Vitesse : quels gains en quatre ans ?

© Eloi Stichelbaut - polaRYSE

En 2016, les foils faisaient leur apparition sur le tour du monde en solitaire sans escale. Mais depuis, l’évolution architecturale a encore « boosté » les monocoques IMOCA qui atteignent désormais des vitesses similaires aux multicoques des années 2010 ! Une énorme marche a été franchie avec des appendices qui permettent réellement de survoler la mer pendant des heures et des heures… Mais quelles vitesses sont au programme de ces machines à avaler les milles ?

Les choses ont bien changé en quatre ans ! Lors de la dernière édition du Vendée Globe, les foils apparaissaient sur les monocoques IMOCA avec malgré tout des a priori et des incertitudes. Au point que les architectes du moment, Guillaume Verdier et son équipe, associés au cabinet VPLP, concepteurs de tous les nouveaux prototypes, marchaient encore sur des œufs en imaginant des foils sur ces machines quelque peu « bridées » par la nouvelle jauge en application depuis 2014 : des ballasts moins volumineux, un mât et un voile de quille « standardisés ». Bref il fallait trouver une solution pour que les nouveau-nés soient plus véloces que leurs prédécesseurs, sans oublier de les optimiser et fiabiliser.

Premiers développements : naissance des foils sur les IMOCA

La conséquence majeure de cette nouvelle jauge applicable à tous les nouveaux prototypes mais aussi aux « anciens » voiliers dont certains paramètres devaient être adaptés, était la moindre raideur à la toile, c’est-à-dire la moindre capacité à porter de la surface de voile dans le vent médium (12-18 nœuds) et la brise (25-35 nœuds). Or, plus les solitaires naviguaient sur leurs montures de 18,28 mètres, plus ils gîtaient (penchaient), atteignant 30° pour que le voile de quille (basculant d’une quarantaine de degrés) fasse office de plan porteur pour soulager la coque. Fort de leur expérience acquise lors de la Coupe de l’America 2013 qui avait permis à des catamarans de 72 pieds (22 mètres environ) de survoler le plan d’eau, même pendant les manœuvres de virement et d’empannage, les architectes ont alors adapté des foils aux monocoques du Vendée Globe pour augmenter leur raideur à la toile.

Comme la jauge IMOCA limitait le nombre d’appendices mobiles – une quille, deux safrans, deux dérives ou deux foils -, il fallait aussi que ces nouveaux appendices permettent de conserver un plan antidérive pour naviguer au près (de 40° à 50° du vent réel). D’autre part, parcourir plus de 21 600 milles autour du monde ou participer à une régate en eau plate pendant quelques heures ne relèvent pas de la même problématique !
Est-ce que ces foils allaient supporter une navigation non-stop pendant trois mois en solitaire ? Les concepteurs se sont donc « autocensurés » pour que ces nouveaux appendices apportent surtout un bonus aux allures de vent de travers, sans entacher leurs performances VMG (Velocity Made Good) au près et au portant.

La première version des foils génération 2016 ne fut pas totalement convaincante, particulièrement aux allures près du vent, le « tip », l’extrémité verticale de l’appendice, manquant d’accroche et donc de force antidérive. Conséquence : les nouveaux prototypes étaient « obligés » de naviguer presque 10° plus bas (50°) que les meilleurs monocoques de 2012 tels SMA (ex-Macif, devenu aujourd’hui le Banque Populaire X de Clarisse Crémer).
Une deuxième version comblait en grande partie ce déficit au près, une allure prisée sur une transat est-ouest, mais finalement peu présente sur un tour du monde, à l’exception de quelques épisodes : au départ dans le golfe de Gascogne, dans le Pot au Noir et à l’équateur, dans les alizés de sud-est, puis, au retour, dans la remontée de l’Atlantique Nord, au large des côtes argentines et brésiliennes, de nouveau dans le Pot au Noir et dans les alizés de nord-est. Soit seulement entre 5% et 10% du temps de course…

Génération 2016 : 3 nœuds de mieux à certaines allures

Pour la génération 2016, l’équation était la suivante : les nouveaux IMOCA devaient pouvoir être aussi véloces que les anciens au près et au portant, naviguer sans leurs foils et être plus rapides entre 70° et 120° du vent réel.

Les développements successifs sur les foils vont permettre de répondre à ce cahier des charges. Ces appendices supportaient alors 30% du poids du bateau en navigation (soit environ trois tonnes sustentées), apportaient plus de raideur à la toile par leur capacité à soulager la coque centrale, un gage de puissance au vent de travers. Ainsi les six nouveaux monocoques de la précédente édition (StMichel-Virbac, No Way Back, Edmond de Rothschild, Safran II, Banque Populaire VIII, HUGO BOSS) gagnaient près de trois nœuds sur leurs concurrents au débridé, au vent de travers et au largue, sans perdre réellement en performance entre 45° et 60° ainsi qu’au-delà de 130°.

Aujourd’hui, après quatre années de recherches, d’expérimentations et avec en toile de fond les innovations liées à la Coupe de l’America, les concepteurs ont passé la surmultipliée !
De 30% de la masse globale allégée, les architectes sont passés à 100% du poids en navigation, soit de 3 à 9 tonnes ! Les nouveaux appendices sont beaucoup plus grands, beaucoup plus fins, beaucoup plus sophistiqués : ils peuvent se déformer sous charge et faire « voler » au-dessus de l’eau les monocoques IMOCA. La contrepartie est qu’il a fallu renforcer sensiblement les dessous de la carène, de l’étrave jusqu’à l’arrière de la quille, en raison des impacts de plus en plus violents sur les vagues.

Génération 2020 : jusqu’à dix nœuds plus véloces au vent de travers !

Aujourd’hui, nous sommes réellement entrés dans l’ère du vol : le monocoque n’est plus « porté » que par son foil sous le vent, une partie de la quille et par son tableau arrière. La surface mouillée diminue très fortement : moins de résistance à l’avancement donc moins de freins et plus de vitesse !

Selon le profil et la forme des foils adoptés, les nouveaux prototypes peuvent se sustenter dès douze/quinze nœuds de vitesse. Comparés à un monocoque à dérive, ils vont plus vite au débridé (deux à trois nœuds de plus) et au près pour un même VMG, allongent largement la foulée au vent de travers (cinq à dix nœuds en sus) et au largue (trois à six nœuds plus véloces), tout en conservant un bon VMG au portant, au-delà de 145° du vent réel.

Or, sur un tour du monde en solitaire sans assistance, les allures de largue et de vent de travers sont prédominantes : dans les alizés de nord-est, de Madère au Pot au Noir, puis dans les brises de nord puis de nord-ouest du Brésil au cap de Bonne Espérance, dans les mers du Sud, dans les dépressions argentines et de l’hémisphère nord pour conclure !
Il est donc très probable que le temps de référence établi par Armel Le Cléac’h en 2016 (74j 03h 35’ 46’’) soit largement battu puisque les nouveaux 60 pieds sont capables d’aligner des moyennes de près de 30 nœuds pendant plusieurs heures. La difficulté pour les skippers sera de supporter le bruit – sifflement des appendices, chocs des vagues -, et surtout les mouvements extrêmement violents du bateau entre « décollage » et « amerrissage ». Car il ne sera pas aisé de conserver l’assiette en « vol » d’un voilier de neuf tonnes, en solitaire !

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