Voyage au bout de la pluie

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Yannick Bestaven est toujours en tête de la flotte mais le skipper de Maître CoQ IV n’est pas arrivé à se « libérer » de la pression de ses poursuivants : Charlie Dalin est dans sa roue, et le groupe des chasseurs suit à une poignée de milles le long de la Zone d’Exclusion Antarctique. Et il y a encore 2 000 milles à parcourir pour atteindre la « sortie du tunnel » Pacifique ! Un océan qui largue bien des seaux d’eau sur les solitaires…

Ça drache velu ! Entre les cataractes qui déferlent sur le pont et les giboulées qui dégorgent du ciel, les leaders sont couverts d’une strate d’eau telle que la mousse va finir par éclore… Et ce n’est pas fini : sur la route du cap Horn, c’est une saucée quasi permanente qui s’annonce dans ce front chargé de pluie, voire de grêle et de neige fondue. Car en se rapprochant de la banquise antarctique, les températures chutent comme Santa Claus dans la cheminée, et les dépressions se régénèrent d’un air bien frais, gonflé d’humidité !

La mer est une grande leçon… d’humidité

Parlons-en justement de ce taux excessif qui rappelle les années sombres de l’abyssal déficit budgétaire : saturation d’humidité, condensation permanente, eau de mer qui dépasse à peine les 5°C… Dans le front qui balaye la tête de flotte depuis quelques heures, ce sont plus de 95% d’eau qui dégoulinent de ces nuages sombres que même la pleine Lune n’arrive pas à percer. Le monde pacifique n’est qu’une éponge pissant son fluide comme une source puisant sa substance d’une nappe phréatique… L’éclaircie, ce n’est pas pour demain, peut-être pour après-demain, mais pour quelques instants seulement !

Car une fois que la perturbation, que Yannick Bestaven (Maître CoQ IV) est judicieusement allé chercher dans le Nord, aura glissé vers l’Antarctique pour y finir ses jours, voilà qu’une autre dépression pointe à l’horizon en s’immisçant par derrière… pour passer par le point Nemo afin de se gorger d’eau et de piquer comme un missile vers la cordillère des Andes et finalement se fracasser sur les montagnes patagones ! La fin d’année s’annonce rude par 57° Sud et les solitaires qui s’enquéraient de la suite du programme, ne vont pas être déçus ! Il y aura bien une grosse houle, de belles vagues, du vent fort, des rafales violentes, des ondées sans fin et une pléiade de bises aussi fraîches qu’un goulag soviétique.

Des écarts qui se creusent… avant de se réduire

Côté situation en tête de la flotte, on se retrouve ce lundi matin avec quasiment les mêmes deltas que la veille de Noël avec Yannick Bestaven en locomotive, Charlie Dalin (Apivia) en tender à une centaine de milles, Thomas Ruyant (LinkedOut) dans la première rame à 280 milles environ, et le petit train accroché derrière Damien Seguin (Groupe APICIL) et qui s’étire jusqu’à Louis Burton (Bureau Vallée 2) à 570 milles du leader. Mais la configuration devrait se tasser dès mardi soir quand la dépression aura passé son chemin pour laisser dans son sillage un flux d’Ouest modéré d’une quinzaine de nœuds. Une petite pause bienvenue avant le bon coup de chien programmé pour les derniers jours de l’année.

Théoriquement le nouveau vent portant (Sud-Ouest) arrivant par derrière, il devrait y avoir compression et les écarts devraient se réduire avant d’aborder les dernières vagues déferlantes du Pacifique : le débordement du cap Horn le samedi 2 janvier s’annonce tout de même assez tonique avec plus de trente nœuds d’Ouest sous le détroit de Magellan… Et avec cinq bons mètres de creux aux abords des îles ! Normalement, les leaders devraient raser le phare pour s’abriter derrière ces côtes déchiquetées afin de retrouver « la paix » et surtout une mer plus calme dans le détroit de Lemaire.

La guirlande se compresse par le centre

Éparpillée jusqu’au cap Leeuwin (voire plus pour Sébastien Destremau qui se dirige toujours vers la Tasmanie), la flotte semble elle-aussi se compresser sous l’influence des dépressions australes. Le finlandais Ari Huusela (STARK) devrait ainsi franchir la longitude du deuxième cap dans la journée, 200 milles derrière Alexia Barrier (TSE-4myplanet) qui a passé Leeuwin à 0h48 (heure française) ce lundi et qui a dû bricoler le week-end dernier avant d’aborder la fin de cet océan Indien que Manuel Cousin (Groupe SÉTIN) et Kojiro Shiraishi (DMG MORI Global One) devraient boucler en fin de journée.

Car le Pacifique, ils y sont déjà : Jérémie Beyou (Charal) et Stéphane Le Diraison (Time for Oceans) en gouttent d’ailleurs les prémices avec un méchant front descendu de la Tasmanie. Et s’ils ne sont pas très rapides, c’est bien parce que l’état de la mer n’est pas coopératif ! A contrario devant ce front, Pip Hare (Medallia) et Arnaud Boissières (La Mie Câline-Artisans Artipôle) en ont bien profité au point de revenir dans le tableau arrière d’Alan Roura (La Fabrique) emberlificoté par une quille récalcitrante hier…

Quant au trio Attanasio-Tripon-Crémer qui s’étale le long de la ZEA au milieu du Pacifique, il grappille les milles sur la tête de la flotte au point d’envisager un retour aux avant-postes avant même le passage du cap Horn ! Il risque fort d’y avoir embouteillage au Sud de l’Amérique du Sud en tout début d’année. Rien à voir avec fin 2016 lorsque le futur vainqueur, Armel Le Cléac’h, avait déjà paré ce même jour, l’archipel des Malouines depuis une journée…

Source

Agence Oconnection

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