La course nécessaire

© François Van Malleghem

La Vendée-Arctique-Les Sables d’Olonne s’est achevée cet après-midi avec l’arrivée de la dernière concurrente, Miranda Merron (Campagne de France). Cette course originale, née du contexte particulier de la crise sanitaire, a tenu ses promesses de grand banc d’essai à moins de 4 mois du départ du Vendée Globe.

Cela faisait plus d’un an que les marins n’avaient pas disputé une course en solitaire. En cette année de Vendée Globe, où il devient urgent de muscler sa préparation pour pouvoir s’élancer serein à l’assaut du monde, la crise sanitaire a malheureusement contrarié tous les programmes. En particulier le calendrier sportif qui comprenait deux courses transatlantiques en solitaire, toutes deux finalement annulées. C’est dans ce contexte qu’est née la Vendée-Arctique-Les Sables d’Olonne après plusieurs semaines de réflexions conjointes entre la classe IMOCA , des marins et des acteurs du Vendée Globe. Organisé par la Classe et orchestré par la société Sea to See, cet opus inédit a parfaitement rempli son rôle de course préparatoire. Et bien plus encore…

Du sport, d’abord !

Ce tracé très spécial – un triangle en Atlantique Nord culminant aux confins du cercle polaire, par 62e degré Nord – destiné à éprouver marins et bateaux dans des conditions de navigation exigeantes et variées, a été le théâtre d’une régate de tous les instants. Premier enseignement : ces dix jours d’affrontement ont été survolés par les foilers de dernière génération. Jérémie Beyou, vainqueur aux Sables d’Olonne, Charlie Dalin, son dauphin et Thomas Ruyant, sur la troisième marche du podium, se sont livrés un combat à vue et ont alimenté le suspense au quotidien jusqu’aux dernières minutes de course devant le port vendéen. « Ça a été très intense. J’espère que le Vendée Globe ne sera pas sur le même rythme, parce là, les gars, je ne me fais pas 70 jours comme ça ! » lâchait Thomas Ruyant à son arrivée au ponton des Sables d’Olonne.

Deuxième enseignement : non loin du tiercé gagnant (6 concurrents sont arrivés en l’espace de 6h19), les bateaux à foils plus anciens se sont aussi révélés très performants, à l’instar d’Initiatives- Cœur, de PRB, de MACSF (avant que la bôme du bateau ne se casse en deux), de Seaexplorer – Yacht Club de Monaco ou de Maître CoQ IV.

Tout au long de la course, et du début à la fin classement, chacun a trouvé sa place et s’est retrouvé « challengé » dans son propre groupe.

Mais au final, la hiérarchie de la Vendée-Arctique-Les Sables d’Olonne confirme une certaine logique : elle est le reflet du degré de technicité et de l’âge des bateaux, du palmarès des coureurs et de leur expérience en solitaire, de la cohérence du binôme homme/machine et du niveau de préparation global des projets.

Un test technique et physique

La liste des soucis techniques n’est pas négligeable, mais cette course était justement là pour cela : évaluer la fiabilité et l’état de préparation des monocoques, alimenter la job list pour les chantiers d’été, casser tout ce qui doit casser avant le grand saut. « C’est un mal pour un bien » estimait à l’arrivée Kévin Escoffier (PRB), qui a dû réparer – entre autres- une cloison qui se désolidarisait du fond de coque. « La liste des choses à améliorer sur mon bateau est longue. » révélait à son tour Kojiro Shiraïshi. Le bricolage a été le lot quotidien d’une bonne partie de la flotte. Certaines avaries ont dégradé la performance et le résultat final de quelques coureurs : le rail de têtière de grand-voile de Boris Herrmann, la bôme cassée d’Isabelle Joschke. Pour d’autres, elles ont été fatales. Sur les 20 marins au départ, trois ont dû abandonner la course : Sébastien Simon, sur casse du foil tribord; Damien Seguin, sur casse du support d’alternateur; Armel Tripon, sur problème structurel (fissure à l’avant de la coque).

La vie à bord : un défi sur les foilers

Les skippers ont aussi (re)pris conscience de l’engagement physique exigé par les bateaux. La physionomie du parcours obligeait la flotte à traverser les systèmes météo de part en part, soit une succession de fronts et de bulles anticycloniques. Un exercice stratégique qui a aussi donné lieu à de nombreuses manœuvres de changement de voile. Mais au delà des quelques suées à la colonne de winch ou sur le pont, les conditions parfois rudes de cette navigation en Atlantique Nord ont révélé la difficulté de vivre à bord des foilers de dernière génération : se déplacer, préparer à manger, dormir à bord d’un bateau bruyant, aux mouvements brusques et imprévisibles, relève de la gageure. Un défi qu’il faudra pouvoir relever pendant au moins 70 jours autour du monde.
Enfin, ces 10 jours de mer ont été propices à la récupération de données liées à la performance : tests de configuration de voiles, travail sur les polaires de vitesse…

Baptisés, rassurés, qualifiés !

Cette expérience précieuse, les marins l’appelaient de leur vœux. La Vendée- Arctique-Les Sables d’Olonne leur a permis de se rassurer sur leurs capacités, sur leur niveau d’engagement et de retrouver une sérénité perdue pendant les temps troublés de la crise sanitaire. « J’ai appris sur moi et sur ma confiance dans mon monocoque. Tu sors de là, t’es en osmose avec le bateau » avouait le vainqueur Jérémie Beyou. Même analyse pour Miranda Merron, à l’autre bout du classement : « le but était de m’entraîner et c’est chose faite. Je ne me voyais pas partir sur le Vendée Globe sans avoir fait une course comme cela avant ».

Trois d’entre eux – et pas des moindres – n’avaient tout bonnement jamais disputé de course en solitaire en IMOCA : Charlie Dalin, Clarisse Crémer et Kevin Escoffier. Ces trois- là ont passé leur baptême du feu avec brio. « J’ai été surprise de ma capacité à aller vite, je ne savais pas où je me situais avant la course » confiait la barreuse de Banque Populaire X.

Enfin, ce parcours permettait à trois solitaires de valider leur qualification pour le Vendée Globe : Kojiro Shiraïshi, Isabelle Joschke et Clément Giraud*.

Un avant-goût de Vendée Globe

Le dénouement de la course s’est jugé dans l’axe de la bouée Nouch Sud, point de départ et d’arrivée du Vendée Globe. À moins de quatre mois du lancement du tour du monde en solitaire sans escale et sans assistance – et à trois mois de l’ouverture du village ! – c’est plus qu’un symbole. Les solitaires ont eu un petit avant-goût de ce qui les attend cet automne et ont unanimement remercié les organisateurs de leur avoir offert ce galop d’essai, indispensable à leur préparation. La Vendée-Arctique-Les Sables d’Olonne a séduit. La classe IMOCA réfléchit déjà à une prochaine édition !

En attendant, les marins ont rendez-vous à Lorient, du 9 au 13 septembre, pour la 10e édition du Trophée Azimut. Runs, 500 milles en solitaire et tour de l’île de Groix sont au programme. Ce sera la dernière rencontre sportive avant le grand départ le 8 novembre prochain.

*Contraints à l’abandon Sébastien Simon et Armel Tripon devront effectuer, avant le 15 septembre, un parcours de substitution de 2000 milles en solitaire pour pouvoir se qualifier au Vendée Globe.

Source

COM Alive

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