Virer le Fastnet n’est jamais anodin. D’une part, parce que le phare, situé à la pointe sud-ouest de l’Irlande dégage une impression de puissance hiératique, mais aussi parce que tourner autour du fameux caillou, c’est renouer avec près d’un siècle de course au large.

C’est en 1847 que fut prise la décision de construire un phare sur l’île de Fastnet Rock, au large de Cape Clear. Cette année-là, un navire américain, pris dans la brume, avait fait naufrage sur le caillou entrainant la mort de près de cent passagers. Depuis 1854, le phare balise donc les dangers et, pour les navigateurs, apercevoir son éclat blanc qui toutes les cinq secondes troue la nuit, est le signe qu’une partie de leur course se termine et qu’une autre phase se dessine. L’Europa Warm’Up risque fort de proposer un passage du phare à l’irlandaise avec temps bouché, petit crachin et corne de brume en action…

Virement de bord immédiat

Vincent Riou (PRB) et Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) auront-ils une pensée, même fugitive, pour les milliers d’équipiers qui sont déjà venus tourner autour du caillou mythique, ou bien seront-ils déjà focalisés sur la suite de leur parcours, la descente vers la pointe de Bretagne puis La Rochelle ? En tous cas, ils ne devraient pas chômer sur la route vers l’arrivée. Un virement de bord dès que le phare sera paré et la flotte devrait faire route cap au sud dans l’attente d’un petit front à l’entrée de la Manche. Derrière cette perturbation, les vents devraient virer rapidement au secteur ouest en forcissant, propulsant à nouveau les IMOCA à bonne vitesse vers le port charentais. Au point que les premiers routages donnent une arrivée possible à partir de 16 heures (TU+2) dans la journée de dimanche..

Attendre son heure

Course de vitesse avant tout, cette dernière partie de parcours n’offre que peu de possibilités de jouer sur la stratégie pour se recaler. Il y aura sûrement un coup à jouer dans la négociation de la bascule des vents au secteur ouest, mais pour le reste, cette fin de course devrait donner la part belle à la vitesse. Pour François Gabart (MACIF) repassé en troisième position, comme Armel Le Cléac’h (Banque Populaire) il va falloir s’armer de patience et saisir l’occasion quand elle se présentera. Le skipper de MACIF a, quant à lui, trouvé une nouvelle occupation : privé de standard C qui permet d’obtenir sa position automatiquement, il passe par Twitter pour donner régulièrement sa position sur les réseaux sociaux, engageant une sorte de dialogue d’un nouveau genre avec ceux qui suivent sa progression. Nouveaux outils de communication, nouvelle génération, la course au large change… Mais il reste des constantes immuables pour les skippers, au delà des âges et des cultures : enfilage des bottes et des cirés, bricolage et récupération après deux jours de vents forts risquent d’être le lot commun des solitaires.

Ils ont dit :

Armel Le Cléac’h (Banque Populaire) :

« Ça va mieux maintenant que j’ai résolu mes petits problèmes techniques. J’avais un problème de hook de grand-voile (ndlr : système qui permet de maintenir la voile hissée sans l’aide d’une drisse). De plus, j’ai perdu mon petit gennaker qui s’est décroché par le point de drisse avant de tomber à l’eau. Avec la vitesse du bateau, c’était impossible de le remonter à bord, d’autant qu’il était plein d’eau. J’ai donc dû m’en séparer, ce qui m’a pas mal handicapé. Du coup, je n’ai pas pu tenir la cadence des deux premiers. Je devrais passer le phare demain matin, voire dans la nuit. On ne devrait pas voir grand-chose. Ici, quand la corne de brume est actionnée, c’est toujours impressionnant.»

Vincent Riou (PRB) :

«La grisaille est parmi nous. On devrait passer le Fastnet en fin de journée. Je suis content parce que j’ai réussi à creuser sur mes adversaires. Cette nuit je me suis recalé dans l’est pour contrôler Bernard Stamm et on a réussi à faire ça sans trop perdre de terrain. »

François Gabart (MACIF) :

« Il commence à faire un peu frais. J’ai dû enfiler les bottes. Cette nuit, virement de bord au Fastnet et on retourne chercher le front qui est derrière nous pour retrouver les vents d’ouest. Arrivée prévue à La Rochelle dimanche. »