Charlie Dalin secondé par trois marins d’exception

© Vincent Curutchet

« Je n’aurai jamais atteint ce niveau de préparation pour ce tour du monde en solitaire sans cette équipe soudée derrière moi. » Charlie Dalin est bien entouré. Au-delà de celles et ceux qui œuvrent au quotidien depuis le début du projet Apivia Voile et qui s’activent aujourd’hui aux Sables d’Olonne pour peaufiner les derniers détails de la préparation du bateau, Charlie a pu aussi compter sur l’engagement de trois marins d’exception : Yann Eliès, Pascal Bidégorry et François Gabart. A eux trois, ils cumulent sept circumnavigations en mode compétition océanique. Des expériences complémentaires en équipage et en solitaire, qu’ils ont volontiers partagées avec le skipper d’APIVIA, bizuth des mers du Sud, augmentant ainsi ses chances d’enrouler pour la première fois la planète mer au meilleur niveau de performance sportive et humaine. Morceaux choisis…

Yann Eliès : « Un objectif numéro un de fiabilisation »

« Ma collaboration avec Charlie et l’équipe Apivia Voile s’est concrétisée dès la mise à l’eau en août 2019. Il s’agissait surtout de configurer le bateau avec l’objectif que Charlie s’était fixé : faire un aller-retour en Atlantique, avec un retour en mode solo après la Transat Jacques Vabre 2019. Avec une telle équipe derrière Charlie, on a très vite vu qu’on pouvait aller un peu plus loin de son objectif de fiabilisation.

On a cherché à exploiter l’Imoca APIVIA au maximum sans rien casser, tout en aidant Charlie à imaginer petit à petit sa manière de naviguer en solitaire et à bien appréhender les limites à ne pas dépasser. A chaque fois que l’on faisait une manœuvre, on s’assurait de bien la décomposer pour ne rien oublier, un peu comme en multicoque où une fois que la voile est établie tu t’enfermes à l’intérieur et c’est parti pour des runs à 25-30 nœuds ! Il est nécessaire alors de bien avoir tout anticipé dans l’utilisation de ses voiles. Avant le départ de la Transat Jacques Vabre 2019, avec le team APIVIA nous avions déjà pressenti qu’APIVIA allait être assez proche des meilleurs bateaux en termes de performance. Pour sa première course, nous avons été opportunistes et avons mis toutes les chances de notre côté pour gagner. (Ndlr : Yann était à bord lors de la Transat Jacques Vabre). Nous sommes parvenus à utiliser 80 % du potentiel du bateau. Aujourd’hui, Charlie et l’équipe APIVIA ont largement comblé les 20 % manquants.

Au printemps dernier, nous avons fait une navigation très instructive qui a permis de bien visualiser les dernières optimisations et améliorations possibles en vue du Vendée Globe. C’est à ce moment-là que Pascal a apporté sa rigueur, sa recherche de précision, sa quête du millimètre. Je suis le remplaçant de Charlie à bord d’APIVIA pour ce tour du monde, comme il avait pu l’être pour moi il y a quatre ans. Aujourd’hui, je me prépare aussi à rentrer en phase de confinement. Je me projette un peu, même si cela me paraît totalement improbable qu’il ne puisse pas prendre le départ de ce premier Vendée Globe. »

Pascal Bidégorry : « le plaisir reste un facteur essentiel de performance »

« J’ai embarqué sur, à peu près, toutes les navigations d’APIVIA depuis le mois de mai. L’essentiel de mon travail se concentrait effectivement pendant les entraînements sur l’eau. Quand j’arrivais à Port-La-Forêt, à peine sorti de ma voiture, j’enfilais mes bottes ! On a utilisé à bon escient le temps imparti avec de longues sessions au large. On a cumulé au total 40/50 jours d’entraînement effectif. Au regard de la durée d’un Vendée Globe, cela commence à compter ! Je me suis efforcé d’apporter un regard neuf et aussi extérieur, en observant d’abord la performance pure, à travers l’acquisition de data, suivie d’une phase d’analyse à tête reposée, dans un bureau derrière un ordinateur.

Nous avons aussi beaucoup travaillé le « feeling ». Les chiffres, c’est bien, mais cela ne suffit pas. On ne recherche pas forcément la meilleure vitesse de pointe, il s’agit plus de trouver les bons repères et une palette de réglages, notamment dans l’usage des foils. On s’est inscrit dans une quête de la meilleure vitesse moyenne. Si Charlie en est là, c’est parce qu’il est talentueux, intelligent, clairvoyant ; et qu’il a une bonne analyse dans l’utilisation du bateau et une bonne stratégie météo… C’est un super régatier. Pour l’accompagner, je lui ai donc apporté un regard plus lié à l’envergure d’un tel projet, d’un tour du monde en solitaire. Le Vendée Globe, c’est avant tout une course d’endurance ; et cette dimension doit être prise en compte au plus haut niveau.

