L’esprit Nioulargue !

© Gilles Martin-Raget

Le partage de la passion. Ainsi peut on résumer l’esprit de la Nioulargue qui souffle plus que d’habitude le jeudi à Saint-Tropez sur les Voiles. De bateau à bateau, de skipper à skipper, de propriétaire à propriétaire, on se défie pour la beauté du geste, pour le plaisir de régater avec d’autre dessein que d’arriver avant son concurrent.

Club 55, Défis : en mer et contre tous

La Club 55 Cup redonne chaque année vie et corps à cette si belle image. C’est le sloop Savannah qui remettait aujourd’hui son titre en jeu, face à Eugenia VII, et a réussi à inscrire son nom pour la seconde fois au palmarès de cette très exclusive coupe.
Ces deux belles unités ouvraient la voie aux autres défis sous le Portalet – tels ceux enregistrés entre Eva contre Viola, Palynodie – St-Christopher ou Josephine Fulmar – même si ces derniers ont dû finalement déposer les armes sans pouvoir se battre face à un vent allant forcissant sur un golfe de plus en plus agité.

Trophée des Centenaires, 30 bateaux sur l’écume du golfe

30 voiliers centenaires étaient ce matin inscrits à la régate organisée en leur honneur, depuis 2011, à l’initiative du Gstaad Yacht Club, en partenariat avec la Société Nautique de Saint-Tropez. Les voiliers se sont élancés à tour de rôle depuis le Portalet, en départ type « décalé » en fonction d’un handicap en temps calculé en fonction des tailles et spécificités de chaque voilier. C’est le décidément très brillant et très persistant Sonderklasse allemand Tilly XV (1912) qui s’est le mieux accommodé des rudes conditions du jour, devant le petit cotre signé Fife Kismet (1898), après réduction du parcours.

  • 2011: Bonafide (1899)
  • 2012: Marigold (1892)
  • 2013: intempéries, pas de défi
  • 2014: Olympian (1913)
  • 2015: Oriole (1905)
  • 2016: Spartan (1913)
  • 2017: Tilly XV (1912)
  • 2018 : Tilly XV (1912)

Le point à mi-course chez les Classiques

Les voiliers Classiques ont validé deux superbes manches depuis le début des compétitions à Saint-Tropez, dans de belles conditions de vent et de mer.

