menu de ces quelque 400 milles. Le tout agrémenté de coefficients de marée en hausse, synonymes de forts courants qui pourraient sensiblement accroître les écarts à l’approche des pertuis. Décryptage.

Rappel du parcours :

Départ Paimpol/Roche Gautier à bâbord/Ile d’Ouessant à bâbord/Bouée Occidentale de Sein à bâbord/Bouée BXA à bâbord/ Ile d’Oléron à Tribord/Arrivée dans le chenal de La Rochelle.
410 milles

Du spectacle à l’apéritif

A 19 heures demain, les Solitaires commenceront à se départager sur un parcours côtier d’une douzaine de milles. Le vent prévu est d’Ouest pour 15 nœuds environ, mais oscillant car venant de terre. La bouée au vent sera mouillée à la pointe de Bilfot. Après la bouée Radio France, libératoire vers le large, cap sur la roche Gautier au Nord de Bréhat. Ensuite, clignotant à gauche direction Ouessant.

Première nuit tonique

C’est au louvoyage que les 39 solitaires navigueront vers Ouessant. Le vent devrait tourner Sud-Ouest au début du parcours, retournant à droite ensuite (Nord-Ouest) au passage d’un petit front. Une donnée à combiner avec le courant. En première partie de nuit, le jusant (courant portant vers l’ouest) canalisera la flotte au large mais il faudra surveiller ceux qui plongent franchement vers l’île de Batz pour se protéger du flot en seconde partie de nuit. Surveillance à l’A.I.S car c’est de la pluie et une faible visibilité qui attendent les skippers. Attention, à terre, le vent sera plus faible, oscillant, avec des zones de « molle », notamment vers la baie de Morlaix. Mais par coefficient de marée de 90, l’écart de courant entre terre et large est tel (2,5 nœuds, soit la moitié de la vitesse de progression vers le but d’un Figaro Bénéteau 2 !) qu’on voit mal les concurrents privilégier le large et le vent… Même s’il faudra rester en rythme avec les bascules.

Passage viril à Ouessant

Si les routages sont justes, et pour l’instant les différents modèles concordent, la flotte devrait passer à Ouessant à la mi-journée dimanche. Saute-mouton et belles images sont à prévoir, car vent contre courant, la mer sera nécessairement creuse voire mauvaise, notamment au niveau de la chaussée de Keller dans le nord de l’île. Les fichiers prévoient 18 nœuds de vent, à majorer de quelques nœuds dans la vraie vie, auxquels s’ajoute l’effet courant puisque les concurrents glissent sur un tapis roulant.
Si la tête de flotte passe avec le courant et que le peloton butte dans la renverse, les premiers écarts pourraient se creuser ici, d’autant que pour descendre à l’Occidentale de Sein, marque de parcours suivante, les solitaires pourront ouvrir les voiles au reaching et accélérer franchement.

Dorsale, quand tu nous tiens

L’anticyclone des Açores se prolonge par une dorsale* dont le déplacement en latitude est conditionné par une petite dépression orageuse sur l’Espagne. Dans la nuit de dimanche et la matinée de lundi, les spis seront de sortie et les cirés vont pouvoir commencer à sécher. La course va renouer avec des conditions estivales … et ses coups tordus. Difficile de dire si la flotte sera vraiment stoppée au large de Groix et Belle-île. Plusieurs scenarii sont envisageables : tête de course qui tamponne et voit revenir la flotte par l’arrière ; passage à niveau avec peloton englouti par la dorsale qui remonte au Nord. Echappée belle de quelques concurrents car les décalages en latéral pourraient être significatifs à ce moment de la course… Avec une inconnue à la clef : depuis le départ de Deauville, cette Solitaire Bompard Le Figaro s’est essentiellement jouée au près et les concurrents ont eu très peu d’occasions de se jauger dans les petits airs sous spi. Rappelons que dans ces conditions, un écart de 2 à 3 nœuds de vent peut faire doubler la vitesse des bateaux. La route vers la bouée de BXA sera longue et les écarts en Gironde potentiellement importants.

Pertuis pervers

Une fois rattrapé le flux de Nord-Est sur l’autre versant de l’anticyclone, les skippers devraient atterrir mardi sur la bouée BXA au large de l’estuaire de la Gironde. De cette marque à laisser à bâbord jusqu’à l’entrée du pertuis d’Antioche au nord d’Oléron, c’est au près dans un vent faible qu’il faudra boucler le parcours. Dans cette zone, le courant, avec un coefficient de marée de 96, redevient une variable importante qui peut sérieusement perturber la progression et redistribuer encore quelques cartes. Ce n’est donc qu’en vue des tours de La Rochelle que les concurrents pourront souffler, à moins que le parcours ne soit raccourci à la pointe Nord d’Oléron, ce que n’exclue pas la direction de course selon le timing d’arrivée.

