Yoann Richomme apprend vite les ficelles du solitaire

© Anne Beaugé

Pour un marin dont cette course est la première en solitaire en IMOCA, Yoann Richomme impressionne à bord de son plan Koch/Finot-Conq. Positionné au nord de la flotte, le marin file à 19 nœuds et conserve sa première place au classement. Depuis le départ de Martinique jeudi dernier, le skipper de Paprec Arkéa ne quitte pas le top 5 de ce qui s’avère être une ruée vers l’est des plus spectaculaires.

Dimanche, au moment de contourner la bordure ouest de l’anticyclone des Bermudes, Yoann a choisi de se positionner le plus à l’ouest du groupe des leaders. Un pari qui porte pour l’instant ses fruits. Après un peu moins de cinq jours de mer, Paprec Arkéa reste en tête, malgré le rythme phénoménal donné par ses poursuivants, emmenés par le Britannique Sam Goodchild à bord de For The Planet.

Yoann Richomme, visiblement fatigué, a répondu à la Classe IMOCA, confiant avoir l’impression d’être en train de découvrir les ficelles du métier. « J’apprends les manœuvres en solitaire », déclare-t-il, alors que son bateau file au portant à près de 20 nœuds. « C’est un peu physique mais cela se passe bien. Il y a pas mal d’oiseaux qui tournent autour. Ce n’est pas un mauvais début en solitaire. Les manœuvres sont plutôt réussies. Les voiles sont bien rangées. Le bateau est bien configuré. Je suis assez content de moi. Je ne suis pas trop rouillé », ajoute-t-il en riant.

Parmi ses poursuivants, on trouve également le double vainqueur de la Transat Jacques Vabre, Thomas Ruyant, qui a mis les bouchées doubles dimanche et lundi sur For People, établissant un nouveau record (en attente d’homologation) de distance parcourue en solitaire sur 24 heures, avec pas moins 539,94 milles avalés à une vitesse moyenne de 22,5 nœuds. Il bat ainsi de 3,13 milles le précédent record d’Alex Thomson, invaincu depuis 2017.

Cependant, l’assaut infernal de Thomas Ruyant vers la tête de flotte s’est brutalement interrompu hier, lorsque son bateau a empanné sauvagement, suite à une avarie de safran ; ce qui l’a fait rétrograder en sixième position, à 100 milles du leader.

Pendant l’incident, la grand-voile de For People s’est aussi déchirée et le système de safran a endommagé le pont arrière. Néanmoins, le Nordiste semble maîtriser la situation, comme le confirme son équipe : « Thomas est passé sans transition du rôle de performer à celui de réparateur, mettant temporairement sa course au ralenti ».

Deux places devant Thomas, en quatrième position, navigue un autre marin qui réalise une très grande « première » : Sébastien Simon, aux commandes de son nouveau Groupe Dubreuil (ex-11th Hour Racing Team – Malamā). Le Vendéen, vainqueur de la Solitaire du Figaro 2018, décrit de façon saisissante la violence de ce qu’il est en train de vivre au portant dans la brise.

« Les conditions sont de plus en plus difficiles », lance-t-il. « Au moment où je vous parle, nous avons 25-26 nœuds de vent, mais c’est surtout la mer qui est désagréable. Le bateau a tendance à sauter d’un coup par dessus une vague pour planter dans celle de devant, ce qui rend les choses très violentes. »

« L’eau réussit même à pénétrer dans le bateau lors des chocs quand la vitesse passe brutalement de 30 à 15 nœuds. On s’y attendait un peu et ça va être de pire en pire jusqu’à l’arrivée, car la houle devrait encore forcir », ajoute-t-il.

Comme Yoann, Sébastien trouve que le sommeil est une denrée précieuse mais rare. « J’essaye de faire avancer le bateau à un bon rythme, mais ce n’est pas toujours facile car c’est soit ON, soit OFF », explique-t-il. « J’essaye de me reposer quand je peux, comme la nuit dernière où j’ai pu faire des petites siestes de 20 minutes maximum pour être sur les réglages. »

Nous assistons donc à une traversée de l’Atlantique endiablée ; les leaders étant censés atteindre Lorient dès samedi en fin de journée. En effet, les concurrents utilisent actuellement toute la puissance d’une grosse dépression qui se déplace d’ouest en est, en direction de l’Europe.

Si Yoann Richomme est toujours en tête, il est très exposé sur le flanc nord, avec un écart latéral de près de 150 milles avec Sam Goodchild. Ce dernier réalise un parcours exceptionnel, pour sa toute première course en solo en IMOCA, et cela sur un bateau plus ancien que ses voisins de classement. Le Britannique est, avec Sam Davies, le skipper qui a parcouru le plus de milles cette saison en participant à l’ensemble des courses du Championnat IMOCA Globe Series 2023, à commencer par The Ocean Race. Pour lui, la question est maintenant de savoir s’il peut maintenir ce rythme dans la mer formée de la deuxième partie de course.

Yoann Richomme esquisse la stratégie pour les jours à venir. « Nous avons le début d’une dépression qui s’approche derrière nous et nous allons passer au portant. », explique-t-il. « Ces vents nous amèneront jusqu’aux Açores. Ensuite, le front va passer au-dessus de nous et le vent de sud-ouest va passer nord-ouest, ce qui devrait nous donner un bon angle pour remonter vers la France. Les dépressions vont se succéder, mais nous devrions en attraper qu’une ou deux pour nous propulser vers l’Europe ».

Par ailleurs, le double vainqueur de la Solitaire du Figaro et de la Route du Rhum (en Class40) est bien conscient du risque d’endommager son bateau à la moindre défaillance. « Hier soir, ça bombardait, j’ai quasiment fait des pointages à 20 nœuds, mais ça pouvait rapidement être casse-bateau donc ce n’était pas facile à gérer », déclare-t-il. « C’était un peu stressant. Je voulais vraiment essayer d’appuyer sur l’accélérateur à un moment où je pouvais faire la différence. Je me suis décalé dans le Nord pour retrouver de la pression. Puis, j’ai fini par trouver une configuration de bateau qui me permet d’aller vite sans planter. »

A bord de Groupe Dubreuil (holding internationale qui sponsorise Sébastien Simon), le skipper apprécie la régate actuelle, mais avoue qu’il ne sent pas encore prêt pour aller chercher les leaders. « Devant, la bataille est solide, mais je n’en attendais pas moins d’eux », déclare-t-il à propos de Yoann Richomme, Sam Goodchild et Jérémie Beyou, le leader de la première heure. En effet, le skipper de Charal conserve sa troisième position et se bat sans aériens en tête de mât (instruments permettant de recueillir les informations de vent), ces derniers s’étant arrachés hier.

« Ces skippers sont un peu comme des habitués. Ils ont confiance dans leur bateau et naviguent pour la victoire. Nous n’en sommes pas encore là. Je ne dis pas qu’un jour nous n’y serons pas. C’est notre souhait, mais il ne faut pas brûler les étapes. Nous venons de récupérer le bateau, de construire un nouveau projet et une toute nouvelle équipe avec le Groupe Dubreuil. Nous avons encore beaucoup de travail et un long chemin à parcourir pour y arriver, mais je ne doute pas que nous pourrons attendre notre objectif », conclut-il.

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