La saga d’une « French Touch » autour du globe

  • © DR / The Ocean Race
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Dans le second volet de cette série consacrée à l’histoire des Français dans le tour du monde en équipage, l’IMOCA et The Ocean Race revisitent l’évolution technologique de la course, la première victoire tricolore en 1985-86 et la vocation naissante d’un certain Franck Cammas.

La victoire du Mexicain Ramon Carlin en 1973-74 sur le Swan 65 Sayula II a fait des émules. Un riche industriel néerlandais, Cornelis « Conny » Van Rietschoten, lance la construction d’un ketch de 20 mètres signé Sparkman and Stephens, design proche de Sayula, mais construit en aluminium. Baptisé Flyer, le ketch remporte la seconde Whitbread Round the World Race (1977-78) en 119 jours.

La course passionne alors de jeunes architectes, à l’image des Néo-zélandais Ron Holland et Bruce Farr, des Français Philippe Briand, Gilles Vaton, Michel Joubert, Bernard Nivelt, ou encore de l’Argentin German Frers. Le tour du monde est non seulement un formidable laboratoire technologique, mais aussi une sacrée vitrine pour les grands chantiers de croisière que sont Nautor, Bénéteau, Jeanneau, Hallberg Rassy… C’est à cette époque que l’on voit apparaître notamment les jupes, les gréements fractionnés, le hale-bas rigide, les cloisons en nid d’abeille, les doubles barres à roue…

En 1981, « Conny » remet son titre en jeu avec un nouveau bateau : Flyer II dessiné cette fois par German Frers. Plus grand (23,16 m), ce sloop illustre la tendance du moment, celle d’armer un maxi IOR (International Offshore Rule) pour gagner à la fois en temps réel et en temps compensé. Dans son équipage, on trouve le Français Daniel Wlochovski en charge de la navigation, ou encore un jeune Néo-zélandais de vingt ans, Grant Dalton, qui a aussi conçu les voiles.

Crise cardiaque dans les mers du Sud

Pourtant, dans le Pacifique Sud, « Conny » frôle le drame. Victime d’une crise cardiaque, le skipper interdit à son équipage de divulguer l’information, et refuse que le médecin du bord contacte un confrère – un cardiologue embarqué sur Ceramco New Zealand, skippé par Peter Blake. « Les Kiwis étaient sur nos talons » racontera « Conny » à son arrivée. « S’ils avaient su que j’avais un problème de santé, ils auraient poussé d’autant plus. » « Conny » Van Rietschoten se requinque… un miracle. Et Flyer II remporte la course, s’imposant de justesse devant le Français Alain Gabbay sur Charles Heidsieck III, redoutable plan Vaton, et Kriter IX mené par André Viant. « Conny » reste encore le seul skipper de l’histoire de The Ocean Race à avoir remporté deux éditions, et de suite !

Surnommés les Glandos… et pourtant

Trois Bretons entre 18 et 21 ans surnommés les Glandos, rêvent aussi de cette course de légende. Autour de Gabriel Guilly, ils construisent un « petit » prototype de moins de quinze mètres dans un hangar à Étel. Il est dessiné par le duo Joubert-Nivelt et baptisé Mor Bihan. Les trois lascars lancent une souscription, suscitent l’empathie, sollicitent et séduisent des marins réputés : Eugène Riguidel, Philippe Poupon, Jean-François Coste, Halvard Mabire, Jean-François Le Mennec… Mor Bihan rend presque dix mètres à Flyer II. Il va pourtant s’imposer en temps compensé dans la mythique troisième étape entre Auckland et Mar del Plata. Eugène Riguidel, skipper lors de cette victoire via le Horn, dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas : « de toute façon, je considère qu’une course mettant aux prises des bateaux si différents est condamnée. Une épreuve à rating fixe par catégories, serait beaucoup mieux… » L’histoire lui donnera raison moins de quinze ans plus tard avec l’arrivée des VOR 60.

1986, Lionel Péan plutôt qu’Éric Tabarly

« Les médias et les autorités en veulent alors beaucoup à Bull – société française nationalisée, spécialisée dans l’informatique professionnelle – de me préférer à Éric Tabarly pour sa troisième participation » rappelle Lionel Péan. Tabarly veut un maxi – il va faire construire Côte d’Or (25m) – et Bull trouve que, en référence à leur slogan « L’Esprit d’Équipe », le double vainqueur de l’Ostar a une image trop marquée solitaire.

Lionel Péan poursuit : « Je me suis rendu compte que la Whitbread ne se gagnait pas avec les bateaux les plus rapides, mais avec ceux qui marchaient bien dans leur handicap. Quand nous rachetons 33 Export dessiné par Philippe Briand, on lui coupe les ailes. » Les deux complices se connaissent très bien et s’apprécient. Il faut dire que Lionel a été dans le même lycée que Philippe à La Rochelle. « Il fallait augmenter la flottaison par rapport aux bosses de jauge. Nous avons gardé la même voilure et augmenté la surface de la quille, ce qui permettait d’être très polyvalent à toutes les allures. Il ne faut pas oublier que nous avions encore des voiles en Dacron. Il n’y avait pas encore vraiment de carbone dans les bateaux. On était également avec des drisses mixtes en câble-textile. »

