Différentiel de vitesses sur l’autoroute du sud

© Christophe Breschi

Ils sont heureux les 53 équipages en mer de la 14e édition de Transat Jacques Vabre Normandie Le Havre… enfin presque ! Car si les conditions de navigation demeurent plus clémentes, tous ne voient pas les mêmes vitesses au compteur. Les premiers foncent pleine balle en approche de la longitude du Cap Vert, tandis qu’une grosse partie des IMOCA et des Class40 butent dans cette dorsale capricieuse, cette zone sans vent juste en dessous de Madère. Les écarts deviennent conséquents (550 milles entre le premier et le dernier IMOCA, et près de 300 milles chez les Class40). Mais, on sait bien que sur la Route du café, tant que le Pot-au-noir n’est pas traversé, tout peut arriver. Vitesse et stratégies se mettent en place pour atteindre la zone de convergence intertropicale.

Class40 : négocier Madère

La flotte des 22 Class40 étalée sur près de 300 milles ce soir, entre le dernier Terre Exotique et le premier, Crédit Mutuel, navigue entre le cap Saint-Vincent et Madère dans des conditions qui s’améliorent nettement. « Le soleil est enfin de retour. On apprécie d’autant plus qu’il est grand temps de faire sécher l’intérieur du bateau et les vêtements ! L’intérieur ressemble à un véritable étendoir » écrit depuis le bord de Prendre la mer Agir pour la forêt, Mathieu Claveau. Enfin, les bateaux naviguent bride abattue vers des cieux meilleurs où les bateaux seront bientôt portés par le vent arrière… Mais avant d’atteindre les alizés, il va falloir négocier l’île portugaise de Madère et son volcan culminant à 1 800 m d’altitude, puis dans la foulée la fameuse dorsale, cette zone sans vent que redoutent les marins. « Nous sommes plutôt dans un bon timing pour passer la dorsale sans trop d’encombres. Nous serons ce soir à Madère, on va voir comment on négocie l’île. Il ne faut pas perdre notre décalage ouest. » expliquait ce midi à la vacation Fabien Delahaye sur Leyton, au coude à coude avec Aïna Enfance & Avenir, totalement éberlué par la vitesse du scow Crédit Mutuel en tête depuis ce matin et qui creuse l’écart avec plus de 15 milles d’avance ce soir ! 150 milles de décalage sont à noter entre les premiers à l’ouest et le trio dans l’est (Made in Midi, Crosscall Chamonix Mont-Blanc et Linkt). La dorsale devrait dessiner une vraie hiérarchie dès demain…

Multi50 : incurver vers l’ouest

Ca tartine avec des pointes à 28 nœuds au grand large de Dakhla… La vacation de midi avec Thibaut Vauchel-Camus sur Solidaires En Peloton – ARSEP avait quelque chose de surréaliste, rythmée par les sifflements et les bruits brutaux liés à la vitesse du bateau et aux paquets de mer. « On a actuellement entre 20 et 25 nœuds de vent, une mer un peu courte, l’ambiance est très humide. Nous avançons entre 20 et 28 nœuds. Nous sommes passés à l’intérieur des Canaries, mais maintenant, c’est plus compliqué à cause du Pot-au-noir à aller chercher. Là, on attend un petit créneau pour refaire de l’ouest et réduire le latéral. On se voit au Pot-au-noir dans trois jours… » expliquait Thibaut ce midi. Leur choix est simple : ils ne voulaient pas recroiser derrière Groupe GCA – Mille et un sourires et Primonial. Ils ont tenté le coup, mais il va en effet bien falloir faire cap à l’ouest… L’énorme duel depuis le large de Gibraltar se poursuit entre les deux tandems Lamiré/Carpentier et Rogues/Souben décalés en latéral de près de 60 milles maintenant avec un écart sur la route directe de 3 petits milles. Primonial joue le décalage ouest, il a bien raison. Course de vitesse et quelques empannages à placer sont au programme des 3 Mulit50 pour rejoindre la Zone de Convergence Intertropicale mardi prochain.

