C’est un challenge qui s’annonce fascinant. Traverser l’Atlantique d’Ouest en Est, se confronter aux dépressions de l’Atlantique Nord, regoûter aux frissons du solitaire… Le Retour à La Base s’annonce comme un concentré de ce que la course au large a de meilleur. Un défi sportif aux enjeux en pagaille, dont la volonté partagée par tous de gagner en expérience, en fiabilité, et en sérénité, aussi, puisque dix skippers en profiteront pour valider leur première étape de qualification au Vendée Globe – dont cinq à bord de bateaux neufs qui décrocheraient par la même occasion leur sélection automatique. Et pour ces grands compétiteurs, n’oublions jamais qu’il y a, aussi, une victoire de prestige à aller chercher à l’arrivée.

Le point avec le directeur de course, Hubert Lemonnier.

En quoi le Retour à La Base se distingue-t-il des autres rendez-vous de la saison ?
« Les skippers vont retrouver le solitaire après une année marquée par l’équipage et le double. Il va donc leur falloir retrouver des automatismes et changer leur façon de naviguer, en utilisant notamment beaucoup plus le pilote automatique. Les angles de vent seront aussi un peu différents, la mer devrait être un peu plus formée que dans les alizés qu’ils ont connus à l’aller… Le Retour à La Base permettra à tous les skippers de passer un cap en matière d’expérience. »

En quoi cette transatlantique est-elle déterminante en vue du prochain Vendée Globe ?
« Elle permet déjà à tous de se jauger, à un an de la prochaine édition. Et puis il ne faut pas oublier que tous ceux qui y participeront devront remonter l’Atlantique Nord en hiver (en janvier 2025) avec des conditions similaires. Le Retour à La Base est également important en tant qu’épreuve qualificative, avec un certain nombre de skippers qui entameront là leur processus de qualification. L’avis de course oblige en effet à disputer une transatlantique en solitaire entre 2022 et 2023. Or, plusieurs binômes skipper-bateau ne l’ont pas encore réalisée.
Elle est importante aussi pour la sélection. Certains coureurs, déjà qualifiés en 2022, doivent assurer leur présence au sein des 26 places disponibles via la course aux milles. Les bateaux neufs mis à l’eau cette année doivent quant à eux se qualifier pour bénéficier de la sélection automatique réservée à 13 nouveaux bateaux. »

Quel impact auront ces enjeux sur le scénario de la course ?
« C’est difficile de le savoir avec précision à ce stade. Je suis persuadé qu’il y a chez tous les participants une volonté de bien faire. Si les conditions météorologiques le permettent, ils feront tout pour attaquer et ils ont des bateaux pour y parvenir. Si la météo est plus virulente, l’objectif sera surtout de rentrer à la maison sans casser les bateaux. Mais ces IMOCA sont conçus pour la course et pour attaquer sans dépasser leurs propres zones de sécurité. Personne ne fera la course en mode croisière ! »

Moins de quinze jours après la Transat Jacques Vabre, va-t-on assister à un « match retour » entre Thomas Ruyant (For People), Yoann Richomme (Paprec Arkéa), Sam Goodchild (For The Planet) et Jérémie Beyou (Charal) ?
« Il y a des chances en effet que ce soit le cas, mais ce ne seront pas les seuls à vouloir être dans le match, notamment ceux qui ont été déçus de leur classement sur la transat’ aller. »

Les particularités et spécificités du format et du parcours du Retour à La Base s’annoncent-elles propices aux outsiders ?
« C’est probable ! Ceux qui étaient le plus à l’aise en équipage et en double se sont illustrés pendant toute la saison, mais il y a aussi des skippers qui se sentent mieux et s’expriment davantage en mode solitaire. Ça peut bousculer les équilibres auxquels nous avons assisté lors des dernières courses. »

