Glisse instable à 300 milles du dénouement

© Yann Riou

« Attends, je sors choquer ! » lançait pendant la vacation de 5h Kevin Escoffier (PRB), 5e au pointage. Au bruit de fond assourdissant qui a rythmé les conversations avec la mer tôt ce matin, il n’est pas difficile d’imaginer les conditions toniques dans lesquelles naviguent les 17 IMOCA de la Vendée – Arctique – Les Sables d’Olonne sur ce final. En tête, chacun affine sa trajectoire par rapport au flux de nord et à la route directe. Qui de Charal, Apivia, LinkedOut, Initiatives-Cœur ou PRB l’emportera ce soir aux alentours de minuit ?
Sur une mer lisse poussés par un bon flux de nord-nord-ouest qui oscille entre 12 et 20 nœuds, les grands monocoques à foils filent bon train. « On pourrait battre des records de vitesse, dommage que le continent européen soit si proche. Rarement je n’ai eu de telles conditions, j’ai fait des pointes à 27 nœuds cette nuit, la mer est plate, c’est le rêve » confiait Boris Herrmann, 7e à 50 milles des leaders, bienheureux de naviguer au portant dans la brise, la casse de son hook le contraignant à garder deux ris dans la grand-voile. Les prévisions météo sont une chose, mais la réalité en est une autre. « Ce n’est pas vraiment les conditions attendues. Je me suis retrouvé plus d’1h30 dans une zone moins ventée. Je n’ai pas passé une bonne nuit, j’ai effectué plusieurs changements de voile. C’est très instable. » confiait Kevin Escoffier qui reconnaît qu’il valait mieux se rapprocher de la route du directe plutôt que de se positionner au nord, tant le vent varie en force et en direction.

Bonne pioche pour Dalin et Davies ?

Hier soir, Charlie Dalin (Apivia) effectuait deux empannages pour se recaler au plus proche de la route directe vers les Sables d’Olonne. Pour Sam Davies (Initiatives-Cœur) ce choix de trajectoire est d’une simplicité enfantine : « Je ne voulais pas m’épuiser à changer de voile tout le temps, je n’étais pas très sûre de la météo, je me suis dit qu’il fallait foncer sur la route directe ». Résultat après une nuit « sur les portières » comme dit la Britannique : un décalage de 20 milles en latéral entre Jérémie Beyou (Charal) au nord et Sam Davies au sud, et des vitesses qui divergent selon les risées. Jérémie Beyou a été le plus rapide de la flotte ces 4 dernières heures avec plus de 19 nœuds de moyenne contre 17 pour Charlie Dalin. Le suspense reste entier à 300 milles de la ligne d’arrivée après plus de 2 500 milles parcourus…

Les quatre derniers au waypoint Gallimard à la mi-journée

A 300 milles de Jérémie Beyou (en tête au positionnement de 6h), Arnaud Boissières (La Mie Câline – Artisans Artipôle) devrait doubler le waypoint dans moins de 5h. Avec Manu Cousin (Groupe SÉTIN), Miranda Merron (Campagne de France) et Clément Giraud (Vers un monde sans sida), ils ne connaîtront pas d’arrêt buffet comme l’ont vécu ceux de devant. Les quatre derniers sont accompagnés par le front qui génère du vent de nord-ouest pour 15 nœuds. Ils pourront donc tracer tout droit vers la Vendée où ils sont attendus jeudi 16 dans la matinée.

ILS ONT DIT

Kevin Escoffier – PRB

« Il n’y a rien qui est terminé, à ces vitesses là avec ces bateaux là tout est encore possible. Je m’accroche et l’idée c’est de pousser pour faire la meilleure place possible en arrivant aux Sables. Concernant l‘entraînement pour le Vendée Globe on l’a en termes de fiabilité du bateau, de casser ce qu’il y a à casser, mais aussi d’expérience en solitaire : il fallait du temps de navigation pour nos bateaux et c’était la course parfaite pour ça je pense. On a eu plein de conditions différentes, c’était vraiment passionnant. »