IMOCA : deux flottes désormais

La dorsale (zone de vents faibles et erratiques) a littéralement coupé en deux la flotte des IMOCA. Les plus à la peine ont été Manu Cousin et Gildas Morvan sur Groupe Setin qui commencent ce soir à peine à s’en sortir. « La dorsale à l’endroit où l’on se trouve fait environ 200 milles de large, c’est long à traverser sans vent surtout quand cette bande descend en même temps que vous…. Une seule chose à faire : régler au mieux notre bateau qui remue dans tous les sens avec les voiles qui claquent à chaque vague » écrivait Manu ce matin après une nuit blanche. Le duo est désormais à 160 milles derrière Attanasio et Marsset (Pure). Charal conserve ce soir la tête du classement des IMOCA, 46 milles devant Apivia. La stratégie bat son plein dans le sud-ouest des îles Canaries pour parer le dévent important des hauts volcans. Empannages et petits décalages vers l’ouest sont légions pour cette première partie de la flotte qui se tient en 230 milles de Charal jusqu’à Pure. Au nord, à l’entrée de la dorsale, entre l’équipage le plus à l’ouest (Maître CoQ) et le plus à l’est (Campagne de France) il y 490 milles ! Une gigantesque ligne de départ au large du Maroc. Et du côté de l’ouest, les vitesses sont très faibles : de 3 à 6 nœuds pas plus. Il va y avoir des écarts considérables avant l’arrivée dans le Pot-au-noir avec le groupe de tête.

Rappel :

  • 5 abandons en Class40 (Lamotte-Module Création, Beijaflore, Kiho, SOS Méditerranée, Entraide Marine – ADOSM)

Avaries :

  • MASCF (Imoca) en réparation à Lorient
  • Equipe de voile Parkinson (Class40) va faire escale à Madère pour réparer le support de son hydrogénérateur.

Date : 02/11/19 – 16h00

  • Class40
    1 – Crédit Mutuel
    2 – Leyton
    3 – Aïna Enfance & Avenir
  • Multi50
    1 – GROUPE GCA – MILLE ET UN SOURIRES
    2 – PRIMONIAL
    3 – Solidaires En Peloton – ARSEP
  • Imoca
    1 – Charal
    2 – Apivia
    3 – Banque Populaire X

Les mots des skippers

Jérémie Beyou, skipper de Charal (IMOCA)

Ca se passe super bien, on a retrouvé du soleil et des vents un peu plus maniables, on a eu des journées sports avec des empannages, des choix à faire dans du vent soutenu jusqu’à 30 nœuds. On a pris notre premier petit-déjeuner ce matin, les choses se mettent en place. On n’a pas de véritables phases de vol depuis le départ, on est au VMG portant depuis le Portugal. On ne vole pas, et ne mettons pas tout le temps le foil. Dans l’alizé au VMG portant, il n’y a pas d’avantage par rapport aux bateaux à dérives. Les bateaux comme celui d’Armel (Banque Populaire), ont presque un avantage. Pour voler, il faut monter haut en angle. On est sous A3, à 140° du vent, dans 17-18 nœuds, la mer est pas mal rangée, ça file bien, c’est beau. Pour le Pot-au-noir, on a commencé à regarder, ça a l’air correct, mais je pense qu’il ne faut pas trop traîner, ça peut changer rapidement. Il faut faire attention à bien passer le dévent des canaries, il y a un peu de stratégie. »

Halvard Mabire, co-skipper de Campagne de France (IMOCA)

Nous avons été tankés cette nuit, on ne sait pas si on en est sorti de la dorsale. Nous découvrons un peu le bateau, on en découvre tous les jours. On est encore dans une zone compliquée, le ciel est couvert, le vent est variable en direction, c’est du ouest-nord-ouest. Nous avons pas mal de petites bricoles, mais nous n’avons aucune surprise. On est dans la catégorie IMOCA Vintage. Le co-skipper est vintage aussi ! J’ai Miranda qui fait le boulot, j’en profite du coup ! On se prépare pour une traversée qui s’annonce pas mal, l’idée c’est d’arriver à Salvador et de ramener le bateau. On a un eu un poisson volant pour la première fois, il faisait 3,5 cm. C’est du lançon volant ! Il y avait pas mal de cargos à la sortie de Gibraltar.

