Rosalin Kuiper : une force de la nature

© Rosalin Kuiper

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  • © Antoine Auriol
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Vous n’avez peut-être jamais entendu parler de Rosalin Kuiper avant The Ocean Race mais vous l’avez surement maintenant remarquée. Courageuse et endurante, à la personnalité pétillante, la navigatrice néerlandaise de 27 ans est un membre clef de l’équipage de Boris Herrmann à bord de Malizia.

Ces derniers jours, c’est elle qui, aux côtés du co-skipper britannique Will Harris, a passé des heures en tête de mât, à 29 mètres au-dessus de l’eau, alors que l’équipe s’efforçait de réparer les graves dommages subis par le gréement. Et elle a même pris le temps de faire quelques images.

Cette nouvelle star de The Ocean Race, qui a grandi à Zoetermeer, à l’est de La Haye, a débuté l’Optimist à l’âge de six ans, souvent accompagnée de son chien Takkie. Sportive accomplie, elle participe à des compétitions nationales d’athlétisme et de hockey, puis tombe amoureuse de la voile à 18 ans lors d’un voyage en Australie.

Son inscription au sein de la Team Heiner Youth Academy, dirigée par Roy Heiner, ex-skipper sur la Volvo Ocean Race, marque alors un grand tournant dans sa vie. Elle apprend tous les aspects de la course au large, sa passion, qui devient alors une véritable vocation.

Pendant sept ans, la voile reste son objectif mais elle ne met pas pour autant de côté ses études. Elle obtient un diplôme de psychologie, tout en participant aux grandes classiques, comme la Sydney Hobart Race ou la Middle Sea Race.

The Ocean Race est donc sa première grande course en IMOCA et elle savoure chaque minute passée dans les mers du Sud. Nous nous sommes entretenus avec elle, lors d’un de ses quarts de repos.

Rosalin, tu sembles passer le meilleur moment de ta vie. On nous rappelle souvent que les IMOCA ne sont pas des bateaux confortables mais tu sembles pourtant très à l’aise à bord. Quel est ton secret ?

“C’est vrai, les IMOCA ne sont pas les bateaux les plus confortables au monde mais je me sens comme à la maison grâce aux personnes qui m’entourent. Nous avons un très bon bateau et une routine très stricte à bord depuis le départ… Quatre heures de travail, quatre heures de repos ! Et cela rend la vie très facile car vous savez exactement ce que vous avez à faire.

Je prends mon quart, je me prépare un thé et, au bout d’une demi-heure, je prends le contrôle du pilote automatique et de la gestion de la performance. Je suis d’abord avec Will, puis, au bout de deux heures, Boris prend le relais. C’est comme à la maison. Vous avez vos habitudes, vous dormez, vous préparez votre petit-déjeuner et votre tasse de thé, et ensuite vous partez au travail. C’est pareil en mer donc on se sent un peu comme chez soi.

L’autre chose, c’est qu’il y a une super ambiance. Les quarts avec Boris sont super drôles et tout le monde est très cool. Avec Will, c’est très sympa, et avec Nico (Lunven) et Antoine (Auriol, OBR), j’ai vraiment l’impression d’être en voyage.

C’est comme une aventure avec des copains, on rigole, on discute. En fin de compte, nous avons tous un objectif commun donc nous sommes très soudés. Nous savons que si nous devons être performants ou travailler ensemble, nous le ferons très bien. C’est presque comme une famille, presque comme si je naviguais, non pas avec mes frères, mais avec mes très bons amis. »

Il fait froid, c’est éprouvant et les mouvements peuvent être violents sur ces foilers ?

« C’est vrai, mais même si le bateau est parfois un peu inconfortable, nous avons la chance d’être à l’intérieur. En ce moment, l’eau est à 10 degrés et il fait froid car nous naviguons par 46° Sud. Nous venons juste de monter sur le pont pour changer de voile donc nous sommes gelés, mais c’est tellement confortable de revenir à l’intérieur ensuite. Si je compare cela avec d’autres bateaux, nous sommes plutôt bien logés dans ces conditions. »

C’est la première fois que tu viens dans le “Grand Sud ». Que ressens-tu dans ces immenses étendues sauvages ?

« J’aime vraiment être ici. On ressent vraiment la puissance de la nature et on se rend compte à quel point nous sommes tout petits. Quand on regarde dehors, on éprouve énormément de respect pour la nature et les animaux. Les albatros sont ici chez eux et nous ne sommes que de passage ici. En tant qu’Humains, nous ne pouvons pas survivre ici. Nous avons besoin de la terre et des animaux terrestres. J’ai parfois la langue bien pendue, mais l’océan a une plus grande gueule que moi ! La nature me calme un peu ici.

C’est amusant de constater qu’à mesure que l’on s’éloigne de Cape Town, nous ressemblons de plus en plus à des animaux dans notre façon de vivre. Plus nous sommes loin de la terre, moins nous utilisons des règles terrestres. Tout est un peu plus facile finalement. On navigue, on mange, on fait nos besoins et on dort, c’est tout, et il n’y a pas grand-chose d’autres.

J’aime beaucoup être ici. On se rend bien compte que nous sommes très loin de la terre et qu’il n’y a personne pour venir nous secourir, à part les autres concurrents. Nous gardons donc l’aspect sécurité en permanence en tête. Il ne faut pas tomber à l’eau car nous ne reviendrions pas – il fait trop froid et nous allons trop vite. Tous les sens sont donc en éveil, nous sommes sur le qui-vive, et oui, j’aime ça. »

Il doit y avoir des moments vraiment à part en mer ?

« Oui. Parfois, on fait un quart en solitaire, surtout la nuit. Nous sommes toujours deux à veiller, mais il arrive que l’un d’entre nous aille faire une sieste à l’arrière. La nuit dernière, j’étais seule dans le cockpit, à 26 nœuds de moyenne. J’avais mes écouteurs et j’écoutais ma musique. Je naviguais simplement et c’était juste génial.

Je souriais, je dansais. C’est bon pour le corps de s’étirer et de bouger un peu parce qu’on est très statiques sur le bateau. J’ai pu respirer à nouveau. J’étais si heureuse d’avoir l’endroit pour moi toute seule et j’ai réalisé à quel point j’aime cela, et à quel point j’aime être en mer.

Il y avait en plus une lune magnifique, les étoiles, les paquets de mer sur la casquette… C’était tout simplement magique. Je ne pourrais pas être plus heureuse que maintenant. »

Merci Rosalin d’avoir partagé ces expériences et bonne chance pour la suite du voyage vers le Brésil.

Source

Julia Huvé

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