L’art de la parabole

© Christophe Breschi

Premier véritable juge de paix, le contournement de la dorsale que la flotte longe depuis le départ des Açores, est plus que jamais à l’ordre du jour. Les hommes les plus à l’est tentent de couper le fromage au risque de se faire engluer par les calmes, les tenants d’une route ouest vont jouer les périphériques extérieurs. Hier les hommes de l’est semblaient tenir le bon bout ; aujourd’hui les cartes sont redistribuées.

Ne pas trop en dire et quoi qu’il en soit, manifester sa confiance dans son option. Pour les équipages en train de briguer les avant-postes de cette deuxième étape, à l’heure d’aborder le sommet de la parabole qui les emmènera, pour certains, jusqu’à la latitude de la Cornouailles anglaise, l’heure n’est pas à s’épancher sur ses doutes éventuels. Il sera toujours temps de faire les comptes d’ici vingt-quatre heures, quand tout ce petit monde sera passé sur l’autre versant, après avoir viré de bord, dans un régime de nord-est à est plus ou moins stable. Alors se posera la première question : tenter de faire route directe sur Les Sables d’Olonne ou risquer encore un détour le long des côtes bretonnes. Dans le premier cas, on évite de tirer des plans sur la comète face une situation météo incertaine, dans le deuxième on peut espérer tirer parti d’un vent plus portant et des effets de brises côtières qui sont parfois la seule planche de salut dans un régime anticyclonique, quand les vents synoptiques sont faibles.

Regroupement général
Au classement de 16 heures, c’est donc GDF SUEZ (Sébastien Rogues – Fabien Delahaye) qui a repris la tête, suivi comme son ombre par Phoenix Europe Carac (Louis Duc – Stéphanie Alran). Mare (Jörg Riechers – Sébastien Audigane) pointe quant à lui, à un peu plus de 3 milles. Mais surtout, ils sont neuf bateaux à se tenir en moins de 10 milles en distance au but, quand l’écart latéral est de plus de 70 milles. Les deux bateaux les plus à l’extérieur de la courbe, Mr Bricolage et Red, sont les plus rapides à près de 10 nœuds de moyenne, mais les hommes de l’intérieur, après avoir subi un sérieux coup de frein, ont repris du poil de la bête et naviguent maintenant aux alentours de 7 à 8 nœuds.
Après le contournement de la dorsale, il faudra ensuite choisir le timing du virement de bord, quand les vents passeront progressivement à l’est puis au nord-est. Ce n’est qu’ensuite qu’il sera possible d’établir une première hiérarchie.

Zone tampon
Pour autant, les équipages de cette étape retour n’en auront pas fini avec les casse-têtes météo. Petit à petit, une deuxième dorsale semble se former à l’ouest des côtes françaises et provoquerait un nouvel arrêt buffet pour la flotte. Au point que certains commençaient à se demander si les éventuels avantages pris sur les concurrents serviraient à grand-chose, en imaginant un nouveau regroupement à la pointe de la Bretagne. Une seule chose semble certaine : cette étape risque de compter parmi les plus longues pour revenir des Açores. On parle maintenant d’une ETA (Estimated Time of Arrival) aux Sables d’Olonne, au mieux dans la journée de lundi. La bière fraiche de l’arrivée n’en sera que plus appréciée…

Ils ont dit :
Stéphane Le Diraison (Mr Bricolage)
« On est bord à bord avec Red. C’est pas mal, car on a un lièvre pour s’étalonner. Je pensais qu’on aurait été un peu plus nombreux à venir sur notre option nord qui me semble être quand même la route la plus favorable. Il nous reste une dizaine de nœuds de vent, le vent commence à prendre de la gauche (ndr : tourner à l’est). Il nous faut trouver le trou de souris pour passer à l’est ; le phare du Fastnet, c’est très joli, mais ce n’est pas ce qu’on a envie de voir dans quelques jours… »

Stéphanie Alran (Phoenix Europe Carac)
« On joue à cache-cache avec GDF SUEZ. On croit toujours en notre option nord. On verra bien ce qui se passera dans quelques jours. Au fur et à mesure, on verra comment ça se redistribue dans les classements. On continue notre route, on est content d’être bord à bord avec le bateau vainqueur de la première étape. On tourne bien tous les deux, tout se fait naturellement. On va peut-être assister à un regroupement de la flotte. Mais la deuxième partie de course s’avère aussi très compliquée..»

Eric Darni (Ecoelec)
«Tout se passe bien. On n’est pas trop loin derrière le paquet. On a le moral, on attend que le vent remonte. Comme tout le monde on étudie le point de bascule. Ensuite, va-t-on descendre direct sur les Sables et risquer de se trouver face au vent dans le golfe de Gascogne ou piquer sur les côtes bretonnes et être un peu plus portant. Globalement c’est notre première véritable course transatlantique. On apprend beaucoup et on va progresser au fur et à mesure des transats à venir.»

Sébastien Rogues (GDF SUEZ)
« Certains sont proches de la dorsale, d’autres plus loin. C’est aujourd’hui qu’on va voir le résultat des options. On a hâte de savoir, tout en sachant, en regardant la suite de la course, qu’on est loin d’avoir fini. On vient de bénéficier d’une superbe promotion : pour une dorsale achetée, on nous en offre une deuxième en arrivant sur les côtes françaises ! Sinon, tout va bien à bord. On fait bien marcher le bateau, c’est très agréable et j’apprends beaucoup au contact de Fabien. »

Positions à 16h (TU+2) :
1er GDF SUEZ (Sébastien Rogues – Fabien Delahaye), à 785,6 milles de l’arrivée
2e Phoenix Europe Carac (Louis Duc – Stéphanie Alran), à 0,8 mille du premier
3e Mare (Jörg Riechers – Sébastien Audigane), à 3,2 milles
4eRed (Mathias Blumencron – Volker Riechers), à 4,6 milles
5e Campagne de France (Halvard Mabire – Miranda Merron), à 5,8 milles

Source

Isabelle Delaune

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