Retour sur la 48e édition de la Rolex Fastnet Race

© Paul Wyeth

Que ce soit en force ou en direction, le vent a clairement été le facteur dominant de la 48e édition de la Rolex Fastnet Race. Avec un flux de sud-est inédit le jour du départ et pendant la première nuit, permettant aux concurrents de filer sur un bord dans l’ouest du Solent et en Manche, l’arrivée du nouveau vent de sud-ouest a ensuite permis aux bateaux d’allonger la foulée sur un bord de reaching serré en Mer Celtique. Avec des schémas météos très inhabituels, cette Rolex Fastnet Race 2019 fut une édition rapide faisant tomber de nombreux records, en allant des Ultimes aux Sigma 38.

Elle confirme également son statut de plus grande épreuve de course au large au monde, avec un nouveau record de 388 bateaux, contre 362 en 2017.

Comme d’habitude, la course fut une superbe occasion pour les unités à la pointe de la technologie, comme les Ultimes, les IMOCA 60 et les Class40, de naviguer aux côtés de l’immense flotte IRC, à la conquête de la plus prestigieuse récompense de l’épreuve : la Fastnet Challenge Cup. La flotte des bateaux IRC comprenait les plus grands Maxis, des équipes professionnelles ou des équipages familiaux, des Yachts Clubs, des associations caritatives ou encore des écoles de voile.

Tandis que les conditions du départ annonçaient un vent de sud-est très léger, notamment dans l’ouest du Solent sous le vent de l’île de Wight, il était opportun de lancer la flotte à l’ouest, profitant d’un fort courant de marée favorable.

Alors que la plus grande partie de la flotte se dirigeait vers le centre de la Manche, Portland Bill et Start Point étaient finalement moins compliqués à atteindre, compte tenu de l’importante transition de la première nuit. En effet, comment s’attaquer à la pétole était la grande question. Les prévisions annonçant des vents moins faibles au sud, la Classe Imoca a suivi cette trajectoire, notamment PRB et le Malizia – Yacht Club de Monaco très extrêmes, naviguant à seulement 30 milles des côtes française avant de revirer au nord.

Mais la vedette de cette première soirée était britannique, Pip Hare et l’Australien Paul Larsen, qui naviguait à bord de Superbigou, ce ‘vieux’ bateau âgé de 19 ans. Lorsque le vent s’est écroulé et que la marée redescendait en milieu de Manche, même les monocoques les plus rapides de la flotte se retrouvaient totalement arrêtés. Pendant ce temps, au nord, Pip Hare et Paul Larsen tricotaient toujours le long des côtes. A minuit, ils se retrouvèrent non seulement à la tête des IMOCA 60, mais aussi de l’ensemble de la flotte de monocoques, y compris le Rambler 88 de George David et le Dovell 100 SHK Scallywag de Seng Huang Lee.

Comme Pip Hare l’explique : « C’était important d’aller à l’ouest pendant la transition. Dès le départ je sentais que le courant de marée serait aussi important que le vent. En longeant la côte et en gérant bien les renverses, maintenir le cap à l’ouest permet d’avoir toujours du vent. »

Inévitablement, ce scenario n’a pas duré. Les grands monocoques IRC les dépassaient avant le Cap Lizard, mais ce n’est que le dimanche, à l’approche des Scillies, qu’un autre Imoca60 prenait l’avantage.

Pour l’intégralité de la flotte, la traversée de la mer Celtique s’est faite en ligne droite sur un bord dans un vent soutenu. Avec le flux de sud-ouest ayant soufflé les jours auparavant, l’état de la mer n’était pas praticable, causant le mal de mer aux équipages des plus petits bateaux. Tout cela fut vite oublié une fois le phare du Fastnet contourné, avec un bord de reaching permettant de surfer sur les vagues jusqu’à Bishop Rock, devant le Cap Lizard et jusqu’à la ligne d’arrivée devant Plymouth.

Tout le monde savait que les Ultimes seraient les plus rapides, mais personne n’aurait pu prédire une course aussi serrée entre ces maxis trimarans volants, capables d’atteindre plus de 40 nœuds.

Le Maxi Edmond de Rothschild qui menait la course jusqu’au Rock, s’est fait doubler ensuite par le trimaran MACIF de François Gabart, qui semblait avoir désormais course gagnée. Une dernière option sur l’ultime empannage a permis au Maxi Edmond de Rothschild de s’envoler vers la victoire et de franchir la ligne 58 secondes devant Macif. Le Maxi Edmond de Rothschild a réalisé un temps de 1 jour 4 heures 2 minutes 26 secondes, améliorant ainsi de 4 heures 45 minutes et 34 secondes le record de la course en multicoque établi par le Maxi Banque Populaire en 2011.

