Antoine Mermod : « Ce fut une course fantastique »
La 10ᵉ édition du Vendée Globe restera gravée dans l’histoire. Avec un nombre inédit de bateaux au départ, un record de finishers et un vainqueur d’exception, la mythique course autour du monde en solitaire et sans escale a tenu toutes ses promesses.
Lancée début novembre, l’édition 2024-25 du Vendée Globe s’est achevée la semaine dernière avec l’arrivée du dernier concurrent aux Sables-d’Olonne. À l’avant, la compétition s’est transformée en un sprint planétaire inédit, porté par les IMOCA à foils de dernière génération et un rythme effréné.
Charlie Dalin, la consécration d’un skipper hors pair
Grand favori, Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance) a dominé les débats. Déjà premier sur la ligne d’arrivée en 2021 avant d’être rétrogradé au classement compensé, le navigateur français prend cette fois une revanche éclatante. Il boucle son tour du monde en 64 jours et 19 heures, pulvérisant le précédent record de neuf jours et huit heures. Avec une vitesse moyenne de 17,79 nœuds et 27 667 milles nautiques parcourus, Dalin entre dans la légende.
Derrière lui, Yoann Richomme (Paprec Arkéa) s’adjuge la deuxième place, à 23 heures du vainqueur. Sébastien Simon (Groupe Dubreuil) complète le podium, franchissant la ligne deux jours et 17 heures plus tard.
Un peloton d’exception dans le top 10
Une semaine après l’arrivée de Sébastien Simon, Jérémie Beyou (Charal) a livré une bataille acharnée pour accrocher la 4ᵉ place, suivi de Paul Meilhat (Biotherm), Nico Lunven (Holcim-PRB) et Thomas Ruyant (Vulnerable). Juste derrière, Justine Mettraux (Teamwork-Team SNEF) marque l’histoire en devenant la première femme et la première non-française à rallier l’arrivée. Sam Goodchild (Vulnerable) complète ce top 10 extrêmement disputé, où les écarts se sont resserrés jusqu’au bout : seules 37 heures séparent ces skippers à l’arrivée.
Au fil des semaines, cette édition aura offert un spectacle haletant, marqué par des conditions météorologiques extrêmes et des performances de haut vol. Le Vendée Globe 2024-2025 s’impose comme l’une des éditions les plus marquantes de l’histoire de la course.
Une lutte acharnée parmi les bateaux à dérives
Si les IMOCA à foils ont offert un sprint effréné en tête de course, la compétition a été tout aussi intense parmi les bateaux à dérives. Benjamin Ferré (Monnoyeur-Duo For a Job) s’est imposé dans cette catégorie en décrochant la 16ᵉ place, mais avec une infime marge : Tanguy Le Turquais (Lazare) a franchi la ligne d’arrivée seulement 16 minutes plus tard, témoignant du suspense jusqu’au bout.
Des exploits marquants dans le reste de la flotte
Cette édition du Vendée Globe a aussi été le théâtre de performances exceptionnelles. À 23 ans, Violette Dorange (DeVenir) devient la plus jeune navigatrice à terminer la course, en 25ᵉ position, un exploit salué dans tout l’Hexagone. Un peu plus loin, en 32ᵉ place, Jingkun Xu (Singchain-Team Haikou) inscrit son nom dans l’histoire en devenant le premier marin chinois à boucler l’épreuve, un accomplissement d’autant plus remarquable qu’il navigue avec un avant-bras en moins, perdu dans un accident durant son enfance.
Mais au-delà du classement, c’est l’histoire de chaque skipper qui a rythmé cette édition. Avec ses records, ses drames et ses exploits humains, cette édition 2024-2025 du Vendée Globe restera comme l’une des plus intenses et mémorables de l’histoire de la voile océanique. Parmi les moments forts, on retiendra le nouveau record de distance en solitaire en monocoque en 24 heures établi par Sébastien Simon avec 615,33 milles nautiques parcourus dans l’Atlantique Sud ; les abandons douloureux de marins comme Maxime Sorel (V and B-Monbana-Mayenne), Eric Bellion (Stand As One), Louis Burton (Bureau Vallée) et le vainqueur de 2020-2021, Yannick Bestaven (Maître Coq V). On retiendra également les actes de bravoure impressionnants, notamment Violette Dorange montant deux fois en haut de son mât pour des réparations, l’aventure d’Antoine Cornic aux Îles Saint-Paul pour réparer son rail de grand-voile ou encore Guirec Soudée (Freelance.com), qui a dû grimper à sept reprises dans son mât et même nager sous son bateau pour libérer sa voile coincée dans sa quille près du Cap Horn.
