Groupama 2
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  • Alors que Franck Cammas et ses hommes ont doublé, en tête, le cap Horn dans la 5e étape de la Volvo Ocean Race, nous lui avons demandé de poser son regard au-delà de l’horizon. Entretien et révélations, en pleine mer, avec le petit Mozart de la voile …

    Adonnante.com : Vous venez de doubler le cap Horn en tête et gérez cette étape avec brio. Nous tenions à vous féliciter.

    Merci, mais l’étape est loin d’être terminée. Nous sommes heureux d’avoir doublé le cap de la délivrance sans de gros soucis matériels. Il faut maintenant tenir sur les 1500 milles qui nous restent à courir d’ici Itajai (BRA) . Les Malouines sont proches et les conditions météo aléatoires. PUMA n’est pas très loin derrière. Nous allons livrer un véritable mano à mano jusqu’à l’arrivée. Cela va être passionnant…

    Adonnante.com : En parlant de mano à mano, oublions quelques instants la Volvo et parlons du passé. Pouvez-vous me parler de Russell Coutts ?

    Sir Russell ? Nous nous sommes rencontrés il y a quelques années par l’intermédiaire d’un équipementier commun. Je l’ai invité, en 2004 à venir sur Groupama lors d’un Grand Prix à Marseille. Il a été enchanté par cette navigation à haute vitesse. Depuis nos sillages se sont croisés plusieurs fois.

    Adonnante.com : Sillages. Au pluriel ?

    Oui, chaque fois c’était sur des multicoques. Russell Coutts est un régatier très talentueux et curieux. Il est revenu une seconde fois à bord de Groupama 2 juste avant que les histoires de la Coupe ne tournent au vinaigre entre Alinghi et BMW Oracle Racing. En 2008, le DoG Match était lancé entre les Américains et les Suisses. Russell est venu me chercher, tout d’abord comme consultant technique en collaboration avec le cabinet VPLP (qui a dessiné mes trimarans et USA 17). J’ai aussi eu le plaisir de courir sur la saison d’Extreme 40 aux couleurs d’Oracle Racing en 2008. Pendant ce temps, les Américains sont venus, à Lorient, faire des stages à bord de Groupama 2. Une véritable collaboration entre Russell et moi naissait alors.

    Adonnante.com : Pourquoi ne pas avoir disputé la Coupe avec eux alors ?

    j’avais d’autres projets en tête à ce moment-là : le Trophée Jules Verne. Naviguer  sur les jouets des Américains était ma bouffée d’oxygène. Mais l’objectif était de tourner autour de la planète le plus rapidement possible. Première tentative en 2009. Seconde, réussie, en 2010. La Coupe m’est passée sous le nez !

    Adonnante.com : Une fois le Jules Verne en poche, vous vous tournez vers de nouveaux horizons. Pourquoi pas la Coupe ?

    Nous en avions discuté avec mon sponsor. Mais l’aventure a une plus forte valeur en France que la régate pure. Avoir navigué avec les Anglo-saxons m’a ouvert à l’international. Une autre vision de la voile sportive, conjuguée à une aventure extrême, m’est alors venue à l’esprit : la Volvo Ocean Race. Mon sponsor a accroché tout de suite. C’était l’inconnu sans l’être vraiment, car ma collaboration avec Oracle Racing m’avait donné beaucoup de billes pour réaliser un projet qui n’a rien à envier à la Coupe, que ce soit d’un point vu humain ou technologique. La seule différence c’est que nous ne rentrons pas tous les soirs à la maison prendre une douche chaude (rires) !

    Adonnante.com : Une fois que vous aviez signé pour la Volvo, le Defender annonçait que la Coupe se courrait dorénavant en multicoque. Un regret ?

    Non aucun. La Coupe n’était pas dans la ligne directrice de mon sponsor. Et puis les Volvo 70 sont des machines formidables. La preuve, Abu Dhabi a tapé les 41.5 nœuds ! Ces monocoques se rapprochent plus des multicoques. Dans la manière de barrer, de les relancer, de chercher le vent apparent, de naviguer à vitesses élevées en permanence… C’est une autre dimension de la voile !

    Adonnante.com : En juin la Volvo amarrera définitivement ses amarres jusqu’à la prochaine édition. Qu’aller vous faire ensuite ?

    Prendre des vacances… loin de l’eau salée (rires) !

    Adonnante.com : Mais plus précisément ?

    Prendre un peu de temps pour moi, du recul, et comme vous l’avez deviné, rejoindre Oracle Racing pour leur campagne de Défense de l’America’s Cup. La Volvo sera en suspens pendant cette période. Et je pense que c’est le moment idéal pour venir sur la Coupe de l’América. Les Américains m’attendent à San Francisco en août pour l’étape des AC World Series.

    Adonnante.com : Quel sera votre rôle au sein du Defender ?

    L’équipe est déjà faite. Je ne peux pas arriver et prendre la place de quelqu’un. James Spithill AUS, qui est le barreur attitré, est un régatier de talent. Il est jeune. Il a une véritable expérience du match racing. Il a appris le multicoque en deux temps trois mouvements. C’est incroyable cette capacité d’adaptation. Je vais avoir un rôle interne de consultant et probablement de second barreur. Les Américains auront deux multicoques. Je partagerai la barre du second bateau avec Ben Ainslie GBR (quatre médailles olympiques, dont trois en Or, NDLR). Ce sera vraiment très excitant…

    Adonnante.com : Franck Cammas, merci d’avoir pris le temps de nous répondre en plein match race océanique. Quelque chose à rajouter ?

    Le devoir m’appelle sur le pont. Puma n’est pas loin. La victoire d’étape, pour les survivants, va se jouer maintenant…

    • Franck Cammas sur la Coupe de l’America •