Le dernier des géants des mers dévoilé

  • © Fréd Morin
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Sodebo et le skipper Thomas Coville ont dévoilé le dernier né des trimarans de la Classe Ultim 32/23. Pendant 18 mois, les portes du chantier sont restées fermées sur ce prototype de dernière génération. Le skipper raconte l’histoire cachée de la construction de Sodebo ULTIM 3.

« J’aurais pu rester un équipier modèle et continuer de naviguer avec Olivier de Kersauson ou Franck Cammas. J’ai simplement croisé en 1999 la route d’une entreprise inspirée et inspirante avec laquelle j’avance depuis deux décennies. »

27 décembre 2016

« C’est le moment du petit-déjeuner. Autour de la table, Jean-Christophe Moussard qui dirige le team voile et Patricia Brochard, une des trois Co Présidentes de Sodebo qui est toujours là, victoire ou pas. Ce jour-là, c’est une vraie victoire puisqu’après cinq tentatives, je viens de boucler le premier tour du monde en solitaire en moins de 50 jours. Et moins de 48 heures après la ligne d’arrivée, les dirigeants de Sodebo, me proposent de partir avec eux pour une nouvelle aventure à partir d’une feuille blanche.
Rapidement, je me dis que c’est une façon de rebondir après ce qui aurait pu être un aboutissement. Je me laisse quelques jours pour laisser reposer l’émotion. Alors que Sodebo me renouvelle sa confiance, la vraie prise de risque est bien de se lancer et d’expliquer ce que j’ai déjà en tête ! »

« Construire un bateau de 32 mètres de long, 23 m de large et 34 de haut, c’est une prise de risque qui fait partie de ma vie

Avant même le rachat de Geronimo en 2013, j’avais derrière la tête des études et des avant-projets.
Avec le rachat du bateau qu’Olivier de Kersauson avait conçu pour 14 hommes et que nous avons transformé pour naviguer en solo, j’ai continué à penser au bateau de demain et à ce qu’il pourrait être, à ce qui pourrait exister. Je savais déjà que pour être compétitif, il me faudrait un nouveau support.
Je suis en permanence dans la gestation d’un nouveau bateau. J’aime cette veille technologique qui m’impose une ouverture et une curiosité tous azimuts et sans barrières.
Penser autrement, c’est aussi expérimenter ce qui se fait ailleurs comme en aéronautique ou dans l’automobile. Ce projet a rapproché plusieurs mondes : l’aéronautique, la voiture, la moto. On a l’impression d’être pionnier et de passer un cap mais nous sommes simplement allés chercher cette réflexion qui existe dans d’autres milieux.
Cette mutation dans la conception a alimenté une sphère d’idées foisonnante. Elle a guidé certaines de nos décisions notamment la mise en place d’une organisation novatrice. »

« Pas un seul sachant, pas un seul visionnaire mais un Design team collaboratif*

« L’idée fondatrice de ce projet qui nous a amené à faire un bateau si différent et atypique est née au retour du tour du monde. Actuellement, les bateaux sont trop complexes pour qu’il n’y ait qu’un seul sachant et donc un seul architecte.
Qui dit nouveau bateau, dit nouvelles méthodes et pourquoi pas un Design team avec des gens que j’avais côtoyé dans leurs expertises.
En mettant en place ce Design team, je savais qu’il allait falloir que j’explique à plusieurs personnes le goût que j’avais dans la bouche, la musique, le tableau que j’avais en tête.

La transcription de l’acte est assez démesurée. Il n’y a pas beaucoup d’actes qui mesure 32m de long sur 23 m de large et 34 de haut ! Nous avons réussi à passer de la parole à l’acte avec un partenaire qui nous a laissé la liberté d’oser.
Quand je propose ce projet plus collaboratif, c’est aussi parce que je suis influencé par la culture de Sodebo qui sait placer l’humain au centre de ses projets.
La collaboration d’une douzaine de personnes autour d’un rêve nous a fait progresser. »

 

« Le fait d’avoir le cockpit devant le mât va considérablement améliorer la manœuvrabilité du bateau. L’habitacle est complètement intégré et ressemble à un cockpit d’avion. Ce n’est pas une petite évolution et je suis assez fier.
On se souvient dans les années 50, les pilotes étaient à l’arrière de leurs avions. Ils se protégeaient avec des petites lunettes et un casque en cuir, c’était très romantique. Et puis un jour, ils se sont rendus compte que plus on poussait sur les ailes, plus ça répondait. C’est la même chose avec Sodebo Ultim 3.

L’habitacle qui représente 20% de la masse du bateau a été avancé de 7 mètres par rapport au précédent Sodebo et le centre de gravité du bateau d’1,20 mètres. C’est ce qui a déterminé tout le reste et chaque chose a trouvé sa place de façon harmonieuse.