  • 20 plans Fife naviguent au sein d’un même groupe dans le cadre du Trophée Rolex – Jubilée Fife destiné à mettre en lumière les 130 ans du dragon d’étrave du célèbre architecte-constructeur écossais. Malgré une moins bonne manche hier (5ème), Viola (cotre aurique 1908), conserve le leadership, devant l’étonnant 15 mJ Hispania, auteur d’une excellente saison.
  • Le cotre aurique Kismet (1898) a brillé hier et partage un très provisoire podium avec Carron II, le 8 mJ de 1935.Le nouveau venu St Christopher, sloop bermudien signé Sparksman&Stephens, sur dessin de German Frers, est la bonne surprise de cette première moitié de compétition. Une victoire et une deuxième place le propulsent en tête du classement des grands marconis. Un autre Sparksman&Stephens, Stiren (1963) est ce soir au coude à coude, à égalité de points avec le proto Sagitarius (Stephens 1973) chez les Marconis B. Il Moro di Venezia règne quant à lui, sans aucun partage chez les 12 m JI, devançant Ikra (Boyd 1964).
  • Chez les Auriques, Kelpie est pour l’heure intouchable en tête du Groupe « Epoque Aurique », dans lequel figurent pourtant les aussi redoutables qu’élégants Spartan (Herreshoff 1913) et Olympian (Gardner 1913). Le groupe Epoque Aurique B rassemble 13 somptueuses unités de 13 à 20 mètres, tous centenaires, dont les vénérables Marigold, lancé en 1892 et Lulu, construit en 1897. C’est le Sonderklasse allemand Tilly XV (von Hacht 1912) qui brille de mille feux et emporte tout sur son passage, devant le 8 mR Folly (Nicholson 1909) et le joli cotre aurique Gaudeamus (Barg 1914).
  • Sérénade impressionne en tête des Epoque Marconi, Groupe A, où naviguent pourtant des voiliers aussi légendaires que Argyll (Sparksman&Stephens 1948), Manitou (Stephens 1937 ou Oiseau de feu (Nicholson 1937). A mi parcours, il devance déjà son dauphin Rowdy (Herreshoff 1916) de 5 points.
  • Bel affrontement chez les sloops bermudiens du groupe Epoque marconi B, entre les deux Sparksman&Stephesn Blitzen, (1938) et Santana (1935), avec le Class Q Jour de Fête (Paine &Burgess 1930) en embuscade.
  • Cippino II (Frers 1949), prends admirablement ses marques dans le golfe en dominant sans partage le groupe Epoque marconi C. Fjord III (Frers 1947) et Stormy Weather (Stephens 1934) n’ont cependant pas encore abdiqué.
  • Le 8 m Bermudien Sonda (Mac Gruer 1951) a lui aussi remporté deux victoires chez les Marconis Groupe D. Aloha, le sloop signé Shock (1923) à Francis van den Velde va devoir hausser son niveau de jeu pour espérer l’emporter.
  • Sans grande surprise, l’immense goélette Elena of London (Herreshoff 2009) domine sa classe, devant Puritan (Alden 1930).
  • La très contrastée Classe « Invitée » est dominée à mi-parcours par Windhover (Luke 1904), talonné par l’une des plus petites unités présentes aux Voiles, Dainty et ses 8,12 m d’élégance (Westmacott 1922), et le cotre aurique Djinn (Annemans 1934).
  • Le groupe récemment créé aux Voiles des « Big Spirit of Tradition » voit un joli mano a mano entre Sultana (Hoek 2018) et Savannah (Pedrick 1996)

En bref

Le défilé des équipages

C’est l’un des nombreux temps forts des Voiles, l’un des plus burlesque assurément, quand les équipages se griment, se déguisent et défilent depuis le village des Voiles, jusqu’au môle Jean Réveille, en musique, accompagnés d’une foule souvent hilare, pour un bon moment d’amitié et de franche bonne humeur. Un jury, exclusivement féminin, choisit l’équipage le plus drôle, le plus original dans son accoutrement et dans sa fantaisie, et son capitaine se voit récompensé par son poids en vin de pays…

Des Voiles « vertes »

En prélude aux Voiles de Saint-Tropez, du 20 au 24 septembre 2019, l’espace Village des Voiles accueillera les premières « Rencontres de la mobilité durable », salon dédié à la découverte, à la promotion et à l’usage des nouvelles technologies propres dans les secteurs de la mobilité terrestre, aérienne et maritime. Initié par la Ville de Saint-Tropez, en partenariat avec l’association « le cinquième élément », Présidée par Nathalie Vincent, et au sein de laquelle officie Denis Horeau, ancien Directeur de course du Vendée Globe, ce salon ouvert au grand public rassemblera, autour d’expositions, de conférence et d’ateliers, des entreprises, universités et start-up mobilisées par cette cause universelle, afin de favoriser le changement de nos comportements et de nos modes de consommation dans le domaine des transports, pour que les savoirs et technologies déjà disponibles se développent et entrent de plus en plus dans nos habitudes de vie.

