La cavalcade des géants

© Jean-Marie Liot/Alea

Ce qui s’imaginait se voit désormais : sur son foil valide, Charlie Dalin va vite. Cap plein nord, au reaching, le skipper d’Apivia a avancé à 20,2 noeuds de moyenne cette nuit, reprenant la tête des mains de Louis Burton (Bureau Vallée 2). Leurs routes vont se croiser d’ici peu. Mais ce croisement n’est qu’un des éléments du scénario jouissif de cette fin de Vendée Globe.

A haute vitesse, le peloton de tête a escaladé l’Atlantique Nord, cette nuit. Le souffle court, le cerveau fumant, les épaules en tension permanente, les neuf marins de tête exploitent autant qu’ils le peuvent les conditions qu’ils ont choisies ou qui se présentent à eux.

Rude combat pour le trône

Hier en fin d’après-midi, Charlie Dalin a été le dernier à empanner, depuis une position plus à l’est que le reste de la meute. Au reaching, en appui sur son foil valide, Apivia fait parler sa vitesse, qui se révèle supérieure dans ce vent de sud-ouest de 17 noeuds (fichiers) et des vagues de 3,4 mètres de trois-quarts face. Entre le classement de 21 heures et celui de ce premier jour d’une semaine qui verra s’écrire quelques lignes pour la postérité, Charlie Dalin a progressé à 20,2 nœuds de moyenne et une vitesse de rapprochement au but tout à fait honorable (16,2 nœuds) compte tenu de son cap, résolument nord.

Calé sur une route plein est, Louis Burton (Bureau Vallée 2), Boris Herrmann (SeaExplorer – Yacht Club de Monaco) et Thomas Ruyant (LinkedOut) n’ont pas encore trop de choses à lui envier. Le premier est à 32 milles au classement, à l’avant du front, avec des vents plus forts à venir ; le deuxième maintient un écart (69,2 milles) qui conviendrait tout à fait à ses 6 heures de compensation si les conditions de navigation restaient stables jusqu’au bout ; et le troisième de cette liste (en attendant mieux ?) est revenu se glisser dans la lutte pour les places d’honneur au prix d’un magnifique entêtement.

Changements de stratégies ?

Il faudra cependant surveiller les classements à venir pour voir si ce qui s’est écrit cette nuit se confirme. Car le différentiel de vitesse entre le re-nouveau leader et ses adversaires est assez marqué : 20,2 nœuds, donc, contre 13,2 entre deux classements pour Louis Burton, 15,4 pour Boris Herrmann, 13,0 nœuds pour Thomas Ruyant.

Si cette tendance devait se maintenir, Charlie Dalin pourrait croiser assez largement devant ses concurrents. Pour quelle route par la suite ? Par la pointe du cap Finisterre, comme pressenti depuis deux jours ? Par la Bretagne, Belle-Île-en-Mer et l’île d’Yeu comme le suggèrent des routages, façon de profiter au maximum du bâbord amures qui lui est favorable ? S’il devait réempanner dans ces heures matinales, se dessinerait alors son choix d’une route par le cap Finisterre.

Bestaven saisit sa chance

Depuis trois ou quatre jours, la publication de chaque classement frappe l’instant, stimule le calcul mental et soulève un nuage de suppositions. Ce jeu de l’esprit confère à la trajectoire de Yannick Bestaven une aura supérieure encore à ce que mérite sa cinquième place actuelle, prise à nu. 2e plus rapide de la nuit, avec une moyenne de 18,2 nœuds, cap plein Est, le skipper de Maître CoQ IV compte 231,9 milles de retard sur le patron. Un retard qui devrait tendre à s’amenuiser ce lundi et plus encore ce mardi : calé à l’avant du front dépressionnaire, Maître CoQ va se jucher sur ses ergots et gagner du terrain. Jusqu’à ce que ses 10h15 de compensation soient en mesure de bouleverser le classement ?

Il n’y a rien d’évident à prendre du recul quand on fonce tête baissée. Ni le corps ni l’esprit n’ont des facultés de souplesse suffisantes pour s’astreindre à une telle gesticulation. Il est sans doute impossible pour les cinq (six ?) prétendants à la victoire de réaliser que ce qui s’écrit collectivement illumine ce Vendée Globe d’une dimension supérieure encore à la conquête du Graal, que chacun mène dans son coin, sur sa route et avec ce qu’il lui reste de moyens. Pourtant, ce que les acteurs sont en train de réciter est majuscule, et magistral.

Le combat des princes

Légèrement en retrait de cette lutte pour le trône, les princes du golfe de Gascogne n’abdiqueront pas. A 296,6 milles de la tête, Damien Seguin concrétise en deux mois et demi ce que des messages séculaires et six ans de RSE n’ont pas réussi à faire aboutir, à savoir prouver que ce n’est pas parce qu’on part avec un handicap qu’on est handicapé. Lui l’est, pourtant, depuis un mois, par la perte de ses voiles de portant VMG, et il reste à une bonne demi-journée de mer des leaders – une broutille au 78e jour de mer. Giancarlo Pedote, à 374 milles, magnifie cette Europe qui navigue et porte haut et clair la voie de la classe Mini. Le roi Jean va faire recalculer l’âge légal de la retraite tant sa démonstration d’intelligence, d’abnégation, de finesse de navigateur régale le plan d’eau planétaire depuis le 8 novembre. Le voici toujours postulant au podium, à 61 ans, juché droit sur sa 8e place, à 556,6 milles de la tête.

A moins de 1000 milles, Benjamin Dutreux (OMIA – Water Family) et Maxime Sorel (V and B – Mayenne) revendiquent le droit d’exister pleinement dans cette classe IMOCA. Cette nouvelle génération qui a emprunté les voies de traverse manifeste aussi des compétences de marins solitaires et d’animateurs des débats.

Sacrées transitions

Plus loin, depuis cette zone de transition dont il tarde à se dépatouiller, Armel Tripon lance un appel à considérer que chaque jour est un cadeau. Clarisse Crémer, 12e, a repris de la vitesse à la faveur de la nuit (12,5 nœuds) alors qu’elle présente l’étrave de Banque Populaire à l’entrée de la zone de transition. Après quasiment 48 heures de captivité, Romain Attanasio (Pure Best Western) en est en passe de s’extirper du pot au noir qui l’a enfermé pendant deux jours, à moins de 4 nœuds de vitesse. Et comme il a senti qu’il risquait de se faire engueuler, ce même pot au noir a choisi de se montrer un peu plus raisonnable à l’avant de Charal, qui a franchi l’équateur ce matin. En ce lundi matin, il apparaît moins épais que les jours derniers. Mais faut-il vraiment lui faire confiance ?

Arnaud Boissières, Alan Roura et Stéphane le Diraison ont touché des alizés de sud plus stables, et ils cavalent à bonne allure, de 17,5 nœuds au nord des côtes brésilienne à 15,2 nœuds dans le sud. Pip Hare se retrouve désormais dans le tableau arrière de Time for Oceans, talonnée par Kojiro Shiraishi et poursuivie par Didac Costa qui tient bon train (13,9 nœuds).

Plus bas encore, Manuel Cousin ronge son frein dans l’anticyclone qui le menotte depuis deux jours, tant et si bien que Miranda Merron et Clément Giraud l’ont rejoint. Tout au bout de cette caravane géniale, Alexia Barrier et Ari Hussela, qui ont passé le cap Horn cette nuit, reprennent un peu de vitesse après avoir été empétolés en Terre de feu.

Source

Agence Oconnection

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