Cap sur les Antilles !

© Vincent Olivaud

Comme prévu, le coup d’envoi de la seconde étape de la 23e Mini Transat EuroChef a été donné ce vendredi à 16 heures (heure de Paris). Propulsés par un faible flux de nord-est, les 86 concurrents (abandon de Lina Rixgens – 982 Avanade ce jour ) toujours en lice dans l’épreuve ont alors quitté Santa Cruz de La Palma pour rejoindre Saint-François avec, devant leurs étraves, un morceau de 2 700 milles mais aussi et surtout de nombreuses inconnues. Des inconnues liées à l’exercice en lui-même pour des navigateurs qui, pour la grande majorité, traversent l’Atlantique pour la toute première fois, mais aussi des inconnues liées à la météo. Car outre les dévents des îles Canariennes, les solitaires vont aussi devoir composer avec des alizés mal établis et les nombreuses incertitudes que cette situation génère.

Sans surprise, c’est dans de tous petits airs (entre 4 et 5 nœuds de vent de secteur nord-est) que le départ de la deuxième étape de la 23e édition de la Mini Transat EuroChef a été donné ce vendredi après-midi, au large de Santa Cruz de La Palma. D’emblée le ton a donc été donné pour les solitaires qui vont devoir faire preuve de patience et d’opportunisme lors des prochaines 24-36 heures pour s’extraire de l’archipel des Canaries. L’enjeu ? Réussir à déjouer au mieux les dévents des îles, et en particulier celui de Tenerife dont le point culminant s’élève à 3 715 mètres d’altitude. « Les effets du Teide se font ressentir à plus de 60 milles. Les Ministes vont devoir essayer de trouver le meilleur passage entre la Gomera et El Hierro qu’ils ont l’obligation de laisser à tribord. Ce ne sera pas si facile, d’autant qu’ils vont aussi devoir composer avec de nombreuses zones de molles et des alizés mal établis », explique Christian Dumard, consultant météo de la course. Dans ce contexte un peu délicat, quelques surprises sont évidemment à prévoir, de même que de premiers écarts significatifs. « Il va falloir être bien dessus. La nuit prochaine risque d’être très importante », a assuré Tanguy Bouroullec (969 – Tollec MP/Pogo), actuel leader au classement des Proto avec moins de 1h10 d’avance sur Fabio Muzzolini (945 – Tartine sans Beurre) et Pierre Le Roy (1019 – TeamWork), mais aussi moins de 10 heures de bonus sur Irina Gracheva (800 – Path), la navigatrice russe qui pourrait bien tirer remarquablement son épingle du jeu sur les premiers milles du tracé. « Les conditions sont parfaites pour moi et surtout parfaites pour mon bateau. Je sais que j’ai une carte à jouer dans le petit temps, même si je ne perds pas de vue que lorsque c’est très faible et très instable, tout le monde est susceptible de se faire piéger ou de commettre une grosse bêtise. C’est, dans tous les cas, très challengeant pour moi », a expliqué la skipper qui a déjà, et à de nombreuses reprises, montré qu’elle était absolument redoutable dans les petits airs.

Savoir se montrer zen et malin

« D’emblée, le jeu promet d’être assez ouvert. Il va falloir se montrer vif et opportuniste car une erreur va vite pouvoir se payer assez cher, de la même façon qu’une bonne option va vite pouvoir faire gagner beaucoup », a confirmé de son côté Léo Debiesse (966 – Les Alphas), particulièrement à l’aise, lui aussi, dans la pétole. « Ce sera forcément un plus de sortir de l’archipel dans le groupe de tête mais la course sera encore très longue ensuite. Même si quelqu’un se démarque dans les heures qui viennent, ça ne va pas boucler la course pour autant. Je pense que ça va beaucoup se jouer dans la tête. Il va falloir être solide jusqu’au bout », assure le Lozérien. Même son de cloche ou presque du côté de sa concurrente Anne-Claire Le Berre (1005 – Rendez-Vous Equilibre), auteur du meilleur départ cet après-midi. « Il est certain que dans un premier temps, la sortie des îles canariennes risque d’être un peu compliquée mais au-delà de ça, et quoi qu’il se passe la nuit prochaine, le jeu sera très ouvert derrière. A mon sens, le point clef sera dans cinq-six jours quand nous aurons plus de visibilité sur la deuxième partie de la course. Aujourd’hui, elle est assez incertaine vu que les alizés ne sont pas tout à fait établis, mais il y aura, à un moment donné, un choix à faire sur la route à prendre », a détaillé la régatière.

