Incroyable suspense à deux jours de l’arrivée au Brésil !

© Julien Champolion

A 748 milles d’Itajaí, et après 33 jours de mer et 12 000 milles depuis Cape Town, moins de trois milles seulement séparent ce vendredi matin Holcim-PRB du Français Kevin Escoffier de Team Malizia de l’Allemand Boris Herrmann.

Les deux IMOCA naviguent à vue. Le mano à mano s’apparente à un duel en match racing digne d’une régate de Coupe de l’America… Verdict dimanche 2 avril. Tous remontent plein nord le long de la côte sud-américaine, mais la route est mal pavée, pleine d’incertitudes, avec une météo vicieuse et complexe.

Les vingt marins engagés sur la plus longue étape jamais disputée sur The Ocean Race, cumulent désormais 48 passages du cap Horn. Excusez du peu ! Plus de la moitié l’ont franchi « seulement » pour la première fois. Les nouveaux « diplômés », Justine Mettraux sur 11th Hour Racing Team, Tom Laperche, Sam Goodchild et Julien Champolion sur Holcim-PRB, Paul Meilhat, Anthony Marchand et Ronan Gladu sur Biotherm, et enfin Rosalin Kuiper, Nicolas Lunven, Will Harris, Antoine Auriol sur Team Malizia, sont entrés en début de semaine dans le cercle très restreint des cap horniers. Quant à Simon Fisher (11th Hour Racing Team) et Boris Herrmann (Team Malizia), ils en sont à leur sixième Horn, quand Sam Davies (Biotherm) et Abby Ehler (Holcim-PRB) ont laissé le « cap dur » à bâbord pour la quatrième fois !

Le moment a été tellement désiré depuis des semaines, que même s’il reste 2 000 milles avant Itajaí, on trinque forcément, et on ne manque pas la traditionnelle photo de famille devant le rocher. Kevin Escoffier se voit même offrir un flacon de whisky et un cigare par Abby qui dispute là sa quatrième Ocean Race. Il y a certes de la fatigue sur les visages, mais aussi un sentiment de délivrance. Pourtant, l’après Horn a mauvaise réputation. Si les albatros et autres pétrels réservent un accueil particulier aux marins, virevoltant autour des bateaux, si les sommets enneigés et les lumières sont sublimes, il fait toujours aussi froid, et les grains de neige se succèdent. Team Malizia alors en tête, navigue dans une marmite, avec une mer croisée épouvantable.

L’équipage raconte avoir jusqu’à 55 nœuds de vent, avec des rafales brutales et parfois plus un souffle d’air… Cela n’empêche pas Antoine Auriol, l’Onboard Reporter du bord de faire voler son drone, offrant des images ahurissantes quand le foiler s’envole à 33 nœuds en pointe après le passage du front, et sous les cris de joie de son skipper. Sur Biotherm, l’ambiance est plus tendue. Plus de drones, les deux sont HS. Dans un empannage musclé, un « black-out » complet prive le plan Verdier d’électronique. Plus de capteurs, plus d’instruments, plus de pilote, plus d’écrans… Il faut imaginer le cockpit soudainement éteint. Comme si elle préparait son dériveur pour la régate dominicale, Samantha Davies accroche minutieusement des brins de laines sur les haubans, afin de pouvoir repérer la direction du vent, quand Paul Meilhat est contraint de prendre la barre franche, et tenter de trouver la bonne trajectoire sans la moindre indication ni vision du plan d’eau. Sur ces IMOCA, on navigue désormais un peu comme sur un avion de ligne en IFR, aux instruments…

Les équipages sont clairement fatigués, et les bateaux aussi. Il faudra attendre Itajaí pour en savoir plus sur les maux qu’ont connu ces voiliers poussés comme jamais dans les mers australes. Sur Holcim-PRB, un message sonore passe en boucle. « Alarme de gîte, alarme de gîte… » Branle-bas à bord. On cherche l’origine du problème. Le pilote a été déconnecté, et Kevin Escoffier son skipper doit se faire aider par Sam Goodchild pour maintenir la barre, qui semble aussi dure que celle d’un Sinagot ou un Clipper. Si l’équipage gère remarquablement, le stress est omniprésent.

Quand on voit l’équipage de GUYOT Environnement – Team Europe jouer aux cartes en short sous les alizés, pas besoin d’être un expert pour comparer les conditions de vie entre les marins en course et ceux en convoyage. N’empêche, après son retrait dans la troisième étape, le bateau mené pour l’occasion par Sébastien Simon, – Benjamin Dutreux son skipper ayant regagné la France pour une tournée médiatique – est arrivé hier soir à Itajaí après avoir relevé un sacré défi, entre une réparation express à Cape Town et une transat de 4 000 milles.

Le vainqueur de cette étape de légende de près de 13 000 milles devrait toucher terre samedi 2 avril après plus de 35 jours de mer. Itajaí, second port du Brésil, est habitué des arrivées de grandes courses océaniques. Outre la Transat Jacques Vabre, il a accueilli The Ocean Race déjà trois fois, en 2012, 2014 et 2017. Lors des premières éditions dans les années 1970-1980, les bateaux arrivaient à Rio de Janeiro. Il se murmure qu’au yacht club de la cité carioca, d’anciens membres se souviennent encore des frasques des équipages, mettant tout dessus dessous lors de soirées spécialement arrosées et débridées… Une autre époque.

La fin de cette troisième étape ne s’annonce pas vraiment tranquille, outre l’insoutenable suspense pour la victoire finale. Holcim-PRB et Team Malizia se « traînent » dans une zone de hautes pressions se décalant vers l’est, et ce vendredi naviguent au près quand 11th Hour Racing Team et Biotherm « bombardent » au portant. Une dépression se creuse au large de Buenos Aires. Cette dernière va générer des vents violents de sud-ouest pour les deux leaders, et lever une mer très mauvaise, avec des creux de plus de plus de cinq mètres. Toutes et tous auront bien mérité la caïpirinha une fois à bon port à Itajaí !

Source

The Ocean Race

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