Antoine Mermod : « Chaque instant a été riche en intensité »
L’édition 2024-2025 du Vendée Globe restera comme l’une des plus marquantes de l’histoire, un constat partagé par Antoine Mermod, président de l’IMOCA. Selon lui, cette course unique a une nouvelle fois prouvé sa capacité à générer des émotions intenses, tant pour les skippers que pour les spectateurs. « Cette course a été un incroyable catalyseur d’émotions, bien plus que toutes les autres », confie-t-il. « Du départ aux arrivées, chaque instant a été riche en intensité. Nous avons suivi avec passion les aventures de chaque marin, du premier au dernier. De novembre à aujourd’hui, tout est passé très vite, et pourtant, il s’est passé tant de choses. »
L’arrivée victorieuse de Charlie Dalin a marqué les esprits. « L’émotion était immense, car son exploit est remarquable, d’autant plus après ce qu’il a vécu il y a quatre ans », souligne Antoine Mermod, en référence à sa deuxième place en 2021 malgré une arrivée en tête. Mais au-delà du vainqueur, c’est la bataille acharnée dans le top 10 qui a impressionné le président de l’IMOCA. « Contrairement au trio de tête, les skippers classés de la quatrième à la neuvième place ont dû affronter des conditions particulièrement éprouvantes en fin de course, offrant un spectacle d’une intensité exceptionnelle. »
« La suite a offert d’autres moments forts », rappelle Antoine Mermod. « L’arrivée de Benjamin Ferré, premier bateau à dérives, s’est jouée à quelques minutes d’avance sur son poursuivant, dans un final haletant où sept skippers ont coupé la ligne en deux jours. Mais comme toujours dans le Vendée Globe, chaque arrivée a été unique et riche en émotions. »
Un tournant dans l’histoire du Vendée Globe
Avec seulement sept abandons sur 40 partants, cette édition affiche le taux de réussite le plus élevé de l’histoire de la course. Un tournant majeur, selon Antoine Mermod. « Ce n’est plus une épreuve où les skippers sont éliminés par des problèmes techniques, mais une course où la performance prime. » Il attribue cette fiabilité accrue à plusieurs facteurs : la stabilité de la jauge IMOCA ces quatre dernières années, un processus de qualification plus exigeant et un calendrier des IMOCA Globe Series qui pousse les marins et leurs bateaux à naviguer en course plus de 60 jours par an.
Le succès de cette 10ᵉ édition du Vendée Globe ne se limite pas aux performances sportives. Selon Antoine Mermod, président de l’IMOCA, il témoigne aussi de la solidité du circuit et de son attractivité croissante auprès des sponsors et des skippers. « Un autre facteur clé réside dans le succès du Vendée Globe 2020-2021 », souligne-t-il. « Cette édition a permis à de nombreuses équipes de sécuriser des partenariats solides, grâce aux retours positifs obtenus. Cela a renforcé les structures, avec des équipes plus expérimentées et un niveau de compétence accru. Le résultat ? Des progrès techniques notables et des équipes bien plus étoffées qu’il y a quatre ans, ce qui explique aussi la fiabilité accrue des bateaux et le faible nombre d’abandons cette année. »
Cap sur 2028
Antoine Mermod se montre optimiste quant à la possibilité de voir une flotte de 40 skippers au départ du Vendée Globe 2028. « On verra, mais il y a clairement plus de 40 marins qui souhaitent participer la prochaine fois, car c’est une course exceptionnelle et un défi fantastique », déclare-t-il. « Les retours pour les sponsors et les chiffres semblent très positifs – nous les publierons dans les prochaines semaines. Cela paraît très encourageant, ce qui permettra aux skippers de trouver des partenaires et de monter des projets solides. J’espère que nous pourrons revenir à 40 participants. »
L’attrait du Vendée Globe dépasse largement les frontières françaises. Son impact repose sur une narration captivante, celle d’hommes et de femmes seuls face aux océans, poussant leurs limites dans une aventure hors du commun. « Cette course séduit les jeunes, les citadins, les Bretons et même les personnes d’horizons non français à travers le monde », a-t-il déclaré. « Lorsqu’ils découvrent notre histoire, ils ressentent la passion de la course, et c’est ainsi que l’on parvient à convaincre les partenaires de nous rejoindre. »
Antoine Mermod tient aussi à souligner le rôle déterminant des organisateurs dans le succès de cette édition. « Beaucoup de personnes ont travaillé d’arrache-pied, jour et nuit, pour faire de cette course un succès », insiste-t-il. « Un grand merci à eux, car si cette édition a été couronnée de succès, c’est grâce aux skippers et aux équipes, mais aussi à ces personnes qui font partie intégrante de cette réussite. »
Un Vendée Globe réussi génère une dynamique positive, et l’IMOCA est en pleine effervescence. Nouveaux projets, nouveaux skippers, bateaux qui changent de main… La Classe se prépare déjà aux défis des quatre prochaines années, avec un programme de Championnat chargé et des courses de haut niveau. « À l’arrivée, on sentait que la plupart des skippers étaient déjà tournés vers la saison prochaine », confie le président. « The Ocean Race Europe s’annonce comme un défi passionnant, et plus largement, les 18 courses prévues d’ici 2028 offriront de nombreuses histoires à écrire. Une chose est sûre : la flotte continuera à progresser et à nous faire vibrer. »