Un anticyclone, ça trompe énormément

© Charlie Dalin

Le Vendée Globe joue une partie de son issue autour de l’anticyclone qui contraint la tête de la flotte depuis deux jours après l’avoir longtemps menacée. Cette zone de hautes pressions est en train de provoquer des retrouvailles et des séparations. Courtisée par tous, elle fera des heureux et des malheureux (en plus grand nombre, forcément). Mais il est impossible de dire, en ce jour, qui sera ravi et qui sera marri.

Depuis plusieurs jours, trois hommes courtisent une zone anticyclonique dans l’espérance de s’attirer ses faveurs (l’un d’eux pouvant potentiellement s’échapper grâce à elle), tandis que, plus loin, deux femmes et sept autres hommes font peser sur les épaules de ce même anticyclone leurs espoirs de retour. Ce vaudeville dans le Pacifique ne serait pas parfait si le scénario n’était pas totalement imprévisible.

De cet anticyclone, les trois hommes de tête ne se débarrasseront pas aisément, car il glisse vers l’Est et les accompagne sensiblement à la même vitesse – à moins que les trois solitaires n’avancent sensiblement à la même vitesse que l’anticyclone ? – depuis un petit moment déjà.

La séparation pourrait avoir lieu le 26 décembre, sous l’effet conjugué de la remontée de la zone d’exclusion antarctique, qui influe sur la trajectoire des coureurs, et de la survenance d’une dépression venue du Nord et qui s’enroule au-dessus de leur tête. En attendant, Yannick Bestaven, Charlie Dalin (90 milles en retrait) et Thomas Ruyant (à 180 milles du leader) doivent transiger avec les petits airs du moment… et trouver un nouveau vent.

Attendre ou chercher le nouveau vent

Et c’est là que les schémas théoriques diffèrent. À l’avant de l’anticyclone, et donc susceptible de sortir de son influence, Yannick Bestaven (Maître CoQ IV) est censé aller chercher son nouveau vent qui se trouve dans la bordure d’une petite dépression qui vient du Nord-Ouest.

Parce que situés à la frange ou dans l’Ouest de la zone de hautes pressions, Charlie Dalin (Apivia) et Thomas Ruyant (LinkedOut) n’auraient qu’à attendre pour retrouver un nouveau vent, qui leur viendra naturellement, puisque les phénomènes météo circulent d’Ouest en Est. Leurs trajectoires pourraient être rectilignes, hors recalages et négociations avec les variations d’angle et de force de vent qui sont la norme dans les bordures anticycloniques.

Selon un des routages proposés ce matin par Christian Dumard et Sébastien Josse, on pourrait donc voir Yannick Bestaven monter très au Nord pour aller chercher ce vent, dans le bon angle, puis redescendre pour dessiner un joli sapin. Si les fichiers météo sont justes, ce coup stratégique pourrait conférer à Maître CoQ IV un avantage certain d’ici trois jours. En revanche, si les fichiers météo sont légèrement décalés d’une centaine de milles, ou en retard, Yannick Bestaven pourrait alors avoir fait beaucoup de route pour peu de gain… voire pas du tout.

Le « scénario du probable » envoie plutôt le leader sur ce qu’on appelle une route pivot, fruit de la transaction entre la trajectoire optimale et le marquage à la culotte dicté par la règle du régatier qui dit qu’il vaut mieux sortir d’un système météo avec un mille d’avance qu’avec 100 mètres de retard. 
Les évolutions de ce mercredi après-midi n’en disaient pas beaucoup plus : tandis que Charlie Dalin navigue le coude droit collé à la barrière virtuelle de sécurité (22 milles à peine), Yannick Bestaven s’en est éloigné de 150 milles environ. En retrait, Thomas Ruyant s’est recalé dans le Nord, où il trouvera bientôt un peu plus de pression. Ce matin, Yannick Bestaven disait que c’est la trajectoire du Nordiste qu’il redoutait le plus…

Isabelle Joschke attend son heure

Huitième actuellement de ce Vendée Globe, après 45 jours de course, Isabelle Joschke signe une course épatante ; et la Franco-Allemande ne détesterait pas ne pas s’en arrêter là. L’enchaînement des systèmes météo paraît être toujours favorable à un regroupement de la flotte dans les jours à venir. Si tous ne se retrouvent pas à terme bord à bord comme ce fut le cas entre le cap Leeuwin et la Tasmanie (Le Cam, Dutreux, Seguin, Herrmann, Burton), les écarts sont censés se réduire considérablement entre la tête de la course et le groupe de chasseurs dont MACSF fait partie, d’une part, et entre ce même groupe et les gardes-chasse que sont Clarisse Crémer, Romain Attanasio et Armel Tripon, qui revient fort dans le jeu.

Jointe ce midi dans le Vendée Live, Isabelle Joschke a raconté son moment et ceux à venir : « Je navigue au Sud-Ouest d’un anticyclone et bientôt, je vais rejoindre cet anticyclone comme les concurrents qui naviguent près de moi. Au fil du temps, le vent va s’alléger, et ça va tamponner devant, avec les bateaux qui reviennent de derrière : ils auront plus de vent et seront plus rapides pendant quelques heures. Nous aurons à naviguer au centre de l’anticyclone ou dans sa bordure, selon comment on aura su négocier ça, mais ça ne va pas être un passage très rapide ni très sympa : il y aura peu de vent et c’est frustrant de ne pas pouvoir avancer. Ça fait partie du jeu ».

La navigatrice de MACSF, qui court son premier Vendée Globe, poursuit son apprentissage du grand Sud et, portée par une confiance qui gonfle épreuve après épreuve, elle goûte son plaisir d’être en mer : « Clairement, la confiance est de retour, je me sens mieux dans les mers du Sud qu’à l’époque où je suis rentrée dans l’océan Indien. Il y a des conditions que j’ai réussi à dompter, mais il reste quelques peurs, quand même. Le cap Horn, je vais voir dans quelles conditions je vais le passer, parce que ça peut être un gros morceau. Autant j’ai souffert de l’Indien, autant je profite du Pacifique. C’est tout l’inverse des premières semaines ».

On ira tous en Tasmanie (ou pas)

Pour être plus juste, Sébastien Destremau ira y faire une halte. Elle est désormais prévue et elle représentera sans doute la dernière chance pour le skipper de merci de boucler son second Vendée Globe en course. Son système de barre rafistolé n’a pas la fiabilité qu’il convient d’avoir pour traverser le grand désert bleu entre la Nouvelle-Zélande et le cap Horn. Tandis que le marin avance, sur le 40e parallèle Sud dans des conditions agréables, les frangins s’agitent pour trouver ce qui, parmi l’équipement à bord, pourrait permettre de recréer un système de barre plus fiable.

« Dans l’état dans lequel mon bateau est aujourd’hui, il n’est pas raisonnable d’envisager de poursuivre le Vendée Globe sans un arrêt. Après, est-ce que cet arrêt sera un abandon et une poursuite hors course, ou un arrêt pour renforcer ce que j’ai fait : je n’ai pas la réponse ».

Décidément, personne ne l’a.

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Agence Oconnection

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