Charles Caudrelier, co-skipper de Franck Cammas sur le Maxi Edmond de Rothschild commentait : « « C’est toujours plaisant de battre François car c’est un des marins les plus réputés en multicoque, qui dispose d’un très bon bateau et d’une très bonne équipe. Notre bateau est parfois plus rapide dans certaines conditions, mais ils se sont améliorés en vitesse et naviguent très bien. C’était une grosse bagarre – très amusante ! »

Derrière, la bagarre faisait également rage entre le plus expérimenté Rambler 88 et le plus long SHK Scallywag pour décrocher les honneurs en monocoque. La première nuit, les deux équipages sont descendus trop sud, permettant au VO70 Wizard de David et Peter Askew de prendre les devants. SHK Scallywag reprenait la tête de la course devant le Cap Lizard, mais la taille et la puissance de Rambler 88 lui permettait de reprendre le lead et d’enrouler le Fastnet avec 17 minutes d’avance en établissant un nouveau record de 26 heures 45 minutes et 47 secondes. Rambler 88 a conservé la tête de la course jusqu’à la ligne d’arrivée sans toutefois battre le record en monocoque de l’Abu Dhabi Ocean Racing en 2011.

En temps compensé, c’est finalement Wizard qui l’emporte en IRC Z avec 45 minutes d’avance. Le VO70 Americain a navigué de manière intelligemment tout au long de la course, tant dans les manœuvres que tactiquement. Par exemple, en gérant mieux la transition la première nuit en naviguant plus bas, avec un excellent équipage et de très bons choix de voiles.

Le deuxième en IRC Z est un autre bateau avec quille pivotante, Bretagne Telecom du français Nicolas Groleau, qui participait à sa sixième Rolex Fastnet à bord de son Mach 45, cette fois-ci avec un équipage de haut-vol, dont l’architecte Sam Manuard et Nicolas Troussel, skipper en Imoca60.

Pour les vingt IMOCA 60 engagés, la course a effectivement repris ses droits aux Scillies. Jérémie Beyou et Christopher Pratt sur Charal ont pu faire une démonstration de la vitesse exceptionnelle de leur foiler dernière génération en accentuant leur avance de 2 à 15 milles nautiques sur la traversée de la mer Celtique. Un changement de voile hasardeux sur Charal après avoir contourné le Rock a permis au duo Yannick Bestaven-Roland Jourdain sur Maître CoQ de revenir à leur niveau sur le bord de reaching retour, mais Charal a réaccéléré, enregistrant par là-même son record de vitesse sur l’épreuve, à 33-34 nœuds.

Même si la flotte des Imoca 60 avait tendance à se resserrer avant l’arrivée à Plymouth, Charal a pu conserver le leadership en couvrant ses arrières et remporte l’épreuve dans sa catégorie en 2 jours 1 heure et 32 minutes. Kevin Escoffier, ravi de sa première participation à une course en tant que nouveau skipper de PRB, a pris la deuxième place avec Nicolas Lunven en franchissant la ligne 23 minutes plus tard, et quatre minutes avant Banque Populaire, skippé par Clarisse Cremer, nouvelle navigatrice sur le circuit IMOCA 60, accompagnée d’Armel Le Cleac’h, vainqueur du Vendée Globe.

Jérémie Beyou commentait sa victoire : « C’était bien ! mais c’était dur nerveusement car dès que l’on menait, ça revenait par derrière. Nous finissons premiers et c’est une belle réussite pour toute l’équipe, notamment après avoir abandonné les deux dernières courses. Ça a été instructif de voir le bateau performer dans des conditions différentes : au près, au portant, dans la molle ou dans le vent fort. »

Les leaders en Class40 sont eux arrivés au milieu de la flotte des IRC Z et avant même quelques Imoca. La concurrence était bien présente dans cette flotte de 19 bateaux, notamment entre les Mach 40.3 dessinés par Sam Manuard : Lamotte – Module Création de Luke Berry, Eärendil de Catherine Pourre, et Leyton mené par Rodrigue Cabaz mais aussi avec Imagine conçu d’Owen Clarke, mené par l’allemand Jörg Reichers et Beijaflore, le lift40 de William Mathelin Moreaux dessiné par Marc Lombard.

Eärendil menait les Class40 pour l’entrée en mer Celtique, mais Beijaflore, à bord duquel naviguait Marc Guillemot a pris ensuite la tête de la flotte et enroulait le Phare du Fastnet 34 minutes devant Lamotte – Module Création. Mais Luke Berry et son équipage, avec Corentin Douguet et Fred Denis, ont repris l’avantage sur le bord de reaching jusqu’à Bishop Rock et en plein match-race jusqu’à la ligne, remporte l’épreuve à moins du trois minutes du deuxième.

En IRC 1, le Ker 46 Tonnerre de Glen du Français Dominique Tian et Ino XXX de James Neville ont mené la régate sur l’eau mais sont finalement battus en temps compensé par deux plus petits concurrents – L’Ange de Milon de Jacques Pelletier qui termine 30 minutes devant Lann Ael 2 de Didier Gaudoux, vainqueur toutes classes de la Rolex Fastnet Race 2017.

Lors de sa première participation au Fastnet en 1973, il avait fallu plus de 6 jours et 6 heures à Jacques Pelletier pour la boucler. Cette année, avec un équipage bien entraîné, il lui en aura fallu la moitié à bord du nouveau JPK. Le dénominateur commun aux victoires de Lann Ael en 2017 et de l’Ange de Milon cette année est le tacticien, Fred Duthil.

