La course la plus difficile de l’année ?

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En quittant la chaleur des Antilles pour les températures hivernales de Bretagne, les 32 skippers engagés sur le Retour à La Base s’attaquent sans nul doute à un sacré défi. La série de dépressions de l’Atlantique Nord que les solitaires devront affronter s’annonce en effet particulièrement sollicitante pour les organismes et les bateaux, déjà fortement éprouvés lors de la transatlantique aller. Un parcours aussi exigeant qu’instructif, puisqu’il devrait donner à tous ces prétendants au Vendée Globe un précieux avant-goût des mers du Sud…

« Bravo de vous lancer sur cette course, faites attention à vous, et avec la fatigue extrême, mettez les curseurs au bon endroit ». C’est par ces mots de prudence et d’admiration que le directeur de course du Retour à La Base, Hubert Lemonnier, a conclu le briefing de veille de départ, suivi attentivement par les 30 marins qui prendront, jeudi 30 novembre, la route du retour vers Lorient (Tanguy Le Turquais et Jean Le Cam partiront quelques jours plus tard). Il faut dire que la performance s’annonce particulièrement exigeante, notamment parce que la traversée de l’Atlantique d’Ouest en Est obligera les marins à gagner le Nord, et affronter les dépressions qui s’y forment.

Habitué du circuit IMOCA depuis 16 ans, Arnaud Boissières (La Mie Câline) est le premier à confirmer : « Le Retour à La Base sera extrêmement intense et dur. On a l’habitude de dire que les transats retours sont plus difficiles que les transats aller et c’est souvent vrai ! » Le parcours de 3 500 milles théoriques (6 482 km) reliant la Martinique à la Bretagne revêt en effet plusieurs spécificités, qui dépassent de loin la simple transition « inversée » des épreuves hivernales traditionnelles.

Si troquer shorts et t-shirts contre polaires et cirés n’aura rien d’habituel pour les skippers, c’est avant tout pour ses similitudes avec le grand Sud que la route retour se distingue. « Nous allons quitter les alizés au près avant d’atteindre un flux d’Ouest, engendré par les zones de basses pressions de l’Atlantique Nord, qui nous poussera vers la Bretagne » explique Nicolas Lunven, skipper d’Holcim-PRB.

Le train de dépressions balayant les latitudes septentrionales n’est en effet pas sans rappeler celui des mers australes, que les candidats au prochain Vendée Globe tenteront d’attraper dans moins d’un an. « L’alizé d’Est va nous obliger à faire du près dans un premier temps, de remonter vers le Nord en tribord amure jusqu’au-dessus des Antilles, détaille Yoann Richomme (Paprec Arkéa). Ensuite, on mettra le clignotant à droite vers les Açores où on devrait être poussé par du vent fort de travers et de portant ».

Les choses sérieuses à partir du 4 décembre

Les fichiers météos, quotidiennement scrutés depuis huit jours par la Direction de course, confirment ce schéma. Si le départ devrait être donné dans un alizé modéré de 12-15 nœuds avec seulement un risque de croiser quelques lignes de grains, c’est bien à partir du 4 décembre que les choses sérieuses devraient commencer pour les marins. « Les modèles météorologiques convergent avec la formation d’une première dépression sur la côte Est des Etats-Unis, puis d’une seconde avec un creusement potentiellement rapide et une mer qui se formera, a ainsi averti lors du briefing Basile Rochut, consultant météorologue durant toute la course. C’est cette situation qu’il faudra particulièrement surveiller, avec une forte probabilité de trouver plus de 5 mètres de vague à la position Nord de la première porte. » Dans la foulée, le directeur de course a d’ailleurs informé les marins qu’il se réservait la possibilité de déplacer le point Sud des portes prévues, pour assurer un retour de la flotte en toute sécurité.

Car forcément, l’ascension de l’Atlantique par la face Nord est plus périlleuse et suscite donc un peu d’appréhension parmi les coureurs. « Par son positionnement dans le calendrier et son parcours, ce sera peut-être la course la plus difficile de l’année », reconnaît Romain Attanasio (Fortinet-Best Western). Un avis partagé par Manuel Cousin (Coup de Pouce – Giffard Manutention), toujours marqué par son convoyage retour de la Route du Rhum, pourtant mené tambour battant en équipage : « L’année dernière, on a tous constaté que ça pouvait être très engagé. J’espère qu’on ne sera pas mangés à la même sauce cette année. »

« Une course d’endurance, pas un sprint »

De fait, il faudra donc une bonne gestion de course pour mesurer les risques pris et se frayer un chemin dans ce labyrinthe dépressionnaire. « Nous allons disputer une course d’endurance, pas un sprint » résume ainsi Sam Goodchild (FOR THE PLANET), qui s’apprête à disputer sa première course en solitaire à bord de son IMOCA.

Ce parcours atypique pourrait-il favoriser les bateaux plus anciens de la flotte ? Pour le Néo-Zélandais Conrad Colman, skipper de Mail Boxes etc., il y a assurément une belle carte à jouer pour les bateaux à dérives, dans ce « mélange de près, de dépression et de surfs ». « On s’en sort souvent pas mal dans des conditions mitigées et du vent de face », se réjouit le marin qui entend bien profiter de l’opportunité pour briller.

Si ce n’est pas la performance que tous vont chercher, ce sera au moins l’aspect « galop d’essai », si précieux dans leur préparation au tour du monde de l’an prochain. « Affronter en solo et en hiver l’Atlantique Nord, ce sera vraiment utile pour bien se préparer aux mers du Sud que je ne connais pas encore », songe déjà Antoine Cornic (Human Immobilier). Car en janvier 2025, tous espèrent bien avoir à nouveau à faire cette remontée de l’Atlantique Nord pour achever leur grande boucle vers les Sables d’Olonnes… N’en jetez plus, cette transat’ retour inédite, dont le Top départ résonnera à 12 heures dans la baie de Forte-de-France (17h, heure de Paris) garantit déjà son pesant d’intensité !

Source

Cécile Gutierrez

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