En route pour l’inconnu

De fait, d’ici quelques jours, après avoir dans un premier temps continué leur descente vers le sud, les Ministes n’auront d’autres choix que d’obliquer leurs trajectoires à droite pour rejoindre l’arc Antillais. Les uns et les autres devront alors trouver pour le meilleur compromis entre aller vite et faire le moins de route possible. « Il faudra composer en fonction de la météo que l’on recevra tous les jours via la BLU. Une chose est sûre : il va y avoir différentes options. Le but du jeu sera non seulement de faire les bons choix stratégiques mais aussi de réussir à aller vite longtemps », a ajouté Tanguy Bouroullec. Si lui pourra s’appuyer sur l’expérience de ses deux premières participations à la course, ce ne sera pas le cas de la grande majorité de la flotte qui, elle, s’apprête à traverser l’Atlantique pour la toute première fois, non sans quelques appréhensions. « Comme beaucoup, je ne sais pas à quoi m’attendre car je ne connais pas là où je vais. L’inconnu, c’est d’ailleurs précisément ce que l’on vient tous un peu chercher. C’est un défi avec soi-même. Arriver de l’autre côté et l’avoir fait, ce sera une belle chose. Aujourd’hui c’est un sentiment plus fort que le sportif. C’est un an et demi de projet qui se résume ou du moins qui prend forme », a relaté Anne-Claire Le Berre qui résume ainsi à la perfection le sentiment de la quasi-totalité de ses concurrents.

A noter :

  • Lina Rixgens (982 – Avanade) a officiellement signifié son abandon à la Direction de course. L’Allemande a en effet constaté un problème de liaison quille-bulbe. Un problème qu’elle a tenté de solutionner avant de se résigner à jeter l’éponge. C’est évidemment une grosse déception pour la navigatrice, déjà contrariée par des soucis de ferrures de safran lors de la première étape.
  • Tanguy Aulagnier (986 – La Chaîne de l’Espoir) est entré en collision avec Camille Bertel (900 – Cap Ingelec) lors de la phase de départ, endommageant alors l’étrave de son Ofcet 6.50. Le skipper a rapidement procéder à la sortie son bateau afin de pouvoir évaluer l’étendue des dégâts et ainsi définir la suite à donner à sa course.
  • Pila Pasanau (240 – Gemese – Peter Punk) a fait demi-tour peu après le coup d’envoi de cette deuxième étape après avoir détecté des problèmes de pilote automatique. L’Espagnole tente, si cela est possible, de trouver une solution avant de reprendre la mer.

Ils ont dit :

Hugo Dhallenne (979 – YC Saint Lunaire) :

« J’ai vraiment hâte de partir. Je veux faire au mieux et arriver le plus vite possible. Sur la première étape, j’ai navigué pied au plancher sans trop ménager la monture, je l’avoue. Sur cette deuxième, le projet est un peu le même. Je compte naviguer à fond en espérant que la machine et le bonhomme tiennent jusqu’au bout. La météo est bien tordue donc il va falloir au mieux avec ce qu’on a. Les modèles sont assez raccords les premiers jours mais ensuite, il va falloir opter pour une route nord ou pour une route sud en fonction des bulletins météo que l’on va recevoir à la BLU, et ça va être un choix déterminant. Je vais faire ma course sans me préoccuper des autres. Je ne vais pas aller marquer les copains parce que de toutes façons, en Mini, on n’a pas assez de moyens techniques pour savoir où ils sont. J’ai vraiment hâte de partir et hâte d’arriver ! »

Melwin Fink (920 – SignForCom) :

« Je me suis super excité et super motivé pour cette deuxième étape. J’ai réussi à vraiment bien me reposer. Trois semaines d’escale, ça a été long, peut-être même un peu trop. Je suis vraiment très content de repartir en mer et de mettre le cap sur les Caraïbes. On part pour une manche totalement différente de la première. Celle-ci va être plus longue mais aussi plus ouverte sur le plan stratégique. Les points sont remis à zéro ou presque, et c’est très stimulant. J’espère m’amuser, finir évidemment, et faire une belle place. Je suis focus sur la course. J’ai essayé de préparer mon bateau au mieux et j’ai été bien entouré pour ça. A présent, tout dépend de moi ou presque ! »

Pierre Le Roy (1019 – TeamWork) :

« Je ressens pas mal de stress car la météo est assez complexe avec des options vraiment tranchées qui risquent de faire mal si on se trompe. On est trois quasiment à égalité à l’issue de la première étape. On sait donc que la Mini Transat va se gagner sur cette deuxième manche. C’est incroyable. En plus, je pense que l’on va se perdre assez rapidement. Au bout de deux ou trois jours, on ne se verra plus les uns et les autres. Il va falloir faire sa route, bien naviguer et puis on verra à l’arrivée. Je sais la manière dont je fonctionne. Je réfléchis longtemps pour être sûr à 200% de ce que je veux faire, même s’il y a toujours une part d’incertitude. Je sais que je ne vais pas faire marche-arrière dans mes décisions. A l’arrivée, soit je serai content soit je me serai planté, mais j’assumerai. Je pense que je ne regretterais rien si j’ai fait mon analyse jusqu’au bout. La satisfaction à l’arrivée sera là dans tous les cas si j’ai la sensation d’avoir bien navigué mais je vise la victoire, c’est clair.

