Le 1er mai n’est pas un jour chômé pour tout le monde et encore moins pour les concurrents en lice sur la 15e édition de The Transat CIC, qui ont navigué dans des conditions soutenues la nuit dernière. Toujours menée par Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance), partisan d’une option nord, la flotte des IMOCA s’apprête à passer une dorsale anticyclonique. Les Class40, emmenés par Fabien Delahaye (LEGALLAIS), leur emboîteront le pas dans la nuit, suivis plus tard par les Vintage. Chez ces derniers, Patrick Isoard (Uship pour Enfants du Mekong) faisait toujours course en tête au pointage de 14h, et comptait xx milles d’avance sur Rémi Gerin (FAIAOHAE)

Conditions difficiles, changements de voiles, bricolage, grains à traverser… La 3e nuit de course a été « assez compliquée avec beaucoup de mer très courte et jusqu’à 45 nœuds de vent en rafale » comme l’expliquait ce matin Alan Roura (HUBLOT). Mais selon Francis Le Goff, Directeur de Course, la majeure partie de la flotte sera sortie de cette zone de mer forte et de vent soutenu en début de soirée, les premiers IMOCA s’en étant extirpés dans la matinée. Ces derniers se dirigent vers une dorsale anticyclonique que les leaders devraient négocier dans l’après-midi.

L’enjeu de la journée donc : trouver le meilleur passage dans cette dorsale pour faire la route la plus courte avec du vent. « Ce passage est plutôt au nord, ce qui donnera sûrement un petit avantage à Charlie Dalin et Yoann Richomme (IMOCA Paprec Arkéa) ou encore Yannick Bestaven (Maître CoQ V), même s’il est un peu distancé », analyse Francis Le Goff, qui précise que le passage de la dorsale sera sûrement un peu plus dur pour Paul Meilhat (Biotherm), Nicolas Lunven (Holcim-PRB) ou encore Maxime Sorel (V AND B – MONBANA – MAYENNE), calés plus au sud que les leaders. Selon le Directeur de Course, les écarts pourraient se réduire dans la journée, sachant que les « anticyclones sont en train de s’écarter et les dépressions en train de se rapprocher, ce qui permettra à ceux qui sont un peu à l’arrière de la flotte de toucher sûrement un peu plus de vent » et donc de franchir la dorsale avec moins de difficultés.

« Trouver le meilleur compromis »
Mais avant de rentrer dans la dorsale, les marins, qui sont un train de sortir d’un vent fort pour aller vers du vent plus faible, vont devoir prendre une décision : sortir toute la garde-robe de voiles pour jouer à fond la carte de la performance, ou opter pour une configuration médiane pour prendre le temps de faire un check du bateau avant d’affronter la prochaine dépression, à laquelle les leaders seront confrontés dès le début de soirée. « Il va falloir trouver le meilleur compromis. Le vent montera moins progressivement que la dernière fois, et ils vont vite se retrouver avec 30-35 nœuds de vent, avec des rafales à 40-45 nœuds. Le mode de fonctionnement est différent au portant. Le phénomène arrive vite et fort, les vitesses vont augmenter ».

De leur côté, les Class40 rencontreront à peu près le même schéma que les IMOCA avec quelques heures de décalage. « Ils commenceront à sortir progressivement du vent fort au cours de la nuit prochaine quand les IMOCA rentreront dans l’autre système. Ça sera peut-être moins compliqué pour eux de sortir du col barométrique demain matin car ils devraient avoir un peu plus de pression », indique Francis Le Goff.

