Point de croix

© CMB Espoirs

Si l’arrivée devient de plus en plus imminente, les comportements stratégiques des duos ne sont pas encore tracés : les alizés ne daignent pas tourner à l’Est comme prévu et chaque tandem retarde la décision de plonger vers les Antilles. Entre vents variables, algues ingérables et courants particuliers, il y a du boulot sur le pont et à la table à cartes. Et on ne sait toujours pas qui va ressortir en pointe après le croisement…

Ça tricote, ça empanne, ça se recale, ça s’en va et ça revient… Pas facile d’y voir clair à peine à trois jours de l’arrivée à Saint-Barthélemy ! Incontestablement, les alizés qui soufflent désormais régulièrement en force sur la flotte n’ont pas franchement basculé à l’Est : le temps du recadrage n’est pas encore tout à fait venu… Il y a des oscillations, des lignes de grains, une couverture nuageuse peu habituelle et donc plus de difficulté à lire le ciel et à en tirer des enseignements. Quant aux fichiers météo, ils laissent toujours planer le doute sur cette bascule à l’Est tant attendue et qui ajoute de l’incertitude sur la validité des options : au Nord, au Sud, au centre ?

Point d’orgue

Car à force de remonter vers le Nord-Ouest, les plus extrêmes vont finir par sortir du cadre ! L’orthodromie, la ligne virtuelle qui relie les Canaries aux Antilles, n’est plus qu’à 60 milles de l’étrave d’Adrien Hardy & Thomas Ruyant (Agir Recouvrement), les plus septentrionaux ! Certes ce n’est qu’un repère artificiel, mais tout de même : il confirme qu’il y a toujours et encore une divergence d’opinions avec les « Sudistes », Gildas Mahé & Nicolas Troussel (Breizh Cola) étant à plus de cent milles sur leur bâbord… Et l’air de rien, ils ont grignoté une dizaine de milles dans la journée.

La convergence n’est donc pas d’actualité tout de suite, mais il va bien falloir prendre sur soi et glisser vers Saint-Barthélemy, en escalier comme Anthony Marchand & Alexis Loison (Groupe Royer-Secours Populaire) ou plus franchement comme il faut s’y attendre de la part d’Erwan Tabarly & Thierry Chabagny (Armor Lux-Gedimat) ou d’Éric Péron & Miguel Danet (Le Macaron French Pastries) dans la journée.

Point break

Quant au peloton, il n’éclaire pas plus la stratégie qui portera ou non ses fruits : ils sont six dans un mouchoir de poche à l’échelle de l’océan, et l’atterrissage sur les Antilles ne semble pas plus simple que pour les leaders. Entre des alizés inconstants en direction, des masses nuageuses importantes, des bancs de sargasses conséquents et des courants généraux mal cernés, les navigateurs ont de quoi passer du temps à la table à cartes ! Et à sortir régulièrement la perche à algue pour se débarrasser de ces perturbateurs d’écoulement.

Bref quand donc vont-ils se croiser, se regrouper pour qu’on puisse enfin établir une hiérarchie plus consistante, pour filer vers le même point dans l’entonnoir final, vers l’arc caraïbe. Cette quatorzième Transat AG2R LA MONDIALE entretient le suspense depuis deux semaines et à force de scinder la flotte en sous-éléments, on commence à y perdre son latin. Surtout que les vitesses instantanées laissent parfois pantois lorsqu’un duo accroche un grain et ne le lâche pas pendant des heures, comme ce fut le cas hier pour Sébastien Simon & Morgan Lagravière (Bretagne CMB Performance) quand la trace atteignait plus de treize nœuds ! Pour finalement retomber à un seul chiffre derrière ce grain de beauté…

Ils ont dit

Alexis Loison (Groupe Royer-Secours Populaire)

« Nous essayons de recroiser devant NF Habitat et donc de profiter des oscillations du vent. Ce n’est pas évident. Le vent n’est pas très fort. On y va par escalier. Nous n’avons pas eu de grains pour le moment. On essaie d’avancer avec ce qu’on a et les siestes vont devenir plus rares. On essaie de tout donner : nous sommes à trois jours du finish. Ça va être assez passionnant à suivre. On sait que l’arrivée peut réserver des surprises : avec les grains, un vent qui ne correspond pas forcément au fichier météo. Il y a également pas mal de sargasses. C’est un entonnoir. Toutes les options vont se resserrer et vont converger. La question est de savoir qui va croiser devant qui. Un atterrissage sur des îles ce n’est jamais simple : il faut arriver à viser le bon point pour finir avec un bon angle, une bonne vitesse. Il faudra passer pas mal de temps devant l’ordinateur. Il y a aussi le courant à prendre en compte. Nos prévisions de courant et ce que l’on voit sur nos instruments ne correspondent pas à la réalité. C’est un paramètre qui peut jouer pour l’arrivée car c’est un courant qui tourbillonne beaucoup. Il faut le prendre dans le bon sens. On subit un peu. On essaie de regarder l’état de la mer. Il y a l’ordinateur pour la stratégie et l’observation du ciel et de la mer, le tout mouliné devant une intelligence artificielle ! »

Romain Attanasio (Bretagne CMB Espoir)

« Il fait nuit noire. On vient d’empanner. Nous essayons de faire un peu de Sud. Dès que nous avons une petite opportunité, une petite bascule de vent, nous en profitons. On est dans 25 nœuds de vent. Ce n’est pas facile. Nous avons beaucoup de grains. C’est un alizé très particulier : un ciel d’altitude très complexe, très nuageux et beaucoup de grains. Nous essayons de bien les prendre et de ne pas nous faire piéger. Ce n’est pas facile de lire le ciel. On va passer encore quatre nuits en mer dont celle-là. Je n’ai jamais eu de problème pour arriver à St-Barth : il n’y a pas de dévents. Ce qui est plus inquiétant, c’est le vent qui est très erratique et très changeant et puis nous surveillons en permanence les algues. Celui qui dort, il est obligé de se réveiller pour gérer ces sargasses… »

CLASSEMENT du 8 mai à 5H

  1. AGIR Recouvrement (Adrien Hardy / Thomas Ruyant) à 619,09 milles de l’arrivée
  2. Bretagne – CMB Performance (Sébastien Simon / Morgan Lagravière) à 1,25 milles du premier
  3. Breizh Cola (Gildas Mahé / Nicolas Troussel) à 11,35 milles
  4. Guyot Environnement Breizh Cola (Pierre Leboucher / Christopher Pratt) à 17,85 milles
  5. Groupe Royer – Secours Populaire (Anthony Marchand / Alexis Loison) à 41,66 milles

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