Le défi des Dragons

© Rolex / Carlo Borlenghi

Deux goélettes dessinées par William Fife III, Altair et Adventuress, et l’Atlantique comme terrain de jeu : la Panerai Transat Classique 2015 va être le lieu d’une lutte inédite, exceptionnelle. Symboles de l’architecte écossais, les dragons aux gueules enflammées ont enfin trouvé une épreuve à la hauteur de leur légende.

Historique ! Unique ! Inimaginable ! Pour la première fois de l’histoire du yachting, deux grands voiliers dessinés par le maître écossais de l’architecture navale William Fife III vont s’affronter en course à travers l’Atlantique. L’inscription de la goélette Adventuress à la Panerai Transat Classique 2015 fait basculer cette course – déjà hors du commun par son parcours et ses participants – dans la grande Histoire du yachting. Sa confrontation avec Altair s’annonce comme un événement majeur qui s’inscrit à jamais dans les annales de la plaisance. Même le génie de la Clyde n’a sans doute jamais imaginé qu’un jour deux de ses créations, parmi les plus grandes et les plus élégantes, pourraient ainsi s’opposer sur 3 000 milles d’océan. Les dragons gravés à l’étrave, signe de reconnaissance de tous les voiliers dessinés par la famille Fife, vont se confronter sur un terrain de jeu à leur taille de géants. Au vu de la motivation et de l’engagement des deux équipages, la lutte s’annonce intense et vive, même si elle reste cordiale et respectueuse.

Un fantastique face à face

D’un côté, Altair, goélette majestueuse que l’on ne présente plus. Née en 1931, elle mesure près de 40 mètres hors-tout et symbolise la renaissance de la voile classique au cœur des années 1980. Présente sur toutes les épreuves du circuit classique en Méditerranée, elle a tout gagné, mais rêve aujourd’hui de grand large et de longues chevauchées sur la route des alizés. Avec des équipiers performants, son capitaine est prêt à envoyer toute la toile, en respectant la sécurité de ses hommes et du bateau. En face, Adventuress, est une goélette aurique de 31 mètres hors-tout, nouvelle venue, ou plutôt revenue dans l’univers des classiques puisqu’elle sort d’une longue restauration au chantier américain de Rockport Marine, dans le Maine. Qu’un Fife puisse retrouver une nouvelle jeunesse au pays d’Herreshoff, c’est aussi un malicieux clin d’œil de l’histoire lorsque l’on pense à la formidable rivalité entre architectes américains et britanniques.

Une restauration remarquable

Née en 1924, sur les bords de la Clyde, à Fairlie, le fief de la dynastie Fife, en Ecosse, Adventuress est dotée à la construction d’une grand voile marconi sur le grand mât et d’une voile aurique sur le mât de misaine. Sa coque est en bordés de teck sur membrures en chêne. Son histoire reste méconnue, mais cette goélette fut réquisitionnée comme patrouilleur par les Allemands pendant la Deuxième Guerre mondiale avant d’être sabordée (par les Allemands ou les Français) à l’entrée du port de Villefranche-sur-Mer. Renflouée en 1950, le bateau est restauré et regréé en ketch avant de partir sillonner la côte Est des Amériques, des Caraïbes jusqu’à la Nouvelle-Angleterre, sous le nom d’Isabel. Il est alors racheté par son actuel propriétaire qui décide de lui donner un plan de voilure de goélette aurique. Les architectes et les charpentiers de Rockport Marine – après une consultation minutieuse des archives Fife – n’ont pas compté leurs heures tout au long des étapes de la restauration pour s’assurer que les bonnes décisions étaient prises afin de perpétrer l’héritage que représente ce voilier. L’expertise et la précision dans la charpente, le gréement, l’accastillage en bronze et maints autres détails ont procédé à ce long voyage vers la renaissance d’Adventuress. Tous ces efforts ont été justement récompensés par le « Prix de la restauration de l’année », décerné par le magazine Classic Boat en 2013.

Une philosophie de vie

Lors de sa remise à l’eau, en 2012, son propriétaire, New-Yorkais et yachtman d’origine turque, citait le poète romantique anglais John Keats : « A thing of beauty is a joy for ever » (« Un objet de beauté est joie pour l’Eternité »). Cet heureux et fier armateur d’une silhouette intemporelle a rêvé au-delà de la simple existence historique de son bateau. Pour certains, ce n’est qu’un voilier ; lui l’envisage comme un moyen de remonter dans le temps : une philosophie et un désir basés sur la découverte et l’éducation par la mer, comme nos Anciens l’ont vécu dans l’Histoire. Kenny Coombs, le fondateur récemment décédé de l’Antigua Classic Regatta, a été choisi comme capitaine, véritable maître d’équipage et d’apprentissage, pour porter cette passion. Son successeur, Seth Salzmann, animé du même esprit de ferveur et de dévouement, continue cette mission d’éducation et parcourt les vastes océans pour enrichir son enseignement. Cette idéologie n’a pas pour finalité la recherche du classement. « C’est une équipe : nous travaillons tous, nous apprenons, nous explorons et nous luttons ensemble. » Une équipe de base de sept membres a navigué dans les îles, exploré les côtes et traversé les océans : maintenant, les jeunes équipiers d’Adventuress, autrefois novices, sont désireux de participer à l’événement historique que représente cette course. Oh que cette bataille navale – dans le respect de l’étiquette et du fair-play – va être épique entre Altair et Adventuress ! Vivement le 7 janvier prochain pour le départ à Lanzarote de cette Panerai Transat Classique 2015, direction Fort-de-France.

Adventuress

  • Type : Goélette aurique
  • Chantier de construction : William Fife & Son
  • Année de construction : 1924
  • Architecte : William Fife III
  • Matériau de la coque : Bois
  • Longueur hors-tout : 31,10 m
  • Tirant d’eau : 3,50 m

Altair

  • Type : Goélette aurique
  • Chantier de construction : William Fife & Son
  • Année de construction : 1931
  • Architecte : William Fife III
  • Matériau de la coque : Bois
  • Longueur hors-tout : 39,60 m
  • Tirant d’eau : 4,20 m

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