A une étrave près !

© Jean-Marie Liot

Incroyable final pour les deux derniers monocoques IMOCA qui ne se sont pas lâchés depuis leur passage devant Recife il y a cinq jours ! Initiatives Coeur ne devance en effet Team Plastique sur la ligne d’arrivée devant Itajaí que de neuf secondes… Et pendant ce temps, les premiers Class40’ ont débordé le cap Frio et entament leur dernière ligne droite : il y a du match puisque le trio de tête s’est resserré.

Il fallait un dernier retournement de situation pour que la Transat Jacques Vabre des deux plus attachants équipages en monocoques IMOCA, finisse en feu d’artifice ! Car depuis leur sortie du Pot au Noir où le duo Tanguy de Lamotte et François Damiens avait repris la main au large de Fernando de Noronha grâce à leur trajectoire plus à l’Est, les Italiens avaient choisi de rester dans le sillage d’Initiatives Cœur : plusieurs fois, l’un ou l’autre reprenait l’avantage au gré des grains qui parsemaient la descente vers le cap Frio.

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Neuf secondes d’écart…

D’ailleurs devant Rio de Janeiro, les deux monocoques étaient collés-serrés au point que les marins envoyaient des photos de leur route de conserve… Il restait 230 milles et Alessandro Di Benedetto et Alberto Monaco choisissaient d’empanner plus tôt dans une brise de Nord-Est soutenue la nuit dernière. Et ce n’est qu’au petit matin que les deux équipages se retrouvaient à vue, Initiatives Cœur ayant dû faire le tour d’un filet de pêcheur à 40 milles de l’arrivée.

C’est à ce moment que le vent décidait de mollir en tournant lentement vers le secteur Ouest, ce qui obligeait les deux équipages à faire du près pour atteindre la ligne d’arrivée devant Itajaí. A trente milles du final, les deux bateaux étaient au contact et ne se lâchaient plus au point que l’écart à l’arrivée n’était plus que d’une étrave : neuf secondes après 5 450 milles au départ du Havre et 21 jours 4 heures de mer ! Reporté à un cent mètres, cela signifierait que le chronomètre les mettrait à égalité : 1/160 000ème d’écart ! Les deux équipages closent en apothéose la classe IMOCA et il ne reste donc plus que vingt-trois Class40’ en course…

Petit problème d’interprétation

Le match est loin d’être fini depuis que le leader des Class40’ a indiqué qu’il avait perdu deux de ses trois spinnakers dans le Pot au Noir : cela explique la perte de milles de GDF SUEZ (Rogues-Delahaye) avant d’avoir contourné le cap Frio la nuit dernière. Le tandem accuse un déficit de 0,5 nœud au moins selon que la brise est forte ou non puisqu’il semble que ce soit le spinnaker lourd qui est encore intact. Pour autant, les écarts n’ont pas sensiblement évolué ces dernières heures car le leader a profité d’une brise un peu plus soutenue au large.

En effet, les Espagnols ont mal interprété les Instructions de Course et pensaient qu’il était interdit d’approcher les plateformes de forage qui parsèment les côtes au large de Rio de Janeiro : Alex Pella et Pablo Santurde ont donc tiré à terre dans la nuit, ce qui n’était pas une bonne idée à moyen terme. Et pendant ce temps, Mare (Riechers-Brasseur) optait pour une route intermédiaire à une soixantaine de milles des rives brésiliennes. Tales Santander 2014 reprenait alors le fil en empannant pour se recaler plus au large, mais perdait dans l’affaire une dizaine de milles.

Alors qu’il reste encore plus de 200 milles jusqu’à Itajaí, l’issue est incertaine car la nuit prochaine laisse entendre qu’un sacré coup de frein va redistribuer les cartes : un minimum dépressionnaire est attendu au large de Sao Paulo avec des brises très instables et faibles avant qu’un flux de secteur Sud ne s’installe en milieu de matinée… Une arrivée du premier Class40’ en fin de journée brésilienne est donc toujours d’actualité !

