L’empannage déclenché hier au soir par François Joyon pour quitter l’extraordinaire dépression typique du Grand Sud qu’il a chevauchée tout au long de sa traversée d’Ouest en Est de l’Atlantique Sud, l’a placé désormais sur une trajectoire quasi linéaire plein Nord vers sa destination finale, Port Louis sur l’île Maurice. IDEC SPORT change ainsi radicalement de régime, de vent et de températures. Adieu cirés et polaires, vents violents et vitesses irraisonnables. Bonjour chaleur, vents modérés et allures apaisées. Seule demeure cette forte houle résiduelle qui va encore quelques heures chahuter le marin solitaire dont l’existence depuis un peu plus de 18 jours et plus de 10 000 milles parcourus à toute allure sur le fond, était entièrement dédiée à la performance. Soulagé d’avoir su et pu demeurer toute la semaine dans le bon wagon vers Bonne Espérance. Au delà, Joyon s’apprête à profiter pleinement des derniers 700 milles de cette Mauricienne parfaitement maîtrisée. Son arrivée est envisagée dès vendredi matin.

« Je retire petit à petit des couches de vêtement » raconte, apaisé et étonnamment reposé Francis Joyon. « Je fais route au Nord, vers la chaleur et le soleil. » Le soulagement est palpable. Francis a compris très tôt, dès la fin du contournement de l’anticyclone de Sainte Hélène, qui l’a mené cette année au plus près des rivages Brésiliens, qu’un énorme challenge se proposait à lui. Celui d’accrocher, pour ne plus la lâcher, la bordure Nord d’une dépression emblématique du Grand Sud, capable de cavaler à plus de trente noeuds vers l’Océan Indien. Francis va réaliser ce double exploit physique et stratégique de se cramponner toujours au bon endroit et en rythme avec ce violent système d’Ouest, dans des vents souvent supérieurs à 30 noeuds et sur une mer qui n’aura eu de cesse de se dégrader à l’approche du continent africain.
Cinq jours lui suffiront à ce rythme pour rallier Bonne Espérance depuis l’Est Sud américain. Sans couper le moins du monde son effort, le skipper d’IDEC SPORT a tiré jusqu’au dernier moment le meilleur parti de ces vents portants, ne lâchant ce généreux système qu’hier en fin de journée, pour entamer un autre type de joute, plus subtil celui là, avec le contournement d’un système de haute pression alangui sous Madagascar. Il vient sans coup férir d’entrouvrir la porte de sortie et va aujourd’hui procéder à franchir la zone de transition qui le sépare d’un nouveau système perturbé, destiné à le porter paisiblement jusqu’à l’île Maurice.

Arrivée vendredi matin ?

« Je suis satisfait d’avoir su garder le bon rythme durant cette si difficile semaine » avoue t’il enfin. « J’ai bien négocié mes transitions et suis surtout heureux d’avoir jusqu’à présent bien préservé le bateau, malgré une houle terrible qui atteignait ce matin encore les 10 mètres de creux ! On a été sous l’eau en permanence. Au point qu’il s’est formé une épaisse croûte de sel qui recouvre tout le bateau… Etonnant ! J’ai hâte de percevoir les îles. Je vois sur mon AIS que le trafic maritime s’intensifie. Je guette les odeurs, les couleurs annonciatrices des prochaines terres. Je suis un peu fatigué. »
Le dernier bord tribord amure s’annonce paisible. Avec déjà plus de 1 500 miles d’avance sur sa trace de 2009, Francis ne va pas pousser outre mesure son destrier. Il vise une arrivée vendredi matin aux premières lueurs du jour…

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