On a eu des échanges de marin à marin. J’étais là aussi pour le questionner sur lui : son sommeil, ses repas, sa vie au jour le jour, avec l’idée de lui éviter un maximum d’erreurs. Il ne part pas qu’avec des plats lyophilisés : je ne l’ai pas lâché sur ce point : il a finalement accepté d’embarquer quelques bons petits plats, qui pèsent un peu sur le poids de son avitaillement, mais qui vont lui permettre de se faire du bien. Je suis convaincu que le plaisir reste un facteur essentiel de performance. En tout cas, je lui ai bien cassé les pieds avec ça ! »

François Gabart : « une approche globale et quelques clés »

« Ma démarche auprès de Charlie relève d’une approche beaucoup plus globale, inscrite dans la durée et au long cours depuis le tout premier jour. Je n’ai pas eu le même niveau de précision et d’implication qu’a pu avoir Pascal Bidégorry : je suis intervenu avec plus de recul notamment pour apporter ma connaissance et mon expérience du Vendée Globe. L’objectif était plutôt de l’accompagner sur la philosophie générale à adopter et la façon d’appréhender une course aussi engageante que ce tour du monde en solitaire. L’interaction avec Charlie s’est située sur une approche technique transversale, et sur un plan plus humain avec pour premier objectif de lui donner des éléments pour créer son propre rythme dans cette compétition planétaire. Pour autant, je n’ai pas la prétention de lui avoir apporté des réponses toutes faites, qui marchent et fonctionnent à coup sûr. J’espère néanmoins qu’en partageant mon expérience, je l’aide à être dans la meilleure disposition possible pour qu’il prenne au fur et à mesure de sa course, les meilleures décisions. C’est dans cet état d’esprit que je lui ai transmis les notes que j’avais prises quotidiennement durant mon Vendée Globe en 2012/2013 avec des éléments techniques, mais aussi des indications concernant mes temps de repos… J’avais à cœur de transmettre et partager mon expérience à Charlie afin de lui donner quelques clés. »

Et quels conseils pour les mers du Sud ?

Y.E. : « Dans nos échanges, j’ai sensibilisé Charlie sur la sécurité. J’ai pu voir en course qu’il était parfois un peu exposé, je lui ai vivement conseillé le port du harnais pour certaines manœuvres ; et sur le rythme à avoir sur un tour du monde. On était tous d’accord pour dire à Charlie qu’il ne dormait pas assez, pour lui répéter qu’il faut toujours en garder un peu sous le pied. Il pourra y avoir des coups durs ; et sur cette partie du parcours, il faut avoir l’impression de ne pas être à 100 % pour, en cas d’imprévu, toujours garder une marge d’énergie pour bien solutionner les problèmes rencontrés. Globalement, Charlie, bien que novice, me semble aujourd’hui vraiment prêt pour la globalité du parcours. »

P.B. : « Pour moi, la première chose, c’est de dédramatiser. Les phénomènes sont amplifiés dans ces zones-là. Il faut donc avancer et naviguer normalement. Il faut que Charlie reste hyper concentré pour laisser un minimum de place au hasard en privilégiant l’anticipation. Dans mon parcours, cela m’est arrivé de prendre de mauvaises décisions parce que je ne vivais pas l’instant présent de manière totale. C’est la clé de la réussite pour rester en harmonie avec les éléments et son bateau. Charlie devra trouver cette harmonie avec APIVIA. »

F.G. : « Dans nos échanges, Charlie et moi discutions très souvent de cette partie du globe. Charlie a déjà une large expérience, connaît bien le golfe de Gascogne ou l’Atlantique Nord. Les mers du Sud seront une vraie découverte pour Charlie. Mais là encore, il n’y a pas de recette miracle pour aborder l’océan austral. J’y suis allé deux fois, c’est déjà beaucoup, mais cela ne permet certainement pas de prétendre savoir ce qui va se passer pour Charlie et ses concurrents. Bien sûr, il s’agit toujours de composer avec le vent et les vagues ; et grosso modo, dès lors que tu sais faire du bateau à voile, il n’y a pas de raison de changer ses bonnes habitudes. Il est néanmoins essentiel de ne pas perdre de vue que naviguer dans ces mers éloignées reste une expérience extraordinaire qu’il faut vivre à fond. Et ce d’autant plus sur ce Vendée Globe, le premier de Charlie. Je lui souhaite de ne pas se laisser impressionner par tout ça et que cet environnement ne devienne pas une source de pression, mais plutôt une source d’émerveillement. Il y a une magie inhérente à cette première fois qu’il vivra, je l’espère, pleinement. »

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Disobey.'

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