L’ascenseur émotionnel

© Martin Viezzer

Sébastien Simon abattu, accablé par un sentiment d’injustice et par l’ampleur des travaux qu’il aurait à réaliser dans un futur aléatoire. Sam Davies, des sanglots dans la voix, choquée par son arrêt buffet brutal hier à la tombée de la nuit et par les dommages causés autour de la quille de son bateau. Ces deux navigateurs qui étaient jusque-là parfaitement dans le match (ARKEA PAPREC était encore 4e mercredi matin et Initiatives- Cœur, 11e) sont aujourd’hui en situation d’attente au grand large du cap de Bonne Espérance, confrontés à des questions auxquelles ils n’ont pas encore de réponse : Vais-je pouvoir réparer ? Vais-je pouvoir continuer ?

Grand marin avant d’être directeur de course du Vendée Globe, Jacques Caraës imagine la tempête émotionnelle qui ébranle aujourd’hui les deux skippers. Il explique : « En règle générale, quand tu arrives à la porte de l’océan Indien, tu passes dans un autre monde, dans un autre mode. Tu es davantage sur la réserve, dans une attitude plus conservatrice. Alors si tu entres là-dedans avec une avarie structurelle, ça te fout par terre, ça te fusille le moral. Parce que le Grand Sud, c’est un long tunnel, il n’y a pas d’autre solution que d’aller au bout (10 000 milles dans l’Indien puis le Pacifique, ndr). Et la sortie, c’est le cap Horn. Il n’y a pas trop d’échappatoire, pas vraiment de port d’escale… Psychologiquement, dans ces circonstances, c’est dur ».

Hauts et bas

A ce stade de la course, la fatigue s’est aussi nichée profondément dans les organismes.
Après 25 jours de mer, 25 jours à dormir peu, manger mal, se trimballer à quatre pattes lorsque le bateau tape trop, à vérifier son matériel, réparer au quotidien, entendre les mauvaises nouvelles des copains… les marins sont à fleur de peau. Pas seulement ceux qui entrent dans le vaste désert maritime du Grand Sud. Mais à tous les échelons du parcours et du classement. Dans une vidéo envoyée ce jour, Jérémie Beyou évoquait, la mine défaite, sa progression erratique dans les grains et les vents faibles au large du Brésil. Pour le skipper de Charal reparti 9 jours après ses camarades, c’est la double peine.

Mais cet ascenseur émotionnel dans lequel sont embarqués les 31 concurrents du Vendée Globe est aussi puissant dans l’autre sens. Dans un de ces textes beaux et sensibles, Armel Tripon s’émeut à la vue du premier albatros de sa vie, venu lui ouvrir les portes du « royaume des ombres ». De son côté, Arnaud Boissières savourait les surfs de son bateau glissant à belle vitesse sur une mer encore maniable et s’émerveillait devant la lumière bleutée de l’aube naissante dans les 40e rugissants…

Surf sur les isobares

Au delà des plaisirs contemplatifs et des états d’âmes, la course continue. En tête, elle est menée tambour battant par un groupe de 15 bateaux qui surfent sur les isobares du vaste système dépressionnaire qui va les emmener jusqu’aux Kerguelen.

Entre Charlie Dalin qui entame son 10e jour de course en tête et la 15e Clarisse Cremer, il y a certes 1000 milles – soit presque deux journées et demi d’écart –. Tous ne naviguent pas du même côté de cette dépression, mais l’objectif est de continuer à se laisser porter par ces vents forts mais favorables le plus longtemps possible. Tout en préservant l’intégrité de son bateau.

Sainte-Hélène, priez pour eux

Comme pour donner la réplique à cet immense ventilateur austral, l’anticyclone de Sainte Hélène est en train de s’étaler en largeur, du milieu de l’Atlantique Sud, jusque dans l’océan Indien, et en longueur bien au dessous des 45° sud ! Son contournement concerne toute la deuxième moitié de la flotte. Or ces hautes pressions tentaculaires pourraient prendre au piège plusieurs groupes de bateaux qui n’auront pas d’échappatoire, car bloqués au sud par la Zone d’Exclusion Antarctique (ZEA). Des écarts vont se creuser inexorablement entre ceux qui auront réussi à attraper le premier train de dépressions et les poursuivants. C’est là tout l’enjeu pour le groupe intermédiaire, de Stéphane le Diraison à Pip Hare.

Une possibilité de récupération pour Kevin Escoffier

Enfin, le Nivôse – frégate de la Marine nationale chargée, entre autre, de la surveillance des pêches dans l’océan Indien – a le feu vert de sa hiérarchie pour une récupération éventuelle du skipper de PRB. De son côté, la direction de course du Vendée Globe est en contact avec Jean Le Cam pour considérer la possibilité d’un point de rencontre avec le Nivôse autour du 6 décembre dans le Nord-Est des îles Crozet. Si, pour de multiples raisons, le débarquement de Kevin s’avérait trop risqué ou compliqué, alors, il faudrait attendre le passage dans le sud de la Nouvelle-Zélande.

Source

Agence Oconnection

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