Christian Kargl (980 – All Hands On Deck) :

« Le jeu s’annonce très ouvert et je suis super impatient d’en découdre de nouveau. Ma troisième place dans la première étape a été un peu inattendue pour moi et je vais devoir bien bosser pour rester aux avant-postes car j’ai en face de moi des adversaires à la fois jeunes et particulièrement motivés. Je suis le « vieux » de la bande mais je compte bien tout donner pour rester au contact avec les autres du début à la fin. Il va falloir faire les bons choix et avoir une stratégie à long terme. Ce ne sera pas facile de trouver le meilleur compromis entre aller vite et ne pas trop rallonger la route mais ça va être intéressant. Il va sans doute y avoir des options très différentes au sein de la flotte mais on ne pourra faire les comptes qu’une fois arrivés de l’autre côté. Je n’ai rien à me prouver à moi-même mais je veux montrer aux autres que malgré mon âge je ne suis pas si rouillé que ça, et que je suis capable de signer une nouvelle place dans le Top 3 ».

Fabio Muzzolini (945 – Tartine sans Beurre) :

« Le podium en Proto reste ouvert et en plus la météo ne devrait pas favoriser les deux bateaux les plus puissants. Du coup, j’ai tendance à croire que tout est possible. On verra bien en Guadeloupe. Je pense qu’au départ la flotte va être groupée. Ça va être intéressant à jouer même s’il va y avoir de bons pièges, avec notamment des zones où il y aura très peu de vent. Les cinq premiers jours risquent s’être dangereux et je n’imagine même pas le tableau si je reste coincé et que je vois les autres partir. Ça peut mettre une mauvaise ambiance à bord. On part pour quinze jours de mer. Je pense que je prendrai la mesure du truc le moment venu. Sur la première étape, j’ai rapidement réussi à rentrer dans ma course. Je vais essayer de faire pareil sur celle-ci. Contrairement à il y a deux ans, cette année j’y vais moins pour le côté aventure. J’ai vraiment dédié toute ma préparation à cette Mini Transat et tous mes choix stratégiques seront faits pour me donner à fond. Je serais content si je suis toujours sur le podium à l’arrivée. »

Basile Bourgnon (975 – Edenred) :

« J’ai les crocs. L’esprit de vengeance par rapport à la première étape est bien présent donc j’espère que celle-ci va être différente. Ce ne sont pas des conditions météo habituelles pour une transat mais ça offre plein d’opportunités et notamment la possibilité de revenir si on est derrière. Ça va être fatiguant et assez long. Le fait d’être seul et longtemps en mer ne me dérange pas. J’espère ne pas arriver à court de nourriture et d’eau. Et puis j’espère qu’il y aura quand même un peu de vent pour aller vite car c’est une course. Ces conditions font que tout est encore possible. Je pense que je ne vais pas trop écouter les classements les premiers jours pour éviter d’avoir un mental sinusoïdal mais il est certain qu’il va falloir faire les bons choix. Je n’écouterai pas le classement lors de premiers jours pour ne pas me faire influencer je pense. »

Arno Biston (551 – Bahia Express) :

« Ça fait plaisir de partir sur la deuxième étape. C’est ce qu’on est venu chercher. Après, on n’a pas les conditions d’une transat donc c’est un peu dommage quand même. Il faudra peut-être revenir une autre année pour ça ! (Rires) On verra bien. Pour ma part, je suis un peu plus stressé que pour la première étape parce que j’ai vu que je pouvais marcher. J’ai donc envie de faire mieux et de ne pas laisser partir les copains cette fois-ci. Là, il va falloir partir vite et rester devant. C’est le mot d’ordre. Tout le monde a vraiment envie d’y aller. Personnellement, c’est mon cas depuis qu’on est arrivé. Les autres, je ne sais pas dire ce qu’ils ont dans leurs têtes mais pour moi c’est clair, j’ai hâte de repartir même si c’est très joli ici. »

Brieuc Lebec (914 – Velotrade) :

« Mine de rien, trois semaines d’escale, c’est long. Ça fait un moment qu’on a envie de partir. En ce qui me concerne, j’avais déjà envie de repartir quand j’ai passé la ligne d’arrivée pour essayer de prendre ma revanche. Je suis donc bien content d’y aller et en plus ça va être une étape longue donc on va pouvoir en profiter pendant longtemps. J’ai envie de me faire plaisir et de bien naviguer. Dès le début, il faudra gérer le contournement des îles des Canaries avec les dévents puis aller chercher de la pression et faire un jibe au bon moment. Ensuite, et bien il faudra gérer l’inconnu. On va se focaliser sur le début de l’étape sans penser au reste. »

Source

Perrine Vangile

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