Renaud Courbon, co-skipper de A chacun son Everest (Class40)

Tout va bien, tout marche bien, le moral est bon ! Il y a un grand soleil, on marche à 9,5 nœuds, il y a 16 nœuds de vent. On se régale, on est mieux ici qu’au bureau. On fait des relevés réguliers pour regarder la position des copains, pour nous c’est neuf, car on n’est pas habitué à ce format géant de course océanique. C’est assez drôle, on s’éclate. On est content de notre positionnement et avons toujours l’espoir de grappiller des places, on savait que pour nous, ce n’était pas un objectif primordial d’accrocher les 10 premiers. Il va y avoir encore des coups à faire, la route est encore longue. Nous avons Madère sur la route, c’est une île volcanique, et on a l’impression qu’il faut faire le grand le tour. Je pense que la dorsale risque de bien se passer pour nous.

Thibaut Vauchel Camus, skipper de Solidaires En Peloton – ARSEP (Multi50)

On est dans une position un peu trop décalée dans l’est. Le jeu, c’est de ne surtout pas les recroiser, de gagner dans le sud. On a fait un peu de tourisme à Tenerife mais Il a fallu empanner plusieurs fois entre les dévents de Tenerife et de Gran Canaria. On a actuellement entre 20 et 25 nœuds de vent, une mer un peu courte, l’ambiance est très humide. Nous avançons entre 20 et 27 nœuds. Il fallait empanner pour passer au nord des Canaries et on ne voulait surtout pas recroiser dans leur tableau. Nous avons préféré faire ce choix. Maintenant, c’est plus compliqué à cause du Pot-au-noir à aller chercher. Là, on attend un petit créneau pour refaire de l’ouest et réduire le latéral. On se voit au Pot-au-noir dans trois jours.

Fabien Delahaye, co-skipper de Leyton (Class40)

Le soleil est avec nous donc ce n’est pas pour nous déplaire. Hier était une journée un peu catastrophique où on a cherché à sortir d’un front qui se déplaçait avec nous, avec des grains à 45 nœuds. Depuis, le vent s’est calmé, la mer aussi. On a 20 nœuds sous gennaker à un angle qui va vite. Nous sommes plutôt dans un bon timing pour passer la dorsale sans trop d’encombres. Nous serons ce soir à Madère, on va voir comment on négocie l’île. Il ne faut pas perdre notre décalage ouest. Aïna Enfance & Avenir nous était passé devant mais on est revenu toute la nuit et la matinée. Je pense que nous n’avons pas exactement la même voile, on lui a repris 20 milles. Ça, c’est la bonne nouvelle. La mauvaise, c’est Crédit Mutuel qui va vraiment très vite, je ne sais pas comment ils font. Visiblement, leur bateau a un gros potentiel et ils tiennent des vitesses qu’on ne sait pas faire.

Benjamin Dutreux, skipper de Water Family (IMOCA)

Tout le monde va bien, Thomas qui est à côté de moi et José aussi (l’arbre du bord) qui peut prendre enfin le soleil ! Ce matin, nous sommes tombés dans des grains un peu bizarres, et du coup, on s’est retrouvé à faire une route à l’est et il a fallu se recaler au près en faisant plusieurs virements. On s’est tiré une petite balle dans le pied, mais c’était pour récupérer des conditions correctes. Maintenant, on est hyper contents, on a ouvert les voiles et on accélère. C’est assez marrant le regroupement de la flotte. A chaque fois qu’on fait des prévisions avec Thomas, on est à côté de la plaque, les fichiers ne sont pas calés. Donc on attend les classements à chaque fois et on ne fait plus trop de pronostics, on fait notre route et on verra bien.

Source

Soazig Guého

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