* excroissance d’un système de hautes pressions à l’axe de laquelle le vent est faible, voire nul.

Ils ont dit :

Erwan Tabarly (Armor Lux), 3ème au classement général provisoire après deux étapes :

« L’été n’est toujours pas là, du moins sur le début de l’étape ! On va passer à l’extérieur de Ouessant et de l’ile de Sein pour aller à La Rochelle via BXA un peu plus bas. Dès le début jusqu’à Ouessant ce sera du près serré avec 20 nœuds de vent. Donc des bords à tirer. Qui dit près dit choix de bords entre le large et la côte pour jouer avec le courant. Ca va ouvrir le jeu et je pense que déjà il y aura des écarts. Ensuite en Bretagne Sud, il y aura l’arrivée d’une dorsale, que l’on abordera au portant avec de l’ouest-nord-ouest. Nous allons enfin mettre les spis, c’est bien parce qu’ils sont tout neufs, ils n’ont pas beaucoup servis jusqu’à présent ! Une dorsale, ça fait toujours des dégâts. C’est impératif d’être devant pour être le premier à s’en échapper. J’en ai fait beaucoup des traversées de dorsales, à quelques longueurs près, on voit un mec qui peut partir 2 milles devant. J’ai l’impression qu’à l’arrivée, il y aura une dépression orageuse qui va mettre le bazar. Bref, encore une grosse étape qui peut générer des écarts car il y aura du petit temps… Pour moi, c’est quasiment la dernière étape, je ne compte pas sur la quatrième pour me refaire la cerise. Si je veux gagner sur celle-ci, je dois attaquer et ne pas rester à côté des autres. »

Thierry Chabagny (Gedimat), 5ème au classement général provisoire après deux étapes :

« Ce sera une étape musclée jusqu’à la chaussée de Sein, avec du vent, du courant, des cailloux. Puis après, sous spi, on jouera beaucoup plus avec la stratégie, il faudra gérer un ou plusieurs empannages. La dorsale, c’est une espèce de gros truc visqueux dont il faut sortir absolument en premier, au risque de rester englué. C’est toujours intéressant car cela oblige à se creuser la tête et à être dans la stratégie pure. Je trouve que c’est une belle étape, il se passera certainement beaucoup de choses. Dès le début, ce sera un combat rapproché où il faudra sortir le piolet et les crampons pour bien négocier les cailloux. On ne dormira certainement pas jusqu’à Ouessant d’autant que la mer sera grosse. Ce sera physique et je parie d’emblée sur un écrémage entre ceux qui ont à peu près récupéré des deux premières étapes et ceux qui sont fatigués. Je vise clairement la victoire sur cette étape, je ne vais pas taper dans les coins, mais naviguer le mieux possible. »

Corentin Douguet (Sofinther-Un maillot pour la vie), 6ème au classement général provisoire après deux étapes :

« Pour moi, clairement, il reste deux étapes pour jouer. La dernière peut encore distribuer des minutes voire des heures. Cette troisième manche nous donnera du près jusqu’à la pointe de Bretagne dans du vent médium à fort et après on va faire essentiellement du portant dans du petit temps. Enfin du portant et du beau temps ! Après on arrive au pays des dorsales ! Il va y avoir un ralentissement, tout ce qui fait le charme d’une dorsale. Tout du long, il y aura des choses à faire. C’est du boulot, car forcément des écarts peuvent se créer. La remontée de BXA jusqu’aux Pertuis, puis jusqu’à l’arrivée restent également des endroits compliqués surtout en été. Il peut très bien ne pas y avoir de vent le matin. Ce qui génère les écarts, ce sont les conditions de vent à partir du moment où le premier passe la ligne. C’est là que le chrono est déclenché. Si tu es à 2 milles à 2 nœuds, tu prends 1 heure ! Donc tout dépend de ça… »

Alexis Loison (Groupe Fiva), 7ème au classement général provisoire après deux étapes :

« Je considère que la quatrième étape fera partie de la troisième, donc au final c’est une dernière très longue étape qui nous attend. Ca va être varié, du près au début avec du vent et de la mer, et après ça va se calmer, on fera enfin un peu de portant. C’est bien, il faudra être bon à toutes les allures. La première partie, il y aura du jeu. Il faudra bien jouer entre le large et la côte, être vigilant, ne pas se retrouver dans des culs de sac, c’est ce qu’on bosse maintenant avant de partir. Il y aura un passage de dorsale avec zéro vent, l’idée sera de trouver le nouveau vent en premier et le meilleur angle. Je pense qu’il y aura moins d’écarts que sur les précédentes étapes. Ce qui est sûr, c’est que ceux qui n’ont rien à perdre taperont dans les coins. »

Source

Rivacom

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