Halvard Mabire fait le trou

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A la question posée hier lors de la vacation radio* sur sa stratégie à venir, le Normand Halvard Mabire, skipper du monocoque de la Class40 « Campagne de France » avait répondu laconiquement : « Faire de l’est ». Et de l’est, il a fait. Au degré près. A la précision de sa trajectoire, il a ajouté la vitesse, et son bilan du matin parle de lui-même. A l’exception de Sébastien Rogues (Eole Generation-GDF SUEZ), aussi véloce que lui ces dernières 24 heures, Mabire, épaulé pour cette Transat Québec Saint-Malo des seuls Miranda Merron et Christian Bouroullec, a décroché ses principaux rivaux d’hier, reléguant ce matin Fabrice Amedeo (Geodis) à plus de 57 milles, l’Allemand Jörg Riechers (Mare) à plus de 79 milles ! Cinquième au général, le vaillant Aurélien Ducroz pointe son 40 pieds Latitude Neige-Longitude Mer à…137 milles du Normand. L’écrémage du voilier aux couleurs de la marque phare des Maitres Laitiers du Cotentin se poursuit, dans un vent de sud-ouest propice aux glissades sous grand spinnacker, un luxe pour nombre de bateaux désormais privés de cette arme fatale (Mare, IXBlue…). Attention cependant ; Sébastien Rogues « a pris sa roue » et fonce à son vent, bénéficiant des mêmes conditions de portant.

Loin devant la grande explication des Class40, Erwan Le Roux (FenêtréA Cardinal 3) progresse à belle allure et à grands coups d’empannages vers la marque du Fastnet. Ses deux adversaires directs dans la classe Open en route pour le sud de l’Irlande, s’ils ont abandonné toute idée de victoire, mettent un point d’honneur à gagner de haute lutte la place de dauphin. Gilles Lamiré a trouvé la bonne carburation pour son Défi Saint-Malo Agglo qui cavale à grande vitesse aux basques d’Erik Nigon (Vers un Monde sans Sida) 30 milles dans son nord.

C’est le médecin Québécois Robert Patenaude et son équipage amateur de Persévérance qui ferme la marche des 25 concurrents toujours en course vers Saint-Malo, quelques 360 milles derrière le leader Mabire. Une nouvelle dépression enfle sur la route des monocoques de 40 pieds, très sévère celle-là, écrasant l’anticyclone des Açores et resserrant le gradient sur la route des concurrents. Erwan Le Roux met du charbon pour rester en avant de celle-ci et franchir le rocher du Fastnet avant les 30 nœuds et plus annoncés, qui peuvent faire de ce petit coin au sud de l’Irlande une infernale bouilloire. La flotte des 40 pieds va accrocher toute la journée le versant sud de cette zone très ventée qui va les propulser plein est vers Saint-Malo. Une nouvelle journée humide, grise et inconfortable, mais rapide s’avance.

Les mots de la nuit….

Stéphane Le Diraison (IXBlue), en tête après Saint-Pierre et Miquelon est hélas l’auteur d’une des plus « belle » dégringolade au classement, 10ème à 170 milles du leader. Il livre ses explications :
« Les météorologues se démènent pour en prévoir l’évolution et rencontrent encore aujourd’hui les pires difficultés pour prédire leur genèse… Je veux parler des dépressions bien sûr ! Vous savez ce temps maussade typique de la toussaint : vent, pluie, grisaille. Pour notre joie à tous les dépressions estivales sont de plus en plus toniques et nous font confondre l’été et l’automne. Imaginez notre privilège : nous venons d’assister en direct à la création d’une perturbation atlantique ! Et pour cela nous y avons mis du cœur : absorbés par la réparation de notre grand spi (emporté par une rafale hargneuse au passage de Saint-Pierre et Miquelon) nous décidions momentanément de nous positionner sur l’orthodromie, c’est à dire la route la plus courte pour rejoindre Saint-Malo – afin pensions nous, de ne pas prendre de risque…Notre passage au vent des côtes de Terre-Neuve sous le soleil a provoqué l’ire d’Eole, le dieu des vents. Il s’est vengé sournoisement en nous mijotant une dépression aux petits oignons : la trajectoire de son centre se confondant avec la notre ! Savoureux ! La chute du baromètre était saluée par une rotation du vent qui inexorablement s’est orienté dans notre axe tandis qu’à seulement 50 milles dans notre sud nos petits camarades bénéficiaient de vents portants leur permettant de nous fausser compagnie sans vergogne ! En quelques heures la course basculait : notre seule défense possible était de gagner vers le sud pour échapper au prés serré – punition ultime. Corollaire de loi de Murphy : un défaut sur la chaussette du grand spi entraîne une déchirure, plus tard une forte rafale sollicite la réparation qui ne tient pas, le spi se déchire complètement et tombe à l’eau, la manœuvre de récupération épuisante, la contrariété et l’énergie dépensée pour la réparation entraîne un mauvais choix stratégique par omission, le recalage fait perdre un maximum de distance sur nos concurrents, pour finir le grand spi est inutilisable alors que nous en aurions bien besoin, le ralentissement occasionné va nous exposer d’avantage aux vents les plus forts de la dépression… ou comment un détail fait basculer une course !Nous n’avons pas dit notre dernier mot ! Tant que la ligne d’arrivée ne sera pas franchie nous vendrons chèrement notre peau !!! »

Source

Soazig Guého, Mille & une vagues

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