Ce n’est pas un hasard si Géry Trentesaux et son JPK 11.80 Courrier recommandé remportent les honneurs en IRC 2. Grand habitué de l’épreuve comme Jacques Pelletier, Gery Trentesaux avait remporté l’épreuve toutes classes confondues en 2015 lors de sa 13e participation. Cette année, Gery Trentesaux a bouclé le parcours en franchissant la ligne 2 heures et 28 minutes avant le MC34 de François Lognone, Nutmeg Solidaire En Peloton, en IRC. Parmi les plus gros et plus rapides bateaux en IRC 1, seuls huit bateaux avaient auparavant franchi la ligne.

Le Figariste Alexis Loison, vainqueur de la Rolex Fastnet Race 2013 avec son père Pascal, a également obtenu un record cette année, participant en double avec Jean-Pierre Kelbert, de JPK Composites, à bord du tout nouveau 10.30 Léon.

Sur la première partie de la course, Léon a bien bataillé en IRC avec le JPK 10.80 Dream Pearls d’Arnaud Delamare et Eric Mordret. Mais sur le bord de reaching retour dans des conditions soutenues, Léon a allongé la foulée ! Son avance de 17 minutes au Fatsnet en IRC se transformait en 4 heures et 49 minutes à l’arrivée – le plus grand écart toutes catégories confondues.

« Une course incroyable, une flotte magnifique avec beaucoup de bateaux différents, une épreuve où il y a toujours de la confrontation – une course mythique », a commenté Alexis Loison.

En IRC 4, le vainqueur ne fut pas une grande surprise. Le Foggy Dew de Noel Racine a remporté 4 fois le trophée dans cette plus petite catégorie sur les 8 dernières éditions du Fastnet. En revanche, contrairement aux vainqueurs en IRC 1 et 3, qui naviguaient sur de nouveaux bateaux, son JPK 10.10 est le même depuis 2011. Il gagne avec une avance respectable d’1 heure et 9 minutes devant son sistership Gioia d’Emmanuel & Etienne Pinteaux.

La classe IRC en double continue sa croissance, passant de 57 inscrits en 2017 à 63 cette année. Après le succès des Loison en 2013, les duos sont devenus la norme dans les petites classes IRC, en particulier en IRC 3, où six des dix premiers étaient en double. En IRC 2H, Léon remporte franchement les débats ; permettant à Alexis Loison de remporter le prix dans cette catégorie pour la troisième fois sur quatre participations.

Même si les Ultimes ont incontestablement volé la vedette en multicoque et que Sébastien Rogues profitait de sa première sortie sur son nouveau trimaran Multi50 Primonial, le vainqueur dans la catégorie multicoques MOCRA est le très convoité catamaran TS42 Guyader Gastronomie de Christian Guyader.

En fin de compte, le vainqueur de la Rolex Fastnet Race cette année met un terme à la domination française depuis trois éditions : les Askews et leur magnifique Wizard. Les deux frères de Baltimore continuent leurs séries de victoires après la Newport Bermuda l’année dernière, la RORC Caribbean 600 et la Transatlantic Race 2019. Ils disposaient d’un équipage incroyable mené par le skipper Charlie Enright, deux fois vainqueur de la Volvo Ocean Race : Will Oxley à la navigation, et d’autres grands marins issus de courses autour du monde, dont Rob Greenhalgh et Richard Clarke.

 » Remporter la course est incroyable », a déclaré David Askew. « De toute évidence, la Rolex Fastnet Race est le plus grand événement en course au large au monde. Son histoire est magnifique et remonte à bien avant ma naissance, et pourtant je suis un vieil homme! »

La campagne Askews est unique en ce sens que, financée par des fonds privés (ils dirigent la société USALCO), les deux frères ont, dans leur jeunesse, mené de grandes campagnes de bateaux de course.

« Je pense que cette victoire est un tout : l’organisation, les capacités de Charlie Enright, l’expérience collective de tous les membres de l’équipage ainsi que des deux propriétaires et la sélection du bon outil pour le poste, le VO70 », a poursuivi David. « La somme de tous ces éléments contribue au résultat. Et un peu la chance aussi ! ”

Dans l’ensemble, l’édition 2019 était une affaire de gros bateaux. En plus de Wizard, six des 10 premiers en IRC sont des IRC Z, Courrier Recommandé se classant cinquième, devant Léon et L’Ange De Milon.

Même si Wizard met fin à la série de trois victoires françaises, les bateaux français ont remporté les honneurs dans toutes les catégories, sauf en IRC Z. Mais il y a tout de même des racines françaises – Wizard est le bateau vainqueur de la Volvo Ocean Race 2011-12, le Groupama de Franck Cammas

Source

Royal Ocean Racing Club

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Informations diverses

Mis à l'eau le: 19 août 2019

Matossé sous: Circuit Rolex, Fastnet Race, Régates

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