Le robuste skipper embarque un commando de sept jeunes marins. Lui est hors-quart, tout comme l’équipier aux fourneaux qui tourne chaque jour. « On a fait l’Atlantique à l’aller et au retour à 7,8 nœuds de moyenne, et les deux étapes Cape Town-Auckland et Auckland-Punta del Este à 9,8 nœuds, et ce sur un bateau de seulement 56 pieds datant de 1981. Aujourd’hui, quand on voit les performances des IMOCA, j’ai l’impression que nos bateaux c’était « Rétromobile » ! Tous avaient embarqué de lourds packs d’eau minérale, et des conserves à gogo, et nous étions les seuls à être partis avec seulement un dessalinisateur industriel. Cela suffisait pour produire notre eau et préparer les lyophilisés. En IOR, les bateaux étaient jaugés vides, et donc il fallait diminuer le poids. »

Dix-sept jours sans voir l’horizon

« C’est le début du Satnav, et quand ça marche, on a un point toutes les quatre heures environ… Dans le grand Sud au départ d’Auckland, nous passons 17 jours dans la purée de pois totale. Impossible de sortir le sextant. » Avant de quitter la Nouvelle Zélande, Péan a embarqué cinq spis de plus, soit onze au total. A l’issue d’un tour du monde remarquablement mené, Lionel Péan et son équipage deviennent en 1986 les premiers Français vainqueurs de la Whitbread et en 111 jours.

Il découvre la voile suite au livre de Tabarly dans la Whitbread

Depuis sa création en 1973, la Whitbread fait rêver toute une génération de marins à travers le monde. C’est le cas d’un jeune collégien, né un an avant la première édition, qui adore flâner dans une librairie d’Aix-en-Provence après les cours. Il tombe sur un livre « Le tour du monde de Pen Duick VI » par Éric Tabarly, se le fait offrir par son père. « Je n’avais jamais fait de voile de ma vie et je ne comprenais pas grand-chose, car il y avait beaucoup de termes techniques. Je l’ai relu trois ou quatre fois durant l’été où nous passions nos vacances dans les Alpes… avec un dictionnaire à côté. Ce livre m’a tellement fait rêver que j’ai tanné mes parents qui étaient plus montagne que mer, pour qu’ils m’inscrivent à un stage d’Optimist à Marseille. »

Ce gamin qui n’a pas dix ans, se nomme Franck Cammas. Dès ses premiers bords, il est envouté, impressionne par la vitesse avec laquelle il apprend. « Assez vite, je me suis dit que le top du top, c’était de disputer un jour cette course. » Après sa victoire sur le Trophée Jules Verne et la Route du Rhum en 2010, l’Aixois se prépare à s’aligner sur la plus prestigieuse des courses autour du monde, la Volvo Ocean Race. En vue du départ fin 2011, il acquiert le bateau vainqueur de l’édition précédente Ericsson. Il s’entoure de spécialistes de l’épreuve dont nombre d’Anglo-saxons, afin de mieux appréhender les subtilités de cette épreuve unique, constitue un équipage mêlant spécialistes de la course autour du monde, de la Solitaire du Figaro et de la régate au contact. Il lance un nouveau bateau Groupama 4 avec l’équipe de designers qui l’accompagne depuis plusieurs années ainsi que l’architecte franco-argentin Juan Kouyoumdjian, qui a notamment effectué un stage chez Philippe Briand lors de ses études d’architecture navale.

Groupama 4 skippé par Franck Cammas remporte la Volvo Ocean Race 2011-12 alors que l’équipage français participait pour la première fois au tour du monde. © Paul Todd/Volvo AB
Les mercenaires habitués du tour du monde en équipage ne se méfient pas de ce marin ayant déjà beaucoup gagné en solitaire, mais qui découvre un monde qu’il ne connait pas, et qui lors de la première étape, est en encore en mode découverte. Au fil des milles, Groupama 4 évolue et affiche ses prétentions avant de prendre la tête, remportant aussi la huitième et avant-dernière étape entre Lisbonne et Lorient…

Quand durant l’escale française, les équipages étrangers vont jouer au golf ou prennent du bon temps, Cammas et sa bande optimisent encore leur bateau, allant jusqu’à scier les marches de la descente pour gagner quelques grammes supplémentaires avant l’ultime sprint vers Galway. Les Français s’imposent avec brio, et Franck Cammas remporte ainsi la Volvo Ocean Race qui n’a jamais pu sourire à son idole Éric Tabarly.

A son bord, il y a alors un certain Charles Caudrelier, barreur-régleur, qui va prendre du galon par la suite et devenir le skipper de Dongfeng Race Team, financé par des Chinois, et gagner à son tour, deux éditions plus tard (2017-18) à la tête d’un équipage très cosmopolite.

THE OCEAN RACE 2022-23 – CALENDRIER DE LA COURSE

  • À confirmer – Prologue : septembre à décembre 2022
  • Alicante, Espagne – Départ de l’étape 1 : 15 janvier 2023
  • Cap Vert – ETA : 22 janvier ; départ de l’étape 2 : 25 janvier
  • Le Cap, Afrique du Sud – ETA : 9 février ; départ de l’étape 3 : 26/27 février (à confirmer)
  • Itajaí, Brésil – ETA : 1 avril ; départ de l’étape 4 : 23 avril
  • Newport, RI, USA – ETA : 10 mai ; départ de l’étape 5 : 21 mai
  • Aarhus, Danemark – ETA : 30 mai ; départ de l’étape 6 : 8 juin
  • Kiel, Allemagne (Fly-By) – 9 juin
  • La Haye, Pays-Bas – ETA : 11 juin ; départ de l’étape 7 : 15 juin
  • Gênes, Italie – Le Grand Finale – ETA : 25 juin, 2023; In-Port Race finale : 1 juillet 2023

Source

Volvo Ocean Race

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