Sam Davies – Initiatives-Cœur

« En fait on est dans un petit train qui n’est pas très prévisible. Je savais que les fichiers n’étaient pas super bons et le routage faisait une trajectoire assez précise et puis je me suis dit, quand on n’est pas sûre de ce qu’il se passe – en plus je n’ai pas grand-chose à perdre – je vais juste me lancer pleine balle le plus vite possible, plus ou moins dans la bonne direction et on verra ! Je suis plus sur la stratégie d’être la plus rapide tout le temps et d’essayer d’éviter de faire trop de changements de voiles parce que physiquement je ne suis pas ‘énorme’. Je ne peux pas enchaîner les changements, je vais perdre trop de distance donc j’ai la stratégie simple et rapide. Là, depuis j’ai affalé mon spi, j’ai un J0. Si j’avais su que j’allais avoir ce vent là je n’aurais peut-être pas choisi cette voile. J’imaginais avoir un peu moins de vent et là c’était un peu chaud au début, il y avait un peu plus de 20 nœuds, ça allait très vite. Maintenant il y a un peu moins de vent. En fait j’avais pris un ris et j’ai toujours le ris. J’ai un petit problème de hook de grand-voile. C’est juste un peu galère la prise de ris ça prend plus de temps que d‘habitude. Donc là c’est pareil, j’essaye de ne pas trop changer ça non plus. Je veille à ce que le bateau aille le plus vite possible, plus ou moins dans le bon sens. Moi je suis en train de prendre la bascule c’est ça qui est rigolo car la bascule vient par l’ouest mais nous on va vers l’est et du coup le timing de tout ça, c’est un peu compliqué. Mais là, ça commence à tourner vraiment.

Je suis contente de boucler la course. C’était l’objectif de tester le bateau pour le Vendée Globe et puis jouer, faire la compétition avec les bateaux aux mêmes vitesses que moi et on a un super groupe. Là le vent est en train de rentrer. Je parle avec toi et je gère ma trajectoire… C’est une super course et ce n’est pas fini, mais je suis ravie. Ah je suis obligée d’aller choquer je pense. »

Boris Herrmann – Seaexplorer – Yacht Club de Monaco

« Je vais à 24 nœuds, il y a parfois 27 nœuds de vitesse et le vent souffle à 21 nœuds. On fait un joli bord de reaching jusqu’à la fin je pense. Heureusement on a trouvé un peu de vent donc ça m’arrange bien. Il n’y a pas de problème, à part que j’ai un peu mal aux mains. J’ai mis le grand Genak, le Code 0. J’ai dû plusieurs fois affaler et renvoyer la GV dans la pétole d’hier pour réussir à hooker sur le J1 mais sans succès. J’ai fait un gros boulot hier je le sens dans les mains, elles sont gonflées et j’ai un peu mal. C’est un peu la même chose tous les matins. Je pense que je devrais arriver autour de minuit ce soir. Ça peut être 10h/minuit. Je pense qu’il n’y aura plus de changement de voiles, j’espère parce que je n’ai pas envie ! Ça marche très bien là, donc j’aimerais bien que ça reste exactement comme ça ! Ce sont de bonnes conditions pour aller vite. Et si vous pouviez reculer un peu la position de l’Europe on pourrait peut-être battre le record de 24h, mais là on n’a pas l’espace, on va toucher la terre avant. En plus on a une mer assez plate. Je ne le vois pas là tout de suite parce qu’il fait noir, là actuellement je suis dans ma bannette et je sens que le bateau ne bouge quasiment pas donc la mer doit être plate. Ce sont vraiment des conditions superbes, c’est rare, je n’ai pas encore beaucoup vécu ça. En tout, c’est ma 19ème journée de navigation sur Seaexplorer dans sa nouvelle configuration. Même avec ses anciens foils je n’ai pas souvent eu des conditions de navigation comme ça et le bateau n’allait pas aussi vite. La course a été très très bonne pour moi pour un test général pour le Vendée Globe. Je suis très content d’avoir pu faire cette course. Je suis très reconnaissant aux gens de la classe et tous les gens de l’organisation d’avoir fait cet énorme effort de réaliser cette course. C’est génial et ça nous permet d’être un peu plus confiant et moi particulièrement comme j’ai changé des choses sur le bateau cet hiver. Ça me donne confiance dans le bateau. Je n’ai pas eu un seul souci à part le souci de hook. Pour le reste, le bateau va bien, je n’ai pas de souci, je suis content et je pense qu’on pourrait partir pour le Vendée Globe demain ! On achèterait un peu de nourriture aux Sables et on pourrait repartir le 15 ! »

Source

COM Alive

Liens

Informations diverses

Sous le vent

Les vidéos associées : IMOCA