Une mer amère

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© YVAN ZEDDA

Avec le chavirage d’Armel Le Cléac’h ce mardi midi, la catégorie ULTIME a perdu son troisième grand animateur de la Route du Rhum-Destination Guadeloupe : le match en temps réel se joue désormais entre François Gabart et Francis Joyon qui ont réussi à passer au Sud. Mais il leur faut accrocher les alizés, ce qui s’annonce plus compliqué que prévu… Pour les autres catégories, c’est au cœur d’une deuxième dépression que les solitaires bataillent pour se sortir de cette nasse.

La nouvelle est tombée comme un coup de bambou : après avoir effectué un pit-stop à Roscoff dès les premières heures de course, Armel Le Cléac’h était reparti une demi-heure plus tard avec un système de recharge des batteries opérationnel. Mais voilà : le décalage était déjà conséquent et le skipper avait dû cravacher pour maintenir un delta raisonnable face aux quatre autres trimarans ULTIME. Le rythme était tel que Sébastien Josse (Maxi Edmond de Rothschild) voyait son flotteur au vent arraché par la mer (il se détournait vers La Corogne), puis Thomas Coville (Sodebo Ultim’) constatait que son bras de liaison était fissuré (il ralliait aussi La Corogne).

Un flotteur cassé

Troisième mais décalé de plus de deux cent milles dans le Nord, Armel Le Cléac’h était contraint de virer de bord dans la nuit à cause de l’arrivée d’une deuxième dépression qui apportait vent de Sud-Ouest de plus de quarante nœuds, mer très formée et désordonnée. Et une fois le front passé, le Maxi Solo Banque Populaire IX enclenchait un deuxième virement de bord pour glisser vers le Sud, vers une relative accalmie où se nichait déjà François Gabart (MACIF) et Francis Joyon (IDEC Sport). Mais avec plus de cinq mètres de creux et plus de trente nœuds de vent, le trimaran était particulièrement sollicité dans un vent d’Ouest puissant et une mer de travers très dure. Au point que le flotteur bâbord ne résistait pas : le solitaire voyait son bateau s’enfoncer puis chavirer sans pouvoir intervenir. Il se réfugiait dans la coque centrale et déclenchait sa balise de détresse.

Il serait réducteur d’écrire que les deux leaders ont maintenant le champ libre car il reste encore plus de 2 500 milles à couvrir avant d’imaginer apercevoir la Tête à l’Anglais en Guadeloupe… Mais la performance de Francis Joyon est à relever car il ne lâche pas le recordman autour du monde qu’est François Gabart… Les deux skippers ont dû enchaîner deux virements de bord lors du passage d’un front et cette nuit s’annonce délicate avec une molle à traverser au Nord de Madère. Le premier qui arrivera à sortir de ce système pour bordurer les hautes pressions prendra une bonne option pour le final à Pointe-à-Pitre… D’ores et déjà, le tempo va sensiblement ralentir en tête de flotte !

Encore des replis

La deuxième dépression balaye tout le golfe de Gascogne et le proche Atlantique : après une nuit très dure, la journée de mardi a aussi été tonique pour cause de front actif avec du vent de Sud-Ouest à plus de quarante nœuds, puis une bascule brutale à l’Ouest voire au Nord-Ouest. La mer s’est donc fortement cabossée, et si les skippers ont souffert (peu de repos, peu d’alimentation, beaucoup d’embruns, beaucoup de chocs dans les vagues), les bateaux ont aussi été sollicités. Au point qu’Isabelle Joschke (IMOCA-Monin) a vu son mât s’écrouler, tout comme le Britannique Sam Goodchild (Class40 – Narcos : Mexico)…

D’autre part, plusieurs solitaires ont décidé de faire demi-tour pour se réfugier dans un port breton (Halvard Mabire/ColombreXL, Nicolas Jossier/Manorga, Cédric de Kervenoael/Grizzly Barber Shop, Andrea Fantini/Enel Green Power, Romain Rossi/Fondation Digestscience, Charlie Capelle/Acapella – Soreal – Proludic, Gérald Bibot/Zed7, Pierrick Tollemer/Resadia…) et d’autres font route vers des abris au Nord de l’Espagne (Loïck Peyron/Happy, Yann Marilley/No Limit Yacht-BMP, Gilles Buekenhout/Jess). Au total, trente-neuf voiliers sont soit considérés comme ayant abandonné, soit sont en escale technique, soit sont en repli stratégique en attente d’une amélioration météorologique, soit sont en route vers un abri.

LE POINT PAR CATEGORIE :

ULTIME – Chavirage d’Armel Le Cléac’h, mano a mano Gabart-Joyon

Pour les trois « rescapés », la course continue, sous forme d’un duel entre François Gabart et Francis Joyon. Le détenteur du record du tour du monde en solitaire, 35 ans et celui du tour du monde en équipage, 62 ans, se marquent à la culotte, 150 milles dans le Nord de Madère. Ils tirent des bords au près dans les derniers souffles de la dépression. Bientôt, ils vont buter dans les restes de l’anticyclone des Açores, synonymes de vent portants plus mous. Il ne reste donc que deux ULTIME performants pour se disputer la victoire…


IMOCA – Deux voies

Depuis le démâtage d’Isabelle Joschke dans la nuit et les avaries de voiles de romain Attanasio, il ne reste que quatorze IMOCA en route vers Pointe-à-Pitre. 600 milles ont été couverts depuis dimanche et le Finlandais Ari Pekka Huusela (Ariel 2) qui ferme la marche, pointe déjà à plus de 260 milles du leader Alex Thomson (Hugo Boss). Mais c’est surtout la dispersion en latitude qui va alimenter la stratégie des jours suivants. Seul contre tous au Nord, le Britannique a marqué des points ce mardi et la situation perturbée toute la semaine semble donner raison au bateau noir…


Multi50 – Dilemmes et séparation

S’arrêter pour mieux repartir ou continuer ? Telle est la question que Lalou Roucayrol (Arkema) a dû se poser avant de décider de rallier le port de Porto (Portugal) ce mardi matin pour laisser passer le plus fort du coup de vent. Le skipper était pourtant en tête. Mais épuisé par les premières 48 heures de course et conseillé par son routeur Éric Mas, il a décidé de faire relâche pour dormir. Pendant ce temps, le reste des troupes, épargné par la dépression, poursuit sa route. Armel Tripon (Réauté Chocolat), l’autre Sudiste du groupe navigue à la latitude de Nazaré (Portugal) et s’avère en bonne position pour la suite…


Class40 – L’éventail atlantique

Les Class40 ont essuyé dans la nuit de lundi à mardi un violent front actif qui a secoué les monocoques de 12 mètres. Et ce n’est pas fini, puisqu’un deuxième puis un troisième front sont attendus d’ici la fin de semaine. Au classement, Yoann Richomme est toujours en tête d’une flotte très dispersée au large du golfe de Gascogne…


Classes Rhum – Aux abris

Trente-huit bateaux composent la catégorie Rhum : 17 monocoques et 21 multicoques. Seulement quinze d’entre eux cinglent encore vers la Guadeloupe après 48 heures d’une navigation éprouvante, pour les hommes comme pour le matériel. Les ports de Bretagne, de Roscoff à Lorient, et à partir de ce soir du Nord de l’Espagne, voient défiler les réfugiés du Rhum, et ces coureurs ayant, en leur âme et conscience d’homme de mer et de compétiteur, choisi de mettre la course entre pointillés, le temps pour Éole de calmer ses ardeurs, et pour Neptune de lisser ses pourtours.


Les retours – Où sont nos navires ?

Plusieurs avaries ont marqué ces premières 48 heures de la Route du Rhum-Destination Guadeloupe. Ainsi en ce mardi midi, trente-neuf sont, soit réfugiés dans un port de Bretagne, soit en route vers une escale technique ou un abri, soit en attente d’un arrêt définitif…

Source

Rivacom

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