Ils ont dit

Tanguy de Lamotte, skipper d’Initiatives-Cœur (IMOCA) :

« La cohabitation avec François s’est bien passée. Nous avions chacun nos rôles et nous nous y sommes tenus. Il s’est passé énormément de choses dans cette transat, et arriver avec seulement neuf secondes d’avance est incroyable. On se considère à égalité avec Alessandro et Alberto. Un super dénouement d’autant que ce matin, un cinquième enfant a été sauvé grâce aux clics des internautes.
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François Damiens, co-skipper d’Initiatives-Cœur (IMOCA) :

Nous sommes très contents d’arriver au Brésil. Tout s’est bien passé. Nous avons eu un petit coup de mou dimanche dernier quand nous nous sommes retrouvés en pleine pétole et que les grains s’enchaînaient. Le golfe de Gascogne a été fidèle à sa réputation. Nous pensions que ça allait être plus cool après le Pot au Noir. Mais cela n’a pas été le cas : il y a eu tromperie sur la marchandise. Le bateau est puissant, agressif et absolument pas conçu pour la plaisance. Ça tire, ça tape, rien de superflu. On fait vite une bêtise. C’est paradoxal car le bateau s’appelait Initiatives et je ne devais en prendre aucune !
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Alessandro Di Benedetto, skipper de Team Plastique (IMOCA) :

Ça fait du bien d’arriver ! C’était une belle course avec Initiatives-Cœur, nos deux bateaux sont de la même génération. Nous avons poussé Team Plastique, plus qu’au Vendée Globe. Alberto est un très bon régleur et un fin barreur. Pas de dégâts majeurs à bord donc nous n’allons pas nous plaindre. On a juste perdu une chaussette de spi. Pour le reste, c’était de l’usure normale. Tout ce qui cassait, on le réparait ! Le bateau est en parfait état d’un point de vue structurel. On a poussé jusqu’à la fin, neuf secondes c’est rien. La Transat Jacques est une très belle course. On a terminé, le rêve continue.
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Sébastien Rogues (Class40’ GDF SUEZ) :

Nous avons déchiré deux de nos trois spis. Nous les avons explosés lorsque nous étions dans le Pot au Noir, l’un après l’autre. Cela nous a mis un coup au moral. Ensuite nous avons tenté des réparations avec les moyens du bord pendant la descente au près dans l’Atlantique sud. Dès que nous nous sommes retrouvés au portant, la réparation du premier spi a tenu deux heures, le vent étant trop fort. Deuxième coup de mou car nous avons compris qu’il serait difficile de ne pas se faire rattraper. Le bateau a souffert tout du long, on a cassé pas mal de matériel, qu’on a rafistolé comme on a pu. Les prévisions météo à 300 milles de la ligne d’arrivée sont particulièrement compliquées. Nous identifions des vents légers, instables en force et en direction…

Alex Pella (Class40’ Tales Santander 2014) :

Nous sommes au taquet depuis notre escale technique à La Corogne. Nous avons bien navigué. Mais la nuit dernière a été difficile. Nous avons fait une erreur qui est due à une mauvaise compréhension des instructions de course. Nous avons contourné des plateformes pétrolières au lieu de passer à travers comme l’ont fait GDF SUEZ et Mare. En fait, naviguer dans cette zone est interdit sauf si l’on est en course. C’est ce qui nous a induit en erreur. Mais rien de grave : nous sommes toujours dans le match. Nous allons faire de notre mieux jusqu’à l’arrivée pour gagner une place sur le podium et ainsi l’emporter !

Damien Seguin (Class40’ ERDF-Des pieds et Des mains) :

Nous n’avons plus de source d’énergie vraiment efficace depuis notre panne d’hydro-générateur. En fait, nous sommes dans le noir depuis le Pot au Noir ! Les panneaux solaires permettent simplement de brancher un peu l’électronique dans la journée, de prendre une ou deux météo, de faire un routage et donc d’établir des stratégies de course. Nous ne pouvons plus utiliser le pilote automatique : on se relaie à la barre 24 heures sur 24. Mais nous ne regrettons pas notre choix de ne pas nous arrêter à Recife. Nous serons épuisés à l’arrivée. Ne plus avoir de pilote demande une attention constante, d’autant plus que les nuits sont noires.
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Yannick Bestaven (Class40’ Watt & Sea-Région Poitou Charentes) :

Les conditions ne sont pas stables du tout. Le vent passe de 10 à 30 nœuds, il prend 40 degrés de rotation : de quoi devenir fous ! Nous sommes partis au tas dans un grain et nous avons éclaté le spi. Il est ouvert en deux parties, je suis en train de le recoudre. Sur un plancher de voilerie ce n’est déjà pas facile, alors sur un bateau je ne te raconte pas ! J’en ai pour toute la journée… Une dépression est en formation le long des côtes brésiliennes, il faut passer au meilleur endroit pour attraper le nouveau vent frais qui va nous amener à Itajaí.
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Source

Soazig Guého

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