Trafic perturbé sur la ligne 56

© Richard Langdonado

Tout en bas, collé à la zone d’exclusion antarctique en dessous du 56° Sud, Yannick Bestaven est aux commandes du train du Vendée Globe, tandis qu’il entre dans les longitudes de la Nouvelle-Zélande. C’est agréable, il fait beau et presque chaud, mais la réalité météo tarde à faire émerger une tendance pour les jours à venir. Pour Louis Burton, en revanche, la situation est complexe.

Le réveil de la cartographie, à 5 heures ce samedi matin, a permis de constater que Charlie Dalin (Apivia) a avancé deux nœuds plus vite que Yannick Bestaven (Maître CoQ IV) depuis hier soir, à 18,5 nœuds, ce qui lui a permis de grignoter une dizaine de milles dans la nuit et de compter encore (ou seulement) 35,4 milles de retard. Les deux hommes sont les premiers à rejoindre les longitudes de la Nouvelle-Zélande : ce matin, ils étaient à hauteur de Auckland Island et, déjà, se profile la perspective de parer Campbell Island, à une centaine de milles dans l’Est.

Face à cela, Yannick Bestaven ne peut pas faire grand-chose, et l’Arcachonnais a pris le parti de ne pas en faire une histoire : il est condamné à mener le train dans un long et étroit couloir creusé entre la zone d’exclusion antarctique et la belle zone anticyclonique qui règne sur le Nord depuis les côtes néo-zélandaises jusqu’à Campbell Island, et que les voies de dérivation se font bien rares. « J’essaie de rester dans le couloir de vent dans lequel j’avance, dit-il. Les empannages se multiplient dans cette zone Sud qui me paraît être avantageuse. Mais entre les alarmes qui se déclenchent dès que je me rapproche de la ZEA et les zones sans trop de vent au-dessus, ce n’est pas si simple de dormir ».

Quand les conditions de circulation sont celles du moment, avec un bouchon devant et la pression de l’arrière, le pilote est en général pris entre deux feux. « On va entrer dans la molle, et ce n’est pas simple, parce que je ne sais pas dans quel sens va jouer l’élastique. Je ne sais pas si je vais être rattrapé ou si ça va partir par devant. Ce que je sais, c’est que je vais avoir beaucoup de manœuvres dans ce vent qui oscille de 100° à 300°… Tout ça demande pas mal de stratégie… »

Calé plus dans le Nord, du fait de sa tentative de putsch d’avant-hier, Thomas Ruyant (LinkedOut) a stabilisé son écart avec le leader. Le jeu, pour le Nordiste, pourrait être de jouer avec les flux du déplacement de l’anticyclone, qui s’enroulent et redonnent de l’Ouest… tout en évitant de se laisser piéger par la zone de haute pression.

Dutreux collé à la ligne

Dans le même schéma, deux cents milles plus loin, Jean Le Cam mène la fronde. Le skipper de Yes We Cam! semble avoir amorcé un recalage vers le Sud, mais de manière moins radicale que Boris Herrmann (SeaExplorer – Yacht Club de Monaco) et Benjamin Dutreux, qui joue déjà le long de la ligne de touche, dans un système perturbé qui soumet son pilote automatique à des soubresauts qui imposent au skipper de rester vigilant et de ne dormir que d’un œil. Contre mauvaise fortune bon cœur, le solitaire de OMIA – Water Family sait que les conditions compliquées lui sont plus favorables qu’un bord obligatoire dans un vent stable, où le déficit de vitesse de son bateau plus ancien se fait ressentir.

Soucis de pilote pour Louis Burton

Celui qui a la vie la plus compliquée depuis hier, c’est sans aucun doute Louis Burton. Le skipper de Bureau Vallée 2 fait face à des problèmes de pilote automatique depuis 19 heures, et c’est à l’aveugle, et à la barre, qu’il poursuit sa route. Et ce qui rend la situation plus complexe encore, c’est que c’est le plan B qui est tombé en carafe. Ce début de journée française va permettre à son équipe de se mettre en relation avec les ingénieurs du fournisseur de l’électronique pour trouver une nouvelle parade. « Heureusement, dit Louis Burton, j’ai quand même un cap, une vitesse, et une barre. Je ne vais pas pouvoir tenir longtemps sans pilote, mais c’est magique de pouvoir barrer à 20 nœuds dans ces mers ».

Jeudi, Louis Burton a annoncé son intention d’aller se mettre à l’abri, sous le vent de l’île Macquarie, qu’il devrait rejoindre dans la soirée, voire dans la nuit, pour réparer son gréement. Il faut s’attendre à le voir empanner dans les premières heures de cette matinée. Il sera alors porté par un vent d’Ouest qui va le déposer aux abords de cette île australienne dont les altitudes – 300 mètres au plus haut – lui promettent des dévents apaisants.

Noeuds au cerveau

Plus loin, la situation n’est guère plus claire. 12e, à 1193 milles de la tête, Clarisse Crémer (Banque Populaire X) s’est donné deux rendez-vous : la réactualisation d’un premier fichier météo à 7h20 et un second une heure, plus tard devraient lui permettre d’y voir plus clair. « Cela me stresse ! Je n’aime pas ne pas savoir ce que je vais avoir envie de faire de ma journée !  »

En jeu, la gestion de la dépression qui tombe du Nord et qui n’a pas suffisamment révélé ses intentions pour que Clarisse dans l’Indien ait pu choisir s’il lui est possible de passer à l’avant, ou s’il sera raisonnable de laisser passer le gros de cette dépression, dont le coeur bat à 30 noeuds. Ce sera pour elle le dernier défi, sans doute, de l’épisode Indien qui a été globalement compatissant avec elle : à la longitude de la Tasmanie, se trouvent les portes du Pacifique.

Source

Agence Oconnection

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