Résilience canarienne

© Benoit Stichelbaut

Une semaine après la décision de rompre le contact au large de Madère, la flotte des seize Figaro Bénéteau en lice est encore très dispersée sur l’Atlantique et le final reste très ouvert avec un alizé qui prend du souffle, des grains qui perturbent les schémas, des plaques de sargasses qui barrent la route et une grosse incertitude sur les conditions météo lors de l’atterrage sur les Antilles.

Il y aura forcément réflexion a posteriori sur le choix engagé à Madère : fallait-il ou non piquer au Sud, fallait-il prendre la décision plus tôt ou plus tard, fallait-il passer au milieu ou aux extrémités de l’archipel, fallait-il ensuite glisser encore plus au Sud ? Bref, comme dans toute discipline sportive, on refait le match après la ligne d’arrivée… Car à ce jour, les certitudes ne s’affichent pas encore même si parfois les écarts au leader sont conséquents. Certes Mathieu Claveau & Pierre Loulier (Les Frigos Solidaires) ne visent plus le podium mais pour autant, sont-ils à l’abri d’un retour gagnant de Guillaume Farsy & Renaud Nicot (Cornouaille-Solidarité Saint Barth) qui vont raser ce soir l’archipel du Cap-Vert ? Soit un différentiel latéral de plus de 250 milles qui devrait encore s’agrandir avec la route très méridionale annoncée…

Oscillation des écarts

Certes l’analyse des écarts au leader pourrait laisser entendre que certains placements sur l’échiquier atlantique limitent les possibilités de retour, mais c’est oublier que les prévisions météorologiques ne sont pas toujours aussi tranchées que les routages ne l’indiquent ! Surtout quand il reste plus de 1 500 milles à couvrir jusqu’à Saint-Barthélemy… De fait, persévérer sur une voie septentrionale comme Adrien Hardy & Thomas Ruyant (Agir Recouvrement), semble pour l’instant porter ses fruits, mais quid des grains et des bascules d’un alizé qui prend du coffre et ne répond pas toujours aux critères de stabilité.

Car ça glisse bien cent milles plus « bas », du côté de Gildas Mahé & Nicolas Troussel (Breizh Cola) habitués eux aussi des chemins de traverse, sans compter que la voie intermédiaire choisie par Sébastien Simon & Morgan Lagravière (Bretagne CMB Performance) allonge bien la foulée depuis leur recadrage. Et ça pousse aussi par derrière à l’image d’Éric Péron & Miguel Danet (Le Macaron French Pastries) qui grappille les milles sur le duo Erwan Tabarly & Thierry Chabagny (Armor Lux-Gedimat) depuis quelques jours…

À une semaine de l’arrivée prévue, les équipages sont forcément partagés entre les données brutes d’un algorithme et les paramètres fluctuants de la réalité : nuages, algues, rotations alizéennes, incident technique, couperet météo, lassitude, changement climatique, fracture psychologique ou bien d’autres phénomènes sont à même de chambouler des schémas qui sont encore loin d’être acquis. La phase la plus ronronnante de cette Transat AG2R LA MONDIALE n’est pas la plus facile à gérer à bord des Figaro Bénéteau : concilier énergie et détermination impose une zénitude harmonieuse pour balayer la résilience madérienne…

Ils ont dit

Adrien Hardy (Agir Recouvrement)

« Nous sommes les plus au Nord et ça marche bien : on fait route directe vers St-Barth. On a eu pas mal de vent hier car les alizés sont désormais bien installés. Nous sommes contents de voir qu’ils semblent équilibrés. Les gars du Sud vont un tout peu plus vite, mais c’est assez proche donc c’est une bonne chose pour nous. On fait du plein Ouest, il y a 20 nœuds de vent. C’est confortable. On prévoit une arrivée le 10 au soir à St-Barth… Les pièges ? C’est toujours de savoir quelle sera la direction du vent les deux derniers jours et même la dernière journée. Savoir si tu arrives en tribord ou en bâbord. Il faut être bien positionné pour le dernier bord, c’est souvent cela qui peut faire la différence. Il faut essayer d’anticiper et être bien placé pour la dernière bascule. Après, plus nous allons avancer, plus nous allons avoir des grains importants. Ce sont les aléas. Il y a aussi les sargasses même si c’est une inconnue pour nous. Quand on regarde à l’échelle de l’Atlantique, on est encore assez loin de l’arrivée donc on garde un œil attentif sur le comportement des Sudistes. Les écarts peuvent rapidement se combler. »

Guillaume Farsy (Cornouaille Solidarité St-Barth)

« Nous ne sommes pas loin du Cap-Vert. Nous sommes bien au Sud et nous avons du vent donc nous allons continuer. Les routages nous font descendre encore un peu plus. On se dit que tout le Sud gagné au début ne sera pas à faire par la suite. C’est notre option et nous essayons de récupérer quelques milles sur la tête de la flotte et notamment sur notre concurrent direct : Les Frigos Solidaires. Il va y avoir deux options radicalement différentes entre eux et nous. On fera les comptes à la fin. Ça se passe très bien, nous nous entendons très bien avec Renaud. On se découvre. Nous avons de bonnes rigolades. Nous nous sommes trouvés une petite occupation en commun quand le vent est stable : un petit jeu de régate sur ma tablette. C’est un jeu de stratégie. Nous nous faisons de temps en temps une partie, ça nous détend et c’est très sympa. Du coup, même pendant les heures de pause, on fait du bateau ! Nous nous sommes battus aujourd’hui avec notre premier nuage de grains. Nous avons repris nos cours météo de Jean-Yves Bernot pour attaquer au mieux ce genre de phénomène météo. Nous sommes bien dans l’alizé profond et le soleil commence à bien taper. J’ai la chance d’avoir à bord un homme du soleil et du coup, il résiste très bien aux températures. Il revit même. Pour moi, c’est un peu plus homard breton à la sortie de cuisson. Ce sont les premiers jours mais après ça ira, je travaille mon bronzage… »

CLASSEMENT du 4 mai à 5H

  1.  AGIR Recouvrement (Adrien Hardy / Thomas Ruyant) à 1527,15 milles de l’arrivée
  2.  Bretagne – CMB Performance (Sébastien Simon / Morgan Lagravière) à 23,82 milles du premier
  3.  Groupe Royer – Secours Populaire (Anthony Marchand / Alexis Loison) à 46,46 milles
  4.  Breizh Cola (Gildas Mahé / Nicolas Troussel) à 55,65 milles
  5.  Guyot Environnement Breizh Cola (Pierre Leboucher / Christopher Pratt) à 57,20 milles

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