Dans tous les sports mécaniques, le centrage des masses est une donnée de base de l’aérodynamisme et de l’hydrodynamique.
Au niveau vision, perception, équilibre et repères pour régler les voiles et la grand-voile, je vais être beaucoup plus proche de l’étrave et des embruns. Mais quand on circule dans un avion, plus on est proche du centre de gravité, moins on est chahuté et sollicité. On verra dès les premières navigations mais l’objectif c’est que ce soit plus confortable.
La notion de pilotage, on la retrouve dans ce cockpit intégré dans le bras avant qui va donner une vision complètement différente de la manière de naviguer.
Depuis le départ, le bateau est très conservateur. Nous n’avons pas voulu en faire un bateau volant. Il progressera au fur et à mesure.

Un voilier de course au large résolument atypique

« Audacieux et ambitieux ! Ce sont les mots qui caractérisent le mieux ce nouveau bateau. Je ne pense pas que nous ayons tort ou raison mais nous osons tenter quelque chose de différent.
Quand nous avons lancé les études pour confirmer que cette idée était réalisable, les choses se sont combinées entre elles sans faire de compromis. Quand tu te poses la question de « pourquoi on n’a pas fait ça avant ? », c’est que tu tiens une bonne idée. On a osé et il est certain que ce bateau dénote une approche audacieuse. Depuis le début, dans la conversation que j’ai eu avec le Design team, j’ai accepté de changer ma perception, ma vue, ma façon de naviguer. C’est très radical, il va falloir me remettre en cause dans tous mes retranchements. Naviguer, c’est s’adapter en permanence et nous sommes allés jusqu’à le faire d’un point de vue architectural et technique.
Je trouve le bateau très épuré. Quand on va le mater et le mettre à l’eau, ça va être quelque chose de le voir dans son intégralité. »

« Tu comprends vite si le bateau à la bonne sonorité et sensibilité »

Alors que les 22 personnes du team Sodebo ULTIM 3 ouvrent aujourd’hui les portes du chantier où ils ont passé 18 mois pour concevoir et construire ce bateau de dernière génération, le skipper est déjà passé à l’étape suivante. Celle de la mise à l’eau.

« Quand le bateau est sous la grue, quand il se dépose sur l’eau, au moment où il devient libre, tu décryptes des choses par rapport à sa masse et son positionnement sur l’eau. Quand il se détache de la grue, tu ressens une émotion particulière de l’amener dans l’élément dans lequel il va vivre sa vie. Mais le moment le plus important, c’est après une, trois, cinq ou six navigations où tu comprends vite si le bateau a la bonne sonorité, la bonne sensibilité. Tu comprends s’il est comme ce qui se passe dans ta tête de façon quasiment chimique, s’il irrigue une partie de ton cerveau qui correspond à une vague que tu as connue dans le sud sous l’Australie ou vers la Nouvelle Zélande. De cette vague là, est née une émotion qui correspond pour toi à un volume, à une forme, à un équilibre. A cet instant, tu retrouves cette forme, cet équilibre, cette sensation.

L’émotion est aussi dans le premier vol, la première fois que le bateau monte sur une coque, son premier cabrage. C’est au fond de tes tripes. C’est une addiction. Quand on crée un nouveau bateau, on le fait quasiment pour cette émotion. Il est aussi là bien sûr pour répondre à un calendrier et des compétitions. »

La dimension humaine jusque dans la décoration

« Nous voulions que ce nouveau bateau soit épuré avec des lignes assez tendues, avec une déco plus légère dans les couleurs avec une connotation plus blanche que Sodebo ULTIM’ 2.

Il y avait une vraie volonté de Sodebo d’y ajouter une dimension humaine et que cela se lise dans la symbolique. L’allure finale de ce bateau sur laquelle Sodebo a imprimé sa patte avec ces figurines et l’esperluette est réussie. »

La prise en main de ce nouveau bateau pour lequel nous sommes partis d’une feuille blanche sera bien l’enjeu des six prochains mois

  • 14 mars mise à l’eau (date à confirmer en fonction de la météo)
  • semaine du 18 au 22 mars : test statiques à quai =mettre en tension
  • dernière semaine de mars : premières navigations et tests en mer de l’instrumentation

Au fur et à mesure, les programmes d’entraînements vont s’intensifier

Ce bateau a été construit et conçu pour faire le tour du monde en solitaire. C’est sa première ambition en course.
Tout sera aussi optimisé pour les courses en équipage.

Dans notre programme, il y a 14 transats et 3 tours du monde.

*LE DESIGN TEAM SODEBO

Yves Mignard (responsable du BE) Elie Canivenc, Jean Mathieu Bourgeon, William Fabulet, Valentin Hostettler, Johan Boutserin, Fréderic Gastinel

Source

Aline Bourgeois

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Informations diverses

Mis à l'eau le: 4 mars 2019

Matossé sous: Classe Ultim 32/23, Course au Large, Records, Ultime

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