Est-ce qu’il s’agit d’un vrai galop d’essai pour le Vendée Globe ?
« Totalement. Même s’il est encore trop tôt pour se prononcer en matière de météo, les skippers pourront choisir de se mettre en mode Vendée Globe en suivant les systèmes dépressionnaires avec du vent fort et une mer croisée. Ils pourront aussi mettre le curseur un peu plus bas en matière d’engagement, chercher à toucher moins de vent, à jouer davantage la prudence et la sécurité pour arriver au bout sans encombre. Il s’agit d’un choix qui n’est jamais évident, d’un exercice complexe mais qui se révèle toujours très intéressant. »

Quel est le rôle des deux portes qui ont été déterminées par la direction de course ?
« Ces deux portes sont situées sur la route des bateaux. Elles sont volontairement grandes car elles nous serviront pour établir des classements et des pointages intermédiaires. Et si la météo se détériore, cela pourrait être une solution afin de déterminer un classement final. »

Comment abordes-tu la course en tant que directeur de course ?
« C’est un challenge particulièrement enthousiasmant pour moi et mon équipe, qui sera sensiblement la même pour le Vendée Globe. Nous allons assister à une arrivée en France, en hiver, et voir comment les skippers qui fonctionnaient en double vont repasser en solitaire. Je pense que c’est un bel exercice qui s’annonce intéressant à la fois sportivement et humainement. Et puis cela va me permettre de progresser sur mes méthodes de fonctionnement avec l’ensemble des acteurs impliqués. »

ILS ONT DIT

Samantha Davies (Initiatives Coeur) : « Cela fait super longtemps que je n’ai pas fait une course en solo. La dernière, j’ai cassé mon bateau… J’ai l’impression d’avoir oublié comment faire mais je suis en possession d’un excellent bateau ! Je n’ai pas d’enjeu de milles ou de sélection, je fais cette course pour moi et avec que des cinquième places cette année, je compte bien être dans le match.»

Yoann Richomme (Paprec Arkéa) : « Le bateau est arrivé à Fort-de-France avec quelques dégâts. Mon équipe a fait un travail fabuleux dès son amarrage pour le renforcer.
Ce sera ma première navigation en solitaire en IMOCA et j’ai du coup un véritable enjeu de qualification sur cette course. Si je la termine, je serai plus tranquille l’année prochaine. Ce sera aussi ma première transat’ d’ouest en est avec des conditions proches de celles du Vendée Globe : en allant à l’encontre des dépressions. Ce parcours est particulièrement idéal pour ça. Je compte bien surveiller Jérémie Beyou (Charal) qui a une préparation exemplaire avec une bonne mise au point de leur bateau. Nicolas Lunven (Holcim PRB) aussi, c’est un bateau dangereux, très performant, très léger, avec un skipper calme et déterminé, Samantha Davies aussi, bref, il va y avoir une belle bataille entre nous tous ! »

Benjamin Ferré (Monnoyeur – Duo for a Job) : « Je suis ravi de terminer la saison par cette course en solitaire. Si on suit la course un peu de derrière avec nos bateaux à dérive, on reste dans un objectif de performance tout en racontant des histoires humaines. En ce moment, j’ai l’impression d’être un peu schizophrène : le matin je suis en mode prépa de course, mais j’ai aussi pleins de copains en Class40 qui ne repartent pas et avec qui j’ai envie de profiter. »»

Jérémie Beyou (Charal) : « La première semaine, nous avons pas mal travaillé sur le bateau puis j’ai coupé depuis samedi, sans préparation physique particulière. La Transat Jacques Vabre va tout de même laisser quelques traces. Un départ aussi rapproché entre deux courses, ça a déjà eu lieu, il y a longtemps mais c’est sûr que ça enchaîne ! Il faut faire attention à tout et en même temps ne pas se mettre trop de pression. »

FLASH INFO : 32 SKIPPERS AU DÉPART (et non 33)
Avarie majeure, problèmes logistiques ou raison médicale : huit skippers initialement inscrits au Retour à La Base ont finalement dû renoncer à prendre le départ de la transatlantique retour, qui partira jeudi 30 novembre de Fort-de-France vers Lorient. Récapitulatif des grands absents suite au désistement de Giancarlo Pedote (Prysmian Group).

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