Le tour de la paroisse

© Christophe Breschi

Même si tout le monde a pu infléchir légèrement sa route vers le nord-est, la route directe vers les Sables d’Olonne n’est toujours pas ouverte. Pour l’heure, les concurrents à l’intérieur de la courbure semblent mieux tirer leur épingle du jeu que les partisans d’une route plus ouest. Le véritable tournant de cette deuxième étape pourrait se situer dans la journée de mercredi quand les premiers équipages tenteront de basculer vers l’est.

Naviguer le long d’une dorsale est un exercice subtil. Un œil sur le baromètre, l’autre sur les masses nuageuses, tandis que l’on surveille les variations du vent en force et direction, l’équipage qui réussira à se glisser au mieux est celui qui aura su allier analyse rigoureuse des systèmes météo, observation des conditions réelles ainsi qu’un mélange d’intuition et de réussite. Pour l’heure, la situation semble sourire aux audacieux, ceux qui n’ont pas hésité à venir flirter avec les limites du gradient de pression. En étant à l’intérieur de la courbure de l’anticyclone, les équipages de Mare, Marie-Galante, Momentum Ocean Racing, Campagne de France, Solidaires en Peloton et Groupe Picoty ont certainement bénéficié d’un vent un peu plus faible que le groupe de l’ouest, mais légèrement plus refusant. Et sous spi, pouvoir lofer de quelques degrés de plus que ses adversaires rattrape largement les quelques nœuds de vent en moins. De fait les différentiels de vitesse entre les tenants de l’option intérieure et ceux de l’ouest ne compensent pas, pour l’heure, les écarts de route des seconds.

L’heure de vérité

Mais la grande explication stratégique pourrait débuter dès la journée de demain, voire la nuit prochaine. D’ici là, la flotte devrait avoir franchi l’extrémité de la dorsale qui se développait depuis l’anticyclone des Açores et pourrait alors infléchir franchement sa route vers l’est. Tout ce petit monde se retrouverait alors au près, dans un vent de sud-est, tournant progressivement est, puis nord-est, sous l’influence d’un deuxième centre de hautes pressions positionné au sud immédiat de l’Irlande. Restera à trouver le bon timing avant de faire enfin route vers la pointe de la Bretagne puis les côtes de Vendée. Partant tribord amure, chaque concurrent va se retrouver face à un vent refusant qui va les obliger à mettre à nouveau du nord dans leur cap. En virant de bord trop tôt, on fait de la route en plus sur un cap pas forcément très favorable. En virant trop tard, on prend le risque de se faire engluer dans les calmes de l’anticyclone.

Méthode Coué

En attendant, que l’on interroge les tenants de l’option orientale ou les baladins du monde occidental, chacun demeure certain de son fait. Jörg Riechers et Sébastien Audigane (Mare) sont persuadés de tenir le bon bout, quand à l’extrême ouest Goulven Royer sur Eärwen attend toujours de voir validés ses choix de route quand les hommes de l’intérieur subiront un sérieux coup de frein. Dans ce genre de situation incertaine, la gamberge est le pire ennemi du marin. Aussi, tant que la messe n’est pas dite, chacun s’efforce de faire bonne figure, de trouver les bonnes raisons de croire en sa vérité. Le tour de la paroisse est propice à l’élévation des âmes.

Ils ont dit :

Gaetano Mura (BET1128)

« On a pas mal bricolé sur le moteur les jours précédents. On est les plus à l’ouest de la flotte. On est sous spi, ça va bien. C’est le choix qu’on a fait de venir ici pour avoir plus de vent. On va voir ce que ça va donner, on décidera plus tard. On essaye de bien observer la situation météo pour prendre les décisions au bon moment. De toutes les façons après avoir pris une option, il faut y croire.»

Jean-Christophe Caso (Groupe Picoty)

« On a quatre bateaux dessous pas très loin de nous, Campagne de France, Momentum, Solidaires et Partouche. Ça confirme ce qu’on pensait dans notre stratégie. On voulait rester un peu au milieu. On se disait qu’il y avait matière à faire moins de route et couper un peu le fromage. On a un peu serré les fesses, mais ça a l’air d’être pas mal. C’est cette nuit que tout va se jouer, quand on prendra le virage à droite.»

Goulven Royer (Eärwen)

«On pensait avoir un peu plus de vent ce matin. On revient un peu plus lofé et j’espère qu’on va avoir la possibilité de sortir par dessous le reste de la flotte. Tout va bien à bord en tous cas. »

Jörg Riechers (Mare)

« Ça va bien. Il fait beau, soleil, grand spi, grand-voile haute, dans dix nœuds de vent. C’est comme en Formule Un, tu prends l’intérieur du virage et tu gagnes. On regarde les fichiers et je pense que l’on a pris la bonne option. En tous les cas, avec Séb, on forme un super équipage…

Positions à 16h (TU+2) :

  1. Mare (Jörg Riechers – Sébastien Audigane), à 972,8 milles de l’arrivée
  2. Marie-Galante (Dominique Rivard – Olivier Grassi), à 1,9 milles du premier
  3. Momentum Ocean Racing (Emma Creighton – Dan Dytch), à 15,6 milles
  4. Solidaires en Peloton (Victorien Erussard – Thibault Vauchel-Camus), à 16,1 milles
  5. Campagne de France (Halvard Mabire – Miranda Merron), à 16,4 milles

Source

Isabelle Delaune

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