Ils ont dit

Patrice de Colmont, créateur de la Nioulargue en 1981, demeure plus que jamais un observateur attentif des Voiles :

« Les hommes et les temps changent, mais la philosophie de la Club 55 Cup n’a pas pris une ride : c’est devenu une tradition, qui se respecte de génération en génération. La magie continue, grâce à des hommes comme Bill Jayson, André Beaufils et Tony Oller qui savent porter l’esprit de la Nioulargue d’année en année. On retrouve ainsi chaque année ce partage, cette envie de vivre ensemble les choses de la mer, à Saint-Tropez, comme en 1981. En tant qu’homme qui aime la mer, je voudrais également évoquer les 376 victimes du drame de Lampedusa, voici un an. Des êtres humains sont en détresse. La solidarité des gens de mer ne doit pas rester un vain mot, c’est une règle cardinale pour tout marin. »

Entretien avec Loïck Peyron

Loïck Peyron est un amoureux des Voiles de Saint-Tropez ; il a été l’acteur souvent déterminant dans l’évolution de ce sport de voile et de cette technologie qui a, phénomène unique dans toutes les compétitions humaines, multiplié par trois en quelques décennies les vitesses des bateaux à voile. Tenant du titre de la Route du Rhum, à bord d’un trimaran géant, il repartira en novembre prochain aux commandes d’un petit trimaran Vintage, sister-ship du multicoque premier vainqueur de l’épreuve en 1978. Entretien sans filet :
« Qu’est ce que la Voile ?… Demanderait-on à un golfeur, ou à un footballeur, la définition de la « balle »? On a beau toucher à tous les domaines, le spectre d’utilisation de la voile comme élément propulsif pour une compétition sportive, est tellement large, qu’on peut difficilement définir la voile. Et c’est là toute la beauté de la voile, de mélanger ainsi tant de genres, tant de supports, avec un échange de culture et d’expériences maritimes d’une grande richesse, à tel point qu’il existe des vainqueurs de la Coupe de l’America qui n’ont jamais passé une nuit en mer ! Le nombre de milles ou la taille du bateau ne font pas la qualité d’un marin ! C’est un ensemble de facteurs qui fait le bon marin. Il n’y a pas de champion du monde de voile ! Pas de hiérarchie et c’est tant mieux. Je participe à la Route du Rhum à bord d’un voilier « vintage », pour montrer une partie de ce large spectre, et expliquer l’évolution colossale réalisée depuis moins d’un demi siècle. La voile est le seul moyen de transport qui ait multiplié sa vitesse par trois en 40 ans. J’ai eu la chance de participer à cette évolution. Je suis ravi de revenir à mes premières amours, naviguer au sextant sur un bateau « lent »… et Saint-Tropez montre une partie de ce large spectre qu’est la voile! »

Le saviez vous ?

Deux voiliers aux noms de Kelpie naviguent aux Voiles ; Kelpie of Falmouth, cotre aurique de 1928 (Harvey Gramage) et Kelpie, cotre aurique signé Alfred Mylne, de 1903. Le kelpie est une créature métamorphe mentionnée dans plusieurs mythes et légendes issus du folklore écossais et irlandais, souvent vu comme une fée. Il possède des caractéristiques chevalines, aquatiques et humanoïdes à la fois, et vit généralement dans les eaux courantes, comme les rivières, et plus rarement dans les lochs. Il a souvent été décrit comme apparaissant sous forme de cheval, mais serait en mesure d’adopter n’importe quelle forme humaine. Ce gardien des lacs capable de changer de forme dans de noirs desseins rappelle énormément les Limnades dont sa légende est probablement dérivée.

Yachts extraordinaires

Pandora

Nouveau venu dans le Trophée des Centenaires, Pandora est le dernier cotre de la jauge 9m R. Il a été dessiné en 1907 par le célèbre architecte Johan Anker, créateur du Dragon. La règle 9 mR a été inventée probablement par Anker lui-même. Durant l’hiver 1906-1907, le chantier Norvégien Anker & Jensen construira 10 de ces unités. Pandora était à l’origine gréée aurique, puis reçut un gréement Bermudien en 1921. On lui remit son grément aurique en 2001.

Eugenia VII

Eugenia VII a donc relevé aujourd’hui le défi lancé par Savannah dans le cadre de la Club 55 Cup. C’est un yacht de luxe, construit en Turquie chez Turquoise Yachts, et lancé en 2009. Il s’agit d’un sloop de 33 mètres, dessiné par Hoek Design.

Source

Maguelonne Turcat

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