Le spectacle offert ce samedi midi au large de Lorient a été à la hauteur de l’affiche réunie au départ de la grande course au programme des 24H Ultim : superbe ! Chose promise, chose due, les quatre maxi-multicoques, menés en double par des marins comptant parmi les plus fines lames de la course au large, se sont élancés dans un timing parfait, au point qu’il est bien difficile de voir lequel d’entre eux méritent les honneurs de la ligne. « Un départ au cordeau dans les courreaux », commente Christophe Gaumont, président du comité course. « Au moment du départ, il y avait 8-10 nœuds sur une mer plate et sous un grand soleil. Ils sont partis tous alignés, bord à bord comme à la parade, à fond de balle », ajoute de son côté le directeur de course Gildas Morvan. Il n’en faut pas plus pour ces trimarans qui rejoignent vite la piste de décollage au large de Pen-Men (la pointe de nord-ouest de Groix).

C’est parti pour une belle course de vitesse au contact, à bord de ces Ultim qui commencent à déjauger et à faire une jolie démonstration de leur potentiel spectaculaire dès l’entame du grand bord de portant, qui doit les mener jusqu’à Ouessant. Les images sont magnifiques. Elles font le bonheur des spectateurs réunis à bord des très nombreuses embarcations, qui ne rateraient pour rien au monde ce grand show sur l’eau… D’aussi courte durée, soit-il ! Difficile en effet d’imaginer suivre ces paires de skippers qui ont déjà passé la surmultipliée. Une heure plus tard, SVR-Lazartigue, Banque Populaire XI et le Maxi Edmond de Rothschild ont déjà doublé la cardinale sud de la Jument par le travers des Glénan. Leur beau ménage à trois ne fait que commencer, alors qu’Actual Ultim 3, qui fait preuve d’une belle force de résistance, concède déjà un petit retard qui menace de se creuser dans les prochaines heures.

En avant vers Ouessant

Les milles défilent à une vitesse impressionnante dans des conditions pourtant peu propices aux grandes chevauchées. Mais c’est trop vite oublier que ces Ultim volants restent les plus belles machines à créer du vent, dès lors qu’elles attrapent un soupçon de pression dans leurs voiles. Mais le vent, cette précieuse denrée, risque de leur manquer d’ici à demain dimanche, contraignant la direction de course à dessiner un parcours sous la forme d’un quadrilatère raccourci à 340 milles. « Les modèles sont aujourd’hui encore très incertains vis-à-vis de l’arrivée de vents faibles demain. On est en bordure de l’anticyclone qui se situe dans l’est de la France, et un front froid, qui arrive de l’ouest et va se déplacer sur la flotte. En amont, une épaisse bande nuageuse doit perturber l’air. Sous les nuages, la situation va devenir plus compliquée. Le but pour nous c’est de trouver le meilleur compromis pour les faire arriver dans les temps dimanche, avant que la flotte ne se fasse rattraper par cette zone de molle mal définie », justifie Basile Rochut, consultant météorologue avec Christian Dumard.

Pour l’heure, les quatre Ultim progressent dans un flux de sud-est qui promet de se renforcer jusqu’à 15-16 nœuds en approche de la première marque (waypoint Banque Populaire Grand Ouest), située à une petite dizaine de milles dans la sud-ouest d’Ouessant, en mer d’Iroise. Cette ascension, à coups d’empannages le long des côtes, ne manque pas d’enjeux tactiques. « Dans ces conditions, il faut être précis avec des petits détails qui peuvent générer pas mal d’écarts. Quand on va arriver à Penmarc’h et en baie d’Audierne, globalement il y a des cailloux au milieu de la route. Même s’il n’y aura pas forcément des décalages énormes, on peut avoir un premier choix à faire au passage du raz de Sein, avec des bateaux qui s’écartent un peu les uns des autres. », indique Tom Laperche à bord de SVR-Lazartigue. À 14h30, à l’heure d’aborder ce passage, ce dernier ouvre la marche dans 12-13 nœuds de sud, au pas de deux avec le Maxi Edmond de Rothschild : au contact et à vue à plus avec des vitesses oscillant entre 30 et 35 nœuds . Un mot d’ordre : vite, vite profiter du vent, avant demain dimanche…

Ils ont dit au ponton

François Gabart (SVR-Lazartigue) : « Il faudra soigner les trajectoires dès les premières heures de course. Tout l’enjeu sera de trouver le vent. C’est un bel entraînement. Ces 24H Ultim, c’est notre dernière confrontation avant la Transat Jacques Vabre. C’est toujours hyper intéressant de pouvoir répéter vos gammes, de continuer de progresser. Cela fait deux ans qu’on navigue ensemble . Même si sur la Transat Jacques Vabre, il est peu probable qu’on ait ces conditions au départ, quoi que… Mais il y aura sans doute plein de moments avec des vents plus faibles, il faut être capables d’être rapides dans ces conditions là. »

Erwan Israël (Maxi Edmond de Rothschild) : « On a une situation un peu compliquée sur la fin. Si on n’arrive pas au plus tard à midi demain, après il n’y a plus d’air du tout. Cela risque de se jouer là. Le début est super intéressant avec un bord de portant jusqu’à la bouée BPGO, avec quelques empannages à faire le long de la Bretagne. Cela peut être très serré. Les modèles changent encore beaucoup pour la fin du parcours, même si j’ai quand même vu quelques routages exotiques, avec des conditions très aléatoires. Cela peut ouvrir le jeu, avec des bateaux qui partent d’un côté, d’autres de l’autre. On se concentre surtout sur le début où cela va être une course de vitesse au portant dans les petits airs. On sait que des bateaux vont très très vite dans ces conditions. »

Armel Le Cléac’h (Banque Populaire XI) : « Le début de course devrait être assez rapide, en revanche il y a plus d’incertitudes sur la force du vent pendant la deuxième partie de course. Il pourrait donc y avoir un resserrement de la flotte ou une arrivée un peu plus stressante. Aux abords d’Ouessant, il peut y avoir 6-7 nœuds de courant, il faudra en tenir en compte.
Il faudra bien choisir sa trajectoire par rapport au vent, sachant qu’à quelques nœuds près, cela peut créer des écarts de vitesse importants. C’est un jeu d’équilibriste pour garder suffisamment de pression et ne pas se retrouver coincé. Même si cela ne va pas être très rapide en termes de vitesse ou d’intensité, on ne va pas beaucoup dormir car on va faire beaucoup de manœuvres et être beaucoup aux réglages. »

Anthony Marchand (Actual Ultim 3) : « On aura une dizaine de nœuds de vent au départ puis un beau portant qui se renforcera pour rejoindre Ouessant. Ce sera une petite mise en jambe sympa avec des empannages à gérer. Puis du près plus soutenu jusqu’à la deuxième marque. En revanche, la fin de parcours va être plus chaotique, ça va mollir. Ce sera une régate tactique avec des placements à faire, et pas du tout-droit. De notre côté, ce sera une prise en main du bateau. On va essayer d’aller vite avec les copains. Le parcours est assez complet avec pas mal de manœuvres, des empannages, des virements de bord, du reaching, du près. Ça va être intéressant. »

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