J’peux pas, j’ai les Voiles !

© Gilles Martin-Raget

Les régates battent leur plein à Saint-Tropez. Les directeurs de course des trois zones de régate qui composent les Voiles ont de nouveau su s’accommoder avec brio de ce singulier phénomène météo qui fait souffler un imprévisible vent d’est nord est au large des rivages varois, pour lancer à la mi-journée des parcours côtiers pour toutes les classes, Wally, Modernes et Classiques. Bien que fluctuant en force comme en direction au fil de l’après midi, la pression d’est a permis une certaine redistribution dans les classements et offert un final de carte postale, quand futuristes Maxis Yachts et autres Wally sont venus dans le golfe mêler leurs étraves à celles des voiliers classiques. Avec cette nouvelle manche validée pour chacun des groupes en lice, et à la veille de la dernière régate de demain, les jeux et les classements ne sont rien moins que définitifs, quelques ténors ayant choisi cette cruciale journée pour défaillir ; de nombreux groupes devront ainsi attendre le dernier bord de la dernière régate pour connaitre leur lauréat.

Tango, enfin !

Magic Carpet3, le plan Reichel Pugh de 2013 met décidément tout en oeuvre pour prendre sa revanche chez les Wally sur le 80 pieds Lyra, vainqueur en 2017. Mais ce dernier ne lâche rien, et relance le suspens chez les Wally en s’imposant de nouveau, en temps compensé, aujourd’hui lors du parcours côtier dessiné vers Cavalaire. Lancé à la mi-journée dans de tout petits airs, la course a pris du volume au fil de la journée, le vent de nord est fraichissant à plus d’une dizaine de noeuds. Le retour au plus près du vent a permis à certains outsiders de montrer les couleurs. Ce fut le cas du sombre et magnifique Tango, auteur, enfin d’une belle manche bien maitrisée, en tête de bout en bout, et vainqueur en temps réel. Magic Carpet3 se contente de la troisième place qui ménage un formidable suspens à la veille de la dernière et décisive manche demain samedi.

Cannonball tire les marrons du feu en IRC A

Le très attendu Maxi Rambler (Kouyoundjian 2011) et le très observé My Song, (Baltic 130) ont parfaitement tenu leur rang dans les petits airs du jour, terminant respectivement 2ème et 1er du parcours de 21 milles proposé en direction de Cavalaire. Le leader du général provisoire Cannonball, malgré une manche plutôt moyenne, devrait profiter du départ volé de son concurrent direct Jethou, pour consolider son leadership. A noter les belles performances des deux Class J Velsheda et Topaz, aux avant-postes tout au long des bords peu ventés du jour. Le Mylius 80 Twin Soul B a lui aussi montré dans un « range » de vent compliqué, tout son potentiel.

Faux pas pour Gladiator

Bien en jambe pour prétendre remporter le Trophée Edmond de Rothschild chez les IRC C, le magnifique et redoutable TP 52 Britannique Gladiator trébuche aujourd’hui avec une indigne 14ème place. Les hommes de Tony Langley ont pourtant fait le minimum syndicale en s’octroyant la manche en temps réel devant Arobas, son principal concurrent. Pas suffisamment rapidement cependant pour étaler leur handicap en temps compensé.

Classiques : faites vos jeux

Avec la menace d’un virulent coup de vent au large du Golfe, la direction de course des yachts Classiques choisissait ce matin d’envoyer les vénérables concurrents souvent centenaires vers les Issambres, bien à l’abri du golfe. Dans un vent des plus capricieux, les nerfs des navigateurs ont été mis à rude épreuve et les duels ont contacts ont été nombreux. Ainsi au sein du très prestigieux groupe des 20 Fife, en lice pour le Trophée Rolex, a-t-on assisté à un formidable mano a mano entre trois des quatre 15 m JI, Hispania, The lady Anne et Mariska classés dans cet ordre, séparés d’une poignée de secondes ! Mais le vainqueur du jour est certainement Carron II (1935) qui rejoint sur la plus haute marche du podium provisoire Viola (1908) pourtant combatif à souhait avec une belle troisième place derrière le rapide 8 m J Falcon.

En bref

De la complexité d’organiser les régates des Voiles !

Les 300 et quelques bateaux qui composent la sublime flotte de l’événement tropézien sont répartis en trois grandes catégories bien distinctes, les Wally, les voiliers Modernes, et les voiliers de tradition. Si les Wally constituent, malgré leurs différences de tailles, entre 80 et jusqu’à 130 pieds, une classe en elle-même, les voiliers Modernes régatent selon leurs jauges, en 5 groupes IRC. Les Classiques, qui représentent plus de 130 années de yachting, sont, pour d’évidentes raisons d’équité, répartis en pas moins de 13 groupes, en fonction de leur taille et type de gréement, aurique ou bermudien. La difficulté qui incombe à la Direction de course présidée par Georges Kohrel, consiste à organiser chaque jour de la grand semaine tropézienne, des régates attrayantes, offrant aux régatiers une grande variété d’allures, et en évitant de préférence tout télescopage entre les Classes. C’est là le miracle quotidien opéré par les équipes des Voiles, qui choisissent chaque matin, en fonction de la météo envisagée, les parcours du jour pour chacun des trois groupes. Les Wally ont leur « rond » en face de Pampelonne, où ils disputent soit des parcours courts de type « banane », soit des côtiers d’une vingtaine de milles. Les Modernes sont positionnés à la sortie du golfe, en face des Salins, tandis que les vénérables et très vénérés voiliers de traditions, s’approprient le golfe, pour le plus grand plaisir des nombreux spectateurs qui peuvent les admirer depuis la terre. Et puisque l’on parle de hauts fonds, c’est bien LA grande problématique du site si enchanteur du golfe de Saint-Tropez. « Lorsque vous dessinez un parcours devant Pampelonne » explique Georges Kohrel, les fonds passent de 17 mètres… à 1 000 mètres! » On comprend vite la complexité dans ces conditions de mouiller les indispensables marques de passage des parcours. Les équipes du comité font ainsi merveille chaque jour, en s’adaptant au vent, à l’état de la mer (plus de 3 mètres de creux enregistrés aujourd’hui et hier!) aux types et potentiels des différentes classes, pour lancer ces belles courses qui font le bonheur des 4 000 régatiers et des quelques 260 journalistes et photographes venus partager ce si exclusif spectacle.