Des avaries en pagaille
L’Atlantique Nord, réputé pour sa dureté à cette période de l’année, n’a pas épargné les machines et les avaries et autres problèmes techniques se sont enchaînés. « J’ai eu pas mal de souci sur le bateau, ce qui m’a pas mal ralenti. Ce ne sont pas de gros problèmes mais ça m’a demandé à chaque fois d’arrêter le bateau pour les solutionner », racontait ce matin Damien Seguin (Groupe APICIL). Certains ont eu moins de chance, à l’instar d’Antoine Cornic (HUMAN Immobilier), victime d’une casse de sa galette de J3, qui a signifié ce matin son abandon. Ou encore d’Anatole Facon (Good Morning Pouce), qui a cassé la tête de son safran tribord et se déroute vers La Corogne pour évaluer la suite. Sans oublier Nicolas Lunven (Holcim-PRB), qui déplore une avarie de bout-dehors mais qui poursuit sa route en course vers New York. « Le bout-dehors est endommagé et inutilisable, ce qui signifie que je ne pourrai pas utiliser mes voiles de portant pour le reste de la course », déclarait-il ce matin.

Ils ont dit

Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance) : « On va franchir la dorsale en début de nuit. D’ici là, je vais finir par entrer dans une zone de vent un peu moins fort. Il va falloir mettre de la toile au fur et à mesure que le vent mollit et que l’angle change. On va avoir des conditions de plus en plus calmes niveau état de la mer. Là, on avait du vent fort de travers. On a tendu la joue à droite, on va pouvoir tendre la joue gauche sur l’autre bord. On va avoir ensuite avoir du vent du sud-est très fort mais au portant cette fois. On varie un peu les plaisirs. Ce qui est cool, c’est que ce sont des conditions en termes de force de vent et d’allure qu’on peut retrouver dans les mers du sud sur le Vendée Globe. Ça va être intéressant de voir comment le bateau se comporte dans ces conditions. Plus on va s’éloigner de la dorsale et plus le vent va forcir assez vite. La dorsale à tendance à s’affaisser avec le temps donc ça va être peut-être plus difficile de la franchir pour les bateaux de tête que pour ceux d’après. La bonne nouvelle, c’est qu’on est sortis de la bande de vent de nord-ouest très fort. On a eu jusqu’à 41 nœuds. Le problème, c’est que la bordure de cette zone de vent a tendance à se décaler légèrement vers l’ouest. Elle avance avec moi. J’ai tendance à en sortir, je ralentis, elle me rattrape donc ça réaccélère. C’est un peu fatiguant, mais paradoxalement, même si l’état de la mer s’est calmé, on peut aller plus vite. Je fais des pointes à 30 nœuds, ça permet d’accélérer assez fort. ».

Alan Roura (HUBLOT) : « On est sortis de la dépression. On a passé une nuit assez compliquée avec beaucoup de mer très courte et jusqu’à 45 nœuds de vent en rafale. Le bateau a bien tenu le coup. Je ferai un tour quand ça se calmera car on a encore des pointes à 30 nœuds. Je suis plutôt content de moi. On n’a rien lâché avec HUBLOT. J’ai appuyé un peu fort sur l’accélérateur à des moments mais ça paie parce qu’on est dans le peloton de tête. Au moment où je vous parle, j’ai Benjamin Ferré sous mon vent et Bureau Vallée légèrement au vent. Ça se tient, c’est cool. Je suis bien usé quand même parce que c’était un départ progressif mais au final, on s’est bien fait attaquer. Je me réjouis de manger un truc chaud, de changer de polaire et de me laver les dents. Je ne lâche rien, à fond ! »

Damien Seguin (Groupe APICIL) : « Je suis situé un plus sud que certains des favoris. Ça vient du fait de mon placement d’avant le passage de la dépression, quand on est allé chercher dans le centre la nuit précédente. Je voulais vraiment la contourner par le sud-ouest pour pouvoir sortir rapidement. C’est ce que j’ai réussi à faire mais par contre, sur ce grand bord dans du vent fort, ça a décalé sud le petit groupe avec qui j’étais. Ce n’est pas un mauvais placement non plus. Avec Sam Davies, on fait quasiment la même route depuis le début. On voit que nos deux bateaux se valent à peu près. On a certainement la même façon de réfléchir aussi. Je ne sais pas trop à quoi va ressembler cette journée, mais on va se rapprocher de la grosse dorsale anticyclonique. Plus on va avancer, moins on va avoir de vent. Ça va être un peu compliqué, il va falloir être patient. Une fois qu’on aura passé ça en début de nuit, on attaquera un bord de portant plutôt engagé pour contourner une nouvelle dépression. Ça durera toute la journée de jeudi. »

Yoann Richomme (IMOCA Paprec Arkéa) : « On est sortis du gros du flux de nord. Ça ne va faire que s’améliorer tout au long de la journée car on va aller se coller dans la dorsale qui va nous donner un petit temps de répit. Ça saute beaucoup. Je me suis un peu retrouvé bloqué dans la bannette pendant 24h parce que c’est plus confortable et moins dangereux pour vivre. Après, ça va se calmer puis on va attaquer le portant, ça sera fort mais un peu moins violent j’espère. La journée ne sera pas vraiment off pour un 1er mai. On va faire pas mal de manœuvres dans la journée. Techniquement, on devrait passer trois voiles en revue. Je crois qu’on va simplifier tout ça parce que ce n’est pas possible d’en faire autant donc je suis toujours en train de cogiter sur comment je vais m’y prendre. Je vais profiter du vent moins fort de la relative tranquillité pour inspecter le bateau, éponger là où il y des fuites, réparer un ou deux trucs. Après, on partira au portant quasi jusqu’aux Etats-Unis. C’est plutôt enthousiasmant. Ce sont des conditions que je connais. Le bateau est fait pour ça. Ça va être plus agréable pour moi. Le paquet est très serré, on ne peut naviguer tranquille, il y a toujours du monde autour du monde. Ça risque d’être intense jusqu’au bout. Pour le moment, je pense arriver le 8 ou le 9 mai à New York. »

Fabrice Amedeo (NEXANS – WEWISE) : « The Transat CIC se révèle fidèle à sa réputation. C’est vraiment engagé. Il se passe plein de choses. Je prends beaucoup de plaisir. Ça se passe très bien sur mon bateau. C’est vraiment une bonne nouvelle. J’ai opté pour une trajectoire plus sud que le reste de la flotte en arrivant au sud-ouest de l’Irlande parce que j’ai voulu un peu couper le fromage vu que mon bateau accélère moins que ceux à foils. Ils sont allés chercher assez haut le centre de la dépression pour ressortir avec un meilleur angle et accélérer. En plus, la trajectoire plus sud m’a permis d’avoir moins de mer que la plupart des camarades qui étaient plus nord. Il y avait une mer assez forte sur le nord de la zone donc je suis assez satisfait de ma route. Il y a eu quelques abandons. Ça appelle à la vigilance. J’ai plutôt tendance à naviguer en bon marin et à faire le dos rond dans les moments difficiles. Cette nuit il y a eu des rafales à 40 nœuds avec 4 mètres de mer assez formée. »

Axel Tréhin (Project Rescue Ocean) : « Les dernières heures de course ont été assez intenses. Je fais le dos rond. Je ne m’amuse pas à renvoyer de la toile quand il n’y a que 25 nœuds parce qu’on a régulièrement 30, voire 37-38 nœuds de vent. Je suis un plus un peu sud que les favoris parce qu’au début je trouvais qu’ils attaquaient fort sous gennaker pour aller dans le nord de de la dépression. Leur positionnement dans la molle du centre fait qu’ils sont sortis à cet endroit. J’ai eu peur de trop taper dedans d’entrée de jeu. Je ne veux pas tout péter. Physiquement ça va, la vie à bord est dure, on ne peut pas trop se déplacer autrement qu’à quatre pattes et il faut toujours se tenir. Manger est un aussi sujet parce qu’il faut réussir à faire descendre ce qu’on avale. Je suis un peu déçu que les autres soient partis comme ça mais c’est le jeu de la régate. La route est longue et je n’ai pas abdiqué. Le passage de la dorsale, je le vois bien. Le petit moment de répit fera du bien au bateau et au bonhomme, ça sera l’occasion de faire un bon tour du bateau. »

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