Le coup de renard de Gibraltar

© Alfred Farre

Le détroit de Gibraltar s’est révélé conforme à sa réputation. Après deux jours de navigation musclée, les concurrents se sont retrouvés à batailler dans les petits airs. Et PRB a raflé la mise.

Nord ou sud ?

A l’approche de Gibraltar, les premiers concurrents se sont trouvés confrontés à un choix cornélien. Alors que leurs bords les avaient amenés à naviguer près des côtes marocaines, ils avaient le choix entre tenter de forcer le courant de marée dans la partie sud du détroit ou une traversée du passage pour bénéficier de conditions plus favorables dans la partie nord. Virbac-Paprec 3, en position de contrôle, choisissait, logiquement, de s’écarter le moins possible de la route directe, imité par l’équipage de MACIF. Vincent Riou, en embuscade en troisième position, profitait du marquage entre les deux premiers pour tenter un coup. Bien leur en prenait : alors qu’au sud, les deux leaders peinaient contre le courant, PRB profitait de la renverse qui avait déjà eu lieu dans le nord du détroit pour prendre la tangente.

Tempête sous les crânes

On imagine bien l’ambiance respective des différents équipages. A bord de PRB, Vincent Riou et son équipage ont suffisamment d’expérience pour ne pas tomber dans l’euphorie, même si réussir un coup gagnant de ce type est forcément bon pour le moral. Les deux ex leaders vont s’efforcer d’éliminer une déception bien légitime pour passer de la peau du chassé à celle du chasseur. Il est en tous les cas un point sur lequel tous les membres du trio seront d ‘accord, c’est que tant que la ligne d’arrivée n‘est pas franchie, tout peut arriver. Les écarts restent infimes entre les prétendants à la victoire finale et l’on a déjà vu des situations rebondir à quelques milles à peine de la ligne d’arrivée. Il semble bien que le coup de Gibraltar ait fait des émules puisqu’à la sortie du détroit, c’est l’équipage de Banque Populaire qui choisissait de partir à terre pour tenter sa chance en solitaire.

Un test révélateur

Derrière, les choses sont forcément plus difficiles. On sentait bien, à la vacation de ce midi, la concentration mêlée d’une pointe d’inquiétude qui régnait, tant à bord de Groupe Bel que de Cheminées Poujoulat. Concentration parce que la gestion des transitions est un art complexe qui demande une attention de chaque instant. Inquiétude de voir la porte de Gibraltar leur claquer au nez et d’abandonner tout espoir de revenir dans la course. A bord d’ACCIONA 100% EcoPowered, on est partagé entre une frustration certaine de fermer la marche, mais aussi une grande satisfaction de constater que, malgré le très faible nombre de milles parcourus, le bateau de Javier Sansó semble bien né. Bien sûr, l’équipage espagnol a dû faire face à nombre de petits soucis de jeunesse… Mais l’essentiel est bien ailleurs ; Bubi Sansó dispose d’une machine qui a les moyens de faire ses preuves au prochain Vendée Globe et n’est pas si loin des ténors de la classe. Ce n’est pas le moindre des mérites de cet Europa Warm’Up que de révéler en conditions de compétition le niveau d’avancement de chaque projet.

Ils ont dit :

Kito de Pavant (Groupe Bel)

«On est concentré, on sait que dans ces conditions, il faut rester très vigilant, d’autant que les conditions devraient favoriser ceux qui sont devant. On n’aimerait pas se faire piéger par le détroit de Gibraltar, alors on essaye d’avancer au mieux. La pétole, c’est évident que c’est plus confortable : le bateau est à plat, on est au sec. On dort mieux, c’est sûr, mais on dort aussi beaucoup moins longtemps, parce qu’il faut être sans cesse à régler, surveiller les variations du vent, manœuvrer. »

Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat)

« On était bien parti, mais on a mal négocié la première nuit. Il va falloir qu’on essaye de revenir, mais actuellement c’est plutôt la prime à ceux qui sont devant. On va essayer de ne pas se faire piéger par les bulles sans vent ; cette nuit on a calé nos virements en fonction des variations du vent. Là, on est bord à bord avec Groupe Bel qui est sous notre vent et qui glisse un peu plus que nous. Actuellement, on est encore loin du détroit et on a déjà trois nœuds de courant de face…»

Javier Sanso (ACCIONA 100% EcoPowered)

« Je suis content d’avoir pu tester notre ACCIONA 100% EcoPowered dans ces conditions. Comme pour chaque nouveau bateau, nous avons eu des soucis techniques, mais tout est réglé. Nous avons perdu quelques heures avec l’enrouleur du Solent, que nous ne pouvions pas rouler, mais heureusement Pachi est un crack et on a trouvé la bonne solution. Hier la trinquette s’est détachée alors que nous prenions le troisième ris dans 50 nœuds de vent. Nous faisons tous les efforts à rejoindre la flotte, mais ce n’est pas facile. On verra si nous pouvons entrer à nouveau dans le jeu, il reste encore pas mal de milles à courir.»

Source

WindReport'

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