Jean Pierre Dick est aux Voiles

Le quadruple vainqueur de la Transat Jacques Vabre, et double lauréat de la Barcelona World Race Jean Pierre Dick est aux Voiles. S’il a pris un peu de recul avec sa carrière de coureur en catégorie Imoca, le Niçois n’est pas pour autant rangé des bateaux. Très impliqué dans le projet Vendée Globe de Yann Eliès, à bord de son ancien 60 pieds IMOCA, il développe également la diffusion du petit catamaran de 26 pieds à foils qu’il a mis au point et dont 8 unités naviguent déjà. Il le présente toute la semaine à Saint-Tropez.

Ils ont dit :

Georges Kohrel, Président du Comité de course

« Si le plan d’eau de Saint-Tropez est un enchantement pour les yeux et les regards, il est aussi dénué de repères insulaires propices à dessiner naturellement des parcours. Point de rochers ou îlots dans, ou à l’extérieur du golfe. Il nous faut donc pallier à la nature en mouillant nous mêmes nos marques de passage. Or les fonds atteignent, à seulement quelques milles des côtes, plus de 1 000 mètres de profondeur. D’où la complexité de dessiner, puis de modifier nos parcours….»

Le saviez vous?

William Fife II, fils et père dans la lignée des extraordinaires architectes et constructeurs Ecossais de cotres et goélettes Auriques et Bermudiennes, dessinait et lançait en 1892, un catamaran de 30 pieds!

Yachts extraordinaires

Gaudeamus (Gerhard Barg 1914)

Ce cotre aurique, dont le nom signifie « réjouissons nous » en latin, a connu une histoire assez singulière. Construit en 1914 à Rostock par et sur plans de l’architecte allemand spécialiste des 12 M Gerhard Barg, il change de nom dès 1917 et devient Liselotte II. Il va de nouveau changer de nom à six reprises au cours des 7 décennies suivantes, pour enfin retrouver son nom original de Gaudeamus en 2007. Durant la guerre froide, son propriétaire d’alors, un certain Klaus Schroeder l’utilise pour passer à l’ouest et fuir la République Démocratique Allemande.

Atlantic est dans le golfe…

Une immense goélette de près de 70 mètres, à trois mâts, sillonne le golfe cette semaine, accompagnant les voiliers Classiques en régate dans le cadre des Voiles. Il s’agit de la réplique exacte de la goélette Atlantic détentrice durant près de 75 ans du record de la traversée de l’Atlantique. Skippée par l’américain Charlie Barr, avec 50 hommes d’équipage, la goélette franche à trois mâts Atlantic est entrée dans la légende en 1905, en traversant l’Atlantique Nord dans le cadre de la Kayzer’s Cup en 12 jours, 4 heures, 1 minute et 19 secondes, à une moyenne de 14,1 nœuds. Lors de la Seconde Guerre Mondiale, la goélette fut récupérée par les Coasts Guards Américains, et utilisée pour la chasse aux sous-marins, puis comme navire-école de 1941 à 1947.
Dessiné par William Gardner, Atlantic avait été construite par Townsend et Downey, et mise à l’eau le 28 juillet 1903 pour Wilson Marshall qui désirait un « croiseur rapide » afin de rallier l’Angleterre, puis de sillonner l’Europe en famille… Elle devait terminer ses jours comme restaurant flottant puis comme ponton pour les pompes à gasoil, avant d’être mise à la casse à Newport News Boat Harbour (Virginie) le 30 janvier 1982.
Reconstruite aux Pays-Bas sous la direction de Ed Kastelein qui avait déjà supervisé la remise en état de Thendara, Aile Blanche, Borkumriff, Zaca a te Moana, Eleonora, la coque Noire d’Atlantic navigue de nouveau depuis 2010.

Expo temporaire à la capitainerie

Le Niçois Laurent Thareau, grand habitué des Voiles depuis une douzaine d’année, expose une petite partie de son travail sur les yachts présents dans le golfe à la Capitainerie de saint-Tropez, jusqu’à la fin des Voiles. Wally, Classiques, Laurent présente des tirages couleurs et Noir et blancs de 80 cm à 1,20 m, des images d’une grand pureté et d’un grand esthétisme vélique.

